Un studio de création disjoncté
Visite de l’appartement milanais de l’équipe de ToiletPaper, un univers à haute personnalité.
C’est dans une maison milanaise que l’équipe de ToiletPaper a installé son univers à haute personnalité. Le photographe Pierpaolo Ferrari, fondateur du magazine avec l’artiste Maurizio Cattelan, nous ouvre les portes de son intérieur excentrique et irrévérencieux.
L’ambiance est pop, dadaïste et surréaliste. Ici, les assiettes sont imprimées de spaghettis et les miroirs portent des traces de rouge à lèvres. Nous sommes chez Pierpaolo Ferrari, photographe réputé pour ses images disruptives illustrant les campagnes publicitaire de Kenzo, Maison Kitsuné, Alitalia ou Galeries Lafayette. Une pointure dans l’univers de la mode donc. En parallèle de sa carrière solo, ce Milanais grand teint est également célèbre pour avoir fondé en 2010, avec la superstar de l’art contemporain Maurizio Cattelan, la revue semestrielle ToiletPaper, dont le dernier numéro paraît ce mois de mars.
Ce magazine iconoclaste tout images, qui s’inscrit dans la tradition des publications irrévérencieuses façon Hara-Kiri du professeur Choron dans les années 1970, propose des visuels tordus et visionnaires. « ToiletPaper est une oasis d’horreur dans un désert d’ennui », s’amuse Pierpaolo Ferrari. Détournant les codes de l’imagerie publicitaire, de la mode ou de l’actualité, le duo imagine des images hallucinées aux couleurs explosives qui provoquent pour mieux questionner notre époque. Esprits frondeurs, les deux comparses pratiquent le paradoxe, la provocation, l’humour et l’ironie féroce. Leurs clichés sèment le trouble : on éprouve à les regarder un étrange
mélange de dégoût et de fascination, d’effroi et d’amusement. Qu’ils s’agisse d’une main s’apprêtant à couper d’un coup de ciseaux les ailes d’un canari ou d’un chien fumant la pipe, chaque visuel résulte d’une séance photo savamment orchestrée.
Visuels délirants
On retrouve ces images décapantes du sol au plafond, des chaises à la porcelaine du service de table, dans l’intérieur sur trois étages qu’occupe Pierpaolo Ferrari à Milan, à quelques mètres du célèbre Bar Basso. « C’est ma maison, avec un petit bureau qui est aussi devenu la rédaction de ToiletPaper. Cet endroit illustre notre démarche créative. Je travaille ici, je vis ici, je mange ici, je pleure ici, je rêve ici… je devrais sortir plus souvent ! » Outre leur publication sous forme de magazine, les visuels délirants du duo sont depuis quelques années déclinés à travers des objets décoratifs édités par Seletti ou Gufram. « Les imprimés représentent une partie importante de notre communication, nous tenons à user du plus de médias possible afin que notre travail soit viral et non statique. Nous voulons que nos images se propagent partout, pas qu’elles restent figées sur des morceaux de papiers. » Affiches, planches de skate, paravents, abatjour, banquettes et chaises, le studio de création de Pierpaolo Ferrari est saturé d’objets jusque dans ses moindres recoins. « Je suis un grand fan du décorateur Renzo Mongiardino et de la façon dont il était capable de décorer chaque centimètre d’un espace. Notre travail s’inspire de cette démarche : ce n’est pas le design en lui-même qui nous intéresse, mais la décoration, l’interaction entre les objets et l’espace autour d’eux.
Nous travaillons sur un environnement global. » Assiettes, mugs et théières agrémentés de clichés de doigts, recourbe-cils ou ventouse pour éviers, renvoient immanquablement aux céramiques ornées de dessins de Pietro Fornasetti. L’univers de Pierpaolo Ferrari s’inscrit dans un art de vivre fantasque tout italien. « Mon lieu de travail se rapproche plus de l’idée que l’on se fait d’un salon que de celle d’un bureau. Je ne pourrais pas travailler dans un espace vide et aseptisé. J’ai besoin d’un endroit qui m’inspire et inspire les gens qui travaillent avec moi. La créativité est mentale, il faut insuffler des émotions. »