En bleu et en nuances
C’est dans la capitale du Piémont, au nord de l’Italie, que le duo de Dimorestudio a décoré tout de bleu une demeure privée. Un bel exercice à l’image de leur style, sensible et sophistiqué.
À Turin, le duo de Dimorestudio a décoré en camaïeu de bleu une demeure privée. Un exercice sensible et sophistiqué.
Le bleu des Alpes borde la ville au nord et le fleuve du Pô la traverse. Est-ce la raison qui entraîna Dimorestudio à choisir le bleu comme fil conducteur de cette demeure turinoise ? Emiliano Salci le raconte d’emblée, c’est la première fois qu’avec Britt Moran ils signent un intérieur dans la capitale du Piémont. « Les propriétaires de cet appartement à l’étage noble d’un palais historique du centre sont venus nous trouver à Milan. Une démarche plutôt rare, car finalement nous avons peu de clients privés italiens, mais la gentillesse, la simplicité, la culture et l’éducation de cette famille nous a fait tout de suite accepter le chantier. »
La belle lumière de ces grands volumes aux plafonds décorés frappe d’emblée. La demeure est imposante : construite en 1860, elle date du temps où Turin était capitale du royaume d’Italie (avant Florence et Rome) sur la route de l’unification. Les fenêtres sont hautes, les portes aussi. Les plafonds sont ornés de fresques aux teintes pâlies. Il n’a pas été question ici de grosse restructuration, juste deux cloisons abattues dans la chambre et la salle à manger. Le plancher en bois posé en carrés, probablement installé à la fin des années
1950, n’est pas pour déplaire à notre duo milanais, qui aime twister les choses, mélanger le vintage et le contemporain car il est hors de question de basculer dans la nostalgie. On est pourtant à deux doigts des atmosphères des films d’Antonioni, de leur ton feutré. Les murs sont poudrés, les rideaux épais, les tapis cossus et certains meubles de famille à leur place. Mais le duo leur a adjoint du mobilier des années
1950-1960, comme ce bureau de Carlo Mollino ou ces chaises de Chiavari signées Fratelli Levagi, un fauteuil en cuir viennois, un lit qu’ils ont fait réaliser dans l’esprit de ceux imaginés par Gio Ponti pour l’hôtel Radisson de Copenhague et même une table contemporaine Less de Jean Nouvel. Et pour réveiller le tout, d’énormes lanternes orange chinées en Allemagne dominent la salle à manger.
La cuisine, juste derrière, est imposante avec son énorme îlot dont le plan est en acier. C’est aussi une pièce pour la conversation : elle possède un coin salon
Un charme singulier et sensuel se dégage des plafonds peints associés aux ondoyantes tonalités de bleu sur les murs.
avec fauteuils tapissés de tissus à fleurs et, contre la fenêtre, une petite table d’Ignazio Gardella est entourée de sièges de Luigi Caccia Dominioni. La salle de bains est recouverte, sur les murs comme autour de la baignoire, d’un laminé à la tonalité bleu vert spécialement choisie pour faire écho aux bleus de la chambre à coucher. Son sol est en grezzo veneziano réalisé sur place par des artisans vénitiens. Un clin d’oeil à leur architecte favori, Carlo Scarpa, qui aimait cette matière. Au mur, la grande armoire en acier et verre n’est pas sans rappeler celles que Dimorestudio a réalisé pour la boutique Aesop de Milan. Le reste de la pièce est laqué beurre blanc pour que la lumière de l’extérieur se reflète au plafond et enveloppe l’ensemble.
La chambre voisine peut se diviser en deux grâce à un grand rideau en velour rose. Car ici, la pièce est aussi un vrai bureau. Dans le salon aussi, derrière le grand canapé un large bureau de Vico Magistretti permet au maître de maison de travailler chez lui. Rien de clinquant, tout semble avoir toujours été là, et pourtant le lieu est fait pour la vie d’aujourd’hui, confortable, pas encombrée, apaisée et chaleureuse. C’est à peine si les persiennes presque closes des fenêtres laissent entrer le soleil, histoire de nous donner envie de relire ce livre sur la ville de l’écrivain piémontais Cesare Pavese, Le Bel été.