Quatre designers à la poursuite de l’étrange
Ils ont fait de leur discipline un prétexte pour développer un vocabulaire de formes singulières, comme un fil conducteur pour explorer toujours plus loin les matériaux. Ils séduisent aujourd’hui galeries et collectionneurs.
Ils développent un vocabulaire de formes singulières donnant lieu à des objets sans équivalent.
Sam Stewart
L’étrange transformation du quotidien
« Je décris souvent mon travail comme un processus très personnel et intuitif. Chaque projet est lié à une expérience, influencé par mon étude de la phénoménologie ; j’essaie ensuite de convertir le tout en objets. C’est d’ailleurs mon but ultime. » Il en résulte des formes usuelles hors norme où l’on retrouve aussi bien les contours des objets qu’il observe au quotidien dans sa ville (New York) que les fantômes des icônes du design d’hier qui auraient été interprétées par un logiciel informatique de demain, pour proposer un nouveau paysage domestique.
Pour comprendre, il suffit d’observer sa chaise Aengus, dont la forme classique est largement réinterprétée, puisque sa structure en bois habillée d’organza a été gonflée d’air. À ce travail plein d’esprit, il faut ajouter le caractère sympathique du garçon et vous comprendrez pourquoi il sera présent à Design Miami début décembre avec sa galerie, Fort Gansevoort. Il participera ensuite à une exposition collective, sur la thématique du confort, à la galerie Friedman Benda.
Carmen D’Apollonio
La céramique comme un art, mais avec humour
Elle a grandi non loin de Zurich, en Suisse, auprès de parents italiens. Un temps, elle s’est tournée vers la mode, en créant sa propre marque, puis vers l’art, en travaillant quelques années au côté de l’artiste Urs Fischer. Un chapitre de sa vie qui va donner envie à Carmen D’Apollonio de développer son travail, né de son goût pour la céramique. Un déménagement à Los Angeles plus tard, tout s’enchaîne en quelques mois seulement : la créatrice de bijoux Sophie Buhai lui commande des lampes, puis la maison Céline – époque Phoebe Philo – lui donne carte blanche pour réaliser toutes sortes de pièces pour la campagne automnehiver 2016, et lui commande des tabourets en céramique pour ses flagships de Paris à Milan. Si, chez elle, la forme l’emporte sur la fonction, elle se considère davantage designer qu’artiste.
« Mon travail est simple, il laisse souvent place à l’humour. Comme si l’argile avait sa manière d’être, sa propre personnalité. J’ai l’impression qu’il incarne un ami proche avec lequel je dialogue. »
Boris de Beijer Du bijou aux objets usuels, la tentation du matériau
Avant de s’intéresser à l’objet usuel et de poser pour nous avec son chat Tabbert, Boris de Beijer était plutôt tourné vers le bijou, pour lequel il fut d’ailleurs diplômé à l’académie Gerrit Rietveld. C’est durant cette première vie qu’il pense avoir pris goût aux matériaux singuliers. Un jeu qui va l’éloigner de sa formation initiale pour le conduire vers des formes du quotidien. Mais, il le dit lui-même : « J’adore quand mes objets semblent avoir une fonction évidente mais ne sont en fait pas utilisables à cette fin-là. » Ainsi, les gobelets en résine multicolore pour lesquels il s’est fait récemment remarquer ressemblent plus à des reliques antiques qu’à des verres à eau traditionnels. Et le jeune homme n’a pas dit son dernier mot. « Le design est une pratique relativement nouvelle pour moi, et petit à petit je développe un réel intérêt pour les objets usuels. »
Une réflexion qui devrait se concrétiser dans le cadre de sa collaboration avec une manufacture de verre de Leerdam, aux Pays-Bas, son pays natal.