Designers de matériaux vertueux
Afin de trouver des alternatives aux plastiques dérivés du pétrole et envisager un futur meilleur, une jeune génération de talents crée, au-delà même de la recherche formelle, des substances écologiques et prospectives.
Pleins feux sur une génération de talents qui crée des matières alternatives au plastique.
Effondrement des écosystèmes, dérèglement climatique, pollution de l’air, appauvrissement des terres arables, autant de maux qui incitent une nouvelle génération de designers à penser autrement leur métier, loin du consumérisme ambiant, en déjouant les habitudes industrielles. Qu’ils soient français, néerlandais ou belges, ces trentenaires épris d’écologie s’emploient à développer de nouveaux processus de fabrication vertueux qui impliquent l’usage de matériaux innovants. Ils conçoivent tables, luminaires ou vaisselle à partir de matières organiques végétales, minérales ou secrétées par des insectes. Qu’importe l’origine des éléments naturels utilisés, l’important étant pour eux de freiner autant que faire se peut l’épuisement des énergies fossiles, ainsi que d’enrayer la pollution par le plastique. Autre atout des matières propres utilisées par ces designers écoresponsables, elles permettent de répondre à la perspective d’une crise de la ressource en pétrole. Nécessitant les compétences d’informaticiens, de chimistes et de biologistes, la biofabrication met en oeuvre une nouvelle forme de nature artificielle. Elle implique l’idée de programmer le vivant, une problématique au coeur de l’actualité scientifique autant que culturelle. Ce printemps, l’exposition
La Fabrique du vivant, au Centre Pompidou, explorait l’appropriation des biotechnologies par des artistes,
designers et architectes. De son côté, la Biennale du Design de Saint-Étienne proposait à travers sa Biofactory de « faire pousser » les produits du quotidien de demain. À la Triennale de Milan, Broken Nature ( jusqu’au 1er septembre) imagine de reconnecter l’humain à son milieu naturel en régénérant des objets tombés en désuétude.
Si la génération de talents écosensibles des années 1990-2000 – à la façon des frères Campana à leurs débuts ou de Piet Hein Eek – travaillait sur des concepts de recyclage dans une veine expressionniste, parfois même baroque, les jeunes designers d’aujourd’hui envisagent plutôt leur métier à la façon de chercheurs. Formellement minimale, simple et neutre, leur production joue sur des formes standards qui mettent en valeur les textures brutes, oxydées, craquelées ou parfois tachetées de leurs matériaux novateurs. Ils insufflent une élégance barbare à leurs productions. À l’état de prototypes, ou produites en petites séries, leurs créations découlent de processus artisanaux renouant avec la tradition du fait main et du bel objet longtemps maturé. Ils préfigurent pourtant une nouvelle donne industrielle… Aux plastiques lisses et brillants succède la force de substances vivantes.
Broken Nature, Triennale Milano, Musée permanent du design Italien, viale Emilio Alemagna, 6, 20121 Milan. tirennale.dor/teatro