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Une oeuvre (peu) commune

Dans la vallée de Chevreuse, la sculptrice Marta Pan et l’architecte André Wogenscky ont bâti une maison-atelier, manifeste esthétique moderniste dans lequel ils n’ont cessé de lier leur art et leur amour.

- Thibaut Mathieu RÉALISATIO­N Philippe Jarrigeon PHOTOS Sophie Pinet TEXTE

En vallée de Chevreuse, la sculptrice Marta Pan et l’architecte André Wogenscky ont bâti une maison-atelier, manifeste esthétique moderniste… et amoureux.

Nous habitons le territoire du rouge-gorge. Comme nos intérêts n’empiètent pas sur les siens, il nous tolère. » Chaque jour, Marta Pan écrivait ainsi, sur des carnets, ce qu’elle observait depuis sa fenêtre. Aujourd’hui ils sont précieusem­ent conservés à la fondation, qui fut, durant plus d’un demi-siècle, la maison dans laquelle ils vécurent heureux, elle et l’architecte André Wogenscky. L’histoire démarre le 17 mai 1952, lorsque, ensemble, quelques jours après avoir célébré leur mariage, ils achètent un simple pâturage qui surplombe l’Yvette, la rivière qui traverse SaintRémy-lès-Chevreuse. Ils se sont rencontrés à Paris, un soir de réveillon, à la fin de l’année 1948. Lui était marié, elle avait quitté depuis peu sa ville natale, Budapest, mais fréquentai­t la scène artistique qui comptait – dont Le Corbusier, pour lequel André Wogenscky oeuvrait déjà. Ils se sont aimés immédiatem­ent, bien que clandestin­ement dans un premier temps. Pendant longtemps, elle le retrouvait lors de courts séjours au gré de ses chantiers, souvent à Marseille, pour la constructi­on de l’Unité d’habitation de la ville, la Cité radieuse. Ces longs mois passés ensemble, à l’abri des regards, n’eurent pourtant pas raison de leur passion. Ces deux-là s’aimaient, et venaient d’entamer un singulier dialogue à travers leurs discipline­s respective­s. Ainsi, lors du divorce d’André, ils se lancèrent immédiatem­ent dans le projet de cette maison qui devait abriter leur vie de couple, mais aussi l’atelier de leurs créations, conjointes ou non. Une maison-atelier, sans frontières entre les espaces ou les discipline­s.

C’est un plan simple, hérité des années de collaborat­ion avec Le Corbusier, dont André Wogenscky a dirigé l’atelier de la rue de Sèvres. C’est aussi le premier projet personnel de l’architecte qui retranscri­t en façade les grandes lignes architectu­rales des années 1950. À l’intérieur, les espaces de vie sont ouverts et la circulatio­n fluide. Le visiteur évolue naturellem­ent de l’extérieur vers l’intérieur, puis du rez-de-chaussée au toit-terrasse. La singularit­é du plan apparaît en réalité ailleurs : dans l’absence de cloisons, même pour dissimuler les éléments techniques comme la chaudière ou la buanderie, et surtout dans l’absence de frontière entre lieu de vie et lieu de création. La chambre s’arrête où démarre l’atelier dessin d’André Wogenscky, le salon commence où s’interrompt l’atelier de Marta Pan.

Une partition à deux

Ainsi, au-delà de l’oeuvre architectu­rale nourrie par les préceptes moderniste­s de l’époque, la sculptrice prolonge et complète le trait de son mari à travers certains détails, comme la main courante, la poignée de la porte principale ou encore les gargouille­s en façade. La maison atelier du couple sera la première partition qu’ils composeron­t à deux, avant d’autres chantiers où elle l’accompagne­ra, rythmant son dessin épuré d’éléments plus sculpturau­x. Une partition à deux entamée sur ce site niché dans la vallée de Chevreuse, qu’ils ne cesseront d’enrichir et de faire évoluer tout au long de leur vie, faisant disparaîtr­e toute frontière entre art et architectu­re, entre instants de vie et moments de création. À la disparitio­n de son mari, en 2004, Marta Pan ne cessera de poursuivre son oeuvre toujours plus géométriqu­e, plus monumental­e, plus architectu­rale, jusqu’à son dernier souffle, en 2008. La maison, restée figée depuis, abrite désormais la fondation qui leur est consacrée. On peut visiter la fondation Marta Pan André Wogenscky les samedi 15 et dimanche 16 septembre de 10 h à 19 h à l’occasion des Journées européenne­s du patrimoine. Le site est aussi accessible toute l’année (sauf en août) selon modalités.

Plus d’informatio­ns sur pan-wogenscky.com

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 ??  ?? LE JARDIN s’est agrandi grâce au rachat de parcelles avoisinant­es, pour accueillir, dès la fin des années 1990, les sculptures toujours plus monumental­es de la sculptrice.AU PREMIER ÉTAGE, l’espace privé est ouvert en mezzanine avec vue sur la pièce de dessin d’André Wogenscky et, en dessous, la partie salon et l’atelier de Marta Pan.LA CHAMBRE, dont les ouvertures larges et fines semblent sculpter la lumière.
LE JARDIN s’est agrandi grâce au rachat de parcelles avoisinant­es, pour accueillir, dès la fin des années 1990, les sculptures toujours plus monumental­es de la sculptrice.AU PREMIER ÉTAGE, l’espace privé est ouvert en mezzanine avec vue sur la pièce de dessin d’André Wogenscky et, en dessous, la partie salon et l’atelier de Marta Pan.LA CHAMBRE, dont les ouvertures larges et fines semblent sculpter la lumière.
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 ??  ?? AU REZ- DE- CHAUSSÉE, à gauche, l’architecte a ouvert la façade pour aménager un coin repos légèrement en contrebas par rapport au reste de la pièce.DANS L’ATELIER de Marta Pan, des maquettes de sculptures.VUE DE LA MEZZANINE, ouverte sur le salon et ses sculptures en Plexiglas.
AU REZ- DE- CHAUSSÉE, à gauche, l’architecte a ouvert la façade pour aménager un coin repos légèrement en contrebas par rapport au reste de la pièce.DANS L’ATELIER de Marta Pan, des maquettes de sculptures.VUE DE LA MEZZANINE, ouverte sur le salon et ses sculptures en Plexiglas.
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