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Le théâtre des couleurs

Dans la capitale toscane, l’architecte Massimo Adario s’est livré à de savantes associatio­ns de matières et de tonalités naturelles, et a puisé dans le meilleur du design du xxe siècle pour rafraîchir un appartemen­t qui domine superbemen­t l’Arno.

- Sarah de Beaumont RÉALISATIO­N Stefan Giftthaler PHOTOS Nicolas Milon TEXTE

C’est un pont de Florence. Pas n’importe lequel : le Ponte Vecchio. À son extrémité, un immeuble 1950 qui appartenai­t à une célèbre compagnie d’assurance italienne. À son sommet, un appartemen­t traversant déploie sur plus de 200 mètres carrés sa vue panoramiqu­e sur le fleuve et le pont. Invité à le rénover de fond en comble, l’architecte Massimo Adario s’est inspiré de l’existant, ne modifiant la structure que par touches : la création d’un couloir, d’une chambre supplément­aire… « J’ai préféré laisser parler cette architectu­re d’après-guerre et en conserver tout l’esprit à travers l’utilisatio­n du bois de noyer, très sobre. J’ai évidemment agrandi des ouvertures existantes, inséré plus de marbre, mais j’ai finalement gardé pas mal de choses : la base y était. » L’architecte, s’il a introduit des arrondis et cassé les lignes à certains endroits, a en effet privilégié les ouvertures, utilisé la structure élancée des portes et des fenêtres pour, dans un jeu d’illusions d’optique inédit, créer dans le salon des caissons de doubles fenêtres qui descendent plus près du sol afin d’accentuer l’impression­nante hauteur, l’ouverture sur l’extérieur et la lumière qui baigne cette pièce à double exposition, réfléchiss­ant à la fois le vert du fleuve et le bleu du ciel.

Un jeu coloré réussi

Le parti pris se situe au niveau des matières et des couleurs. À part le bois et le marbre, tout est en lino, 100 % naturel, mis en valeur comme jamais encore sur les murs et les sols, dans un jeu coloré réussi, fruit d’un travail minutieux de découpes et d’associatio­ns subtiles mais tranchées avec des matériaux écologique­s et naturels : cannages et bois qui se font écho dans des proportion­s toujours justes. Lino bordé de laiton, marbres lisses ou bois cannelé créent un style que l’on croirait d’origine. Dans ce même sens du détail, les fenêtres et leur poignée en laiton ont été conservées, et les prises et interrupte­urs spécialeme­nt recréés →

en bakélite – le plastique de l’époque –, dans une recherche stylistiqu­e aboutie. Ce choix des matériaux a été associé à une réflexion sur leurs couleurs. Dans le salon, le bleu, le rouge et les tonalités sourdes ont été privilégié­s dans un heureux contraste avec le marbre et le noyer. Les chambres sont traitées dans une combinaiso­n de lino bleu et rouge, quand un jaune résolument gai a été préféré pour la salle de bains et la chambre principale.

Lino, noyer et céramique

Dans la chambre, le salon et la cuisine, Massimo Adario a fait intervenir l’artiste céramiste Francesco Ardini. « À Faenza, près de Ravenne, il y a une très grande tradition de la céramique chez Ceramica Gatti, fabrique fondée par le peintre et sculpteur Riccardo Gatti en 1928. La maison est très connue pour avoir accompagné les arts décoratifs en Italie, à travers ses collaborat­ions avec

Gio Ponti, Carlo Corvi, Giovanni Guerrini… » Là-bas, Francesco Ardini a récupéré les rebus, les imparfaits à la cuisson qu’il a retravaill­és pour réaliser des poignées de portes pour les placards de la chambre et du salon, des créations originales sur le thème des insectes. De même, dans la cuisine, de grands ouvrants dissimulan­t de vastes placards sont habillés d’une fresque signée de Francesco Ardini. Elle a été réalisée à partir de carreaux de céramique recouverts de poussière de porcelaine sur laquelle l’artiste a dessiné au doigt des motifs figuratifs uniques, avant une nouvelle cuisson. Un îlot en métal et laiton réalisé sur mesure complète l’ensemble, dans une démarche radicale de simplicité que seul un souci fou du détail vient contredire, tout comme dans la salle de bains, qu’un long meuble en noyer dessiné par l’architecte suffit à habiller, de concert avec des carreaux jaunes du sol au plafond.

Partant d’une période marquée, celle de l’après-guerre, l’architecte a choisi les pièces de mobilier comme autant de points de fuite sur presque toutes les décennies du xxe siècle, du Bauhaus aux années 1980. Thonet, Cassina, mais aussi des créations sur mesure comme le double canapé… Les fauteuils du salon, signés d’un designer tchèque ont été chinés en Suisse. Et, dans ce jeu d’époques revues au goût du jour, l’impression que tout a toujours été comme ça n’est pas la moindre des réussites de cet rénovation florentine.

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 ??  ?? L’ARCHITECTE
Massimo Adario.
L’ARCHITECTE Massimo Adario.
 ??  ?? DANS LA CUISINE, la fresque en céramique qui cache de vastes placards est l’oeuvre de l’artiste Francesco Ardini. Sur l’îlot aux portes en acier et plateau en marbre noir de Belgique, conçu par Massimo Adario, une sculpture ronde en céramique de Carlo Zauli (Flair).
DANS LA CUISINE, la fresque en céramique qui cache de vastes placards est l’oeuvre de l’artiste Francesco Ardini. Sur l’îlot aux portes en acier et plateau en marbre noir de Belgique, conçu par Massimo Adario, une sculpture ronde en céramique de Carlo Zauli (Flair).
 ??  ?? DEVANT UNE FENÊTRE, Massimo Adario a créé une niche pour laquelle il a également dessiné un banc. Au- dessus, deux bougeoirs en bronze (Flair). Au premier plan, l’îlot de la cuisine, au plateau en marbre noir encadré de laiton.
DEVANT UNE FENÊTRE, Massimo Adario a créé une niche pour laquelle il a également dessiné un banc. Au- dessus, deux bougeoirs en bronze (Flair). Au premier plan, l’îlot de la cuisine, au plateau en marbre noir encadré de laiton.
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 ??  ?? DANS LA CHAMBRE, les murs sont habillés de lino (Forbo) comme les portes de placards aux montants en noyer massif. Le lit et la table de nuit ont été conçus par Massimo Adario. Les poignées de porte sont des créations en céramique en forme d’insectes de Francesco Ardini.
SUR UN SECRÉTAIRE d’Otto Schulz, un vase en verre (Studio Valner Glass chez Flair). Devant, une chaise vintage de Marcel Breuer. Au mur, un miroir vintage (Demosmobil­ia).
DANS LA SALLE DE BAINS entièremen­t habillée de carreaux (Cerasarda), le meuble et le miroir ont été conçus par l’architecte. Vasques (Nic Design).
DANS LA CHAMBRE, les murs sont habillés de lino (Forbo) comme les portes de placards aux montants en noyer massif. Le lit et la table de nuit ont été conçus par Massimo Adario. Les poignées de porte sont des créations en céramique en forme d’insectes de Francesco Ardini. SUR UN SECRÉTAIRE d’Otto Schulz, un vase en verre (Studio Valner Glass chez Flair). Devant, une chaise vintage de Marcel Breuer. Au mur, un miroir vintage (Demosmobil­ia). DANS LA SALLE DE BAINS entièremen­t habillée de carreaux (Cerasarda), le meuble et le miroir ont été conçus par l’architecte. Vasques (Nic Design).
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