Modernité intemporelle
En Inde, le décorateur Axel Vervoordt a créé une villa tout à la fois coloniale et indienne, ancienne et contemporaine.
Coloniale et indienne, ancienne et contemporaine, c’est ainsi que Manju Sara et Topsy Mathew, ses propriétaires, ainsi que le décorateur et collectionneur Axel Vervoordt ont voulu cette villa familiale située à la pointe sud de l’Inde. Une recherche harmonieuse de calme et de sérénité.
Nous sommes à Kottayam, dans les Backwaters, ces paysages de lacs, lagunes et canaux typiques de cette partie du Kerala entourée de verdure et de beaucoup d’eau. Passé un immense jardin-palmeraie, mi-jungle maîtrisée mi-plantation relâchée, la maison apparaît. Intemporelle, inclassable. Intégrée à la nature. Les propriétaires, Manju Sara et Topsy Mathew, journaliste et cadre financier, souhaitaient un espace ouvert sur l’extérieur qui, outre un sens très aigu du design, ne paraisse « ni indien, ni années 1960-70… » Le résultat est là, l’architecte en charge du projet, formé aux techniques traditionnelles, et le décorateur Axel Vervoordt, apôtre de la pureté des proportions, ayant joué le jeu au-delà de toutes les espérances. La structure en bois sur deux niveaux s’apparente à un gigantesque loft dont les grandes ouvertures effacent la frontière entre intérieur et extérieur et mêle ses tons hêtre cuivré aux essences exotiques du jardin.
Bois de récupération
Le plan s’articule autour d’un patio central, réinterprétant le principe de cour intérieure des constructions traditionnelles indiennes. À la fois puits de lumière et point de circulation d’air pour les pièces qui l’entourent, il est un vaste foyer japonisant, lieu de rencontre et de circulation pour les habitants de la villa. Car telle était la seconde requête des propriétaires, qui souhaitaient
« L’esthétique, pour moi, c’est intégrer une maison à la nature qui l’entoure, à sa géographie, à son climat… » —— L’architecte d’intérieur Axel Vervoordt
une résidence au contact de la nature avec beaucoup d’espace pour réunir la famille, dans l’acception indienne du terme : parents, enfants, grands-parents, oncles et tantes, cousins, neveux, amis… La disposition témoigne donc d’un profond souci de la relation entre l’homme et son environnement et l’utilisation importante du bois fait référence au patrimoine architectural kéralais. Une complémentarité évidente avec le respect de l’architecture et la recherche d’une harmonie intemporelle qui sont la marque de fabrique du décorateur, collectionneur et antiquaire Axel Vervoordt. « J’ai tout de suite été séduit par le plan de la villa, explique ce dernier. Et par le choix des matériaux, notamment le bois de récupération. Au xxie siècle, on ne peut pas continuer à tout jeter, il faut faire avec ce qui existe. »
Connexion avec la nature
Propriétaires et décorateur ont collaboré très tôt dans la réalisation de la maison. Avec son équipe, Axel Vervoordt a dessiné les bibliothèques et une grande partie des meubles. « Il est important que les habitants ne fassent qu’un avec leur maison. Ensemble, nous avons essayé de créer quelque chose de très évident qui, même contemporain, ait l’air d’exister depuis longtemps déjà. Pas un effet waouh, plus une recherche d’harmonie », explique-t-il. Les rappels aux cultures indienne et occidentale – voire japonaise – sont au coeur de ce projet de cinq chambres, trois mini-suites, deux salons, aux murs en tadelakt et aux sols en béton noirci ciré – « très traditionnel en Inde comme au Japon » – destinés à planter un décor simple.
Les grandes ouvertures ne sont pas en verre – sauf dans les chambres et certaines pièces du rez-de-chaussée – mais en fines gazes qui remplissent leur rôle d’aération naturelle et de protection contre les insectes. « L’esthétique, c’est adapter le design aux éléments sans âge de la nature et d’intégrer une maison à la géographie qui l’entoure, à son climat, ici tropical… », poursuit Axel Vervoordt. Une philosophie dont l’évidence s’exprime à travers de puissants archétypes : vaste canapé et fauteuils habillés de coton blanc, tables en bois brut sur lesquelles sont disposées poteries et céramiques… Des assises conçues par Pierre Jeanneret pour Chandigarh complètent cet espace sobre et serein. À l’étage, depuis la mezzanine, le regard s’échappe vers la terrasse puis la pièce d’eau. On devine, au-delà des massifs arborés, la piscine et la pool house. Au cours de l’été, des inondations phénoménales ont submergé l’essentiel du Kerala, mais la formidable résilience de la végétation fait qu’elle n’en garde déjà plus trace. La nature, sa force inépuisable et inspiratrice…
« Cette villa n’est pas juste une belle maison, elle est aussi le portrait de ses habitants, elle est… habitée. »
—— L’architecte d’intérieur Axel Vervoordt