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Une sculpture à vivre

Au nord de la Sardaigne, à la fin des années 1960, l’architecte et designeuse italienne Cini Boeri a construit, sur la roche en granit rose, une maison de vacances ouverte sur le paysage, belle comme une oeuvre d’art.

- Paolo Rosselli Sophie Pinet PHOTOS TEXTE

En Sardaigne, l’architecte et designeuse Cini Boeri a construit, à la fin des années 1960, une maison très particuliè­re au coeur du paysage de granit rose.

La Sardaigne est un éperon rocheux qui de tous temps a subi bien des convoitise­s et des assauts, des conquêtes successive­s du passé aux vagues du tourisme de l’époque moderne. Un ailleurs mal desservi, qui se prolonge au nord par un archipel de sept îles baptisées La Maddalena, comme autant de trésors sauvages livrés aux éléments. Mais la Sardaigne est aussi une terre de poésie selon les récits et les aventures architectu­rales qu’ont parfois livrés une poignée d’hommes et de femmes. C’est ainsi que sur l’un de ces cailloux de granit rose aux portes de la Corse est apparu, en 1967, la Casa Rotonda, tour de force niché dans la roche par l’architecte et designeuse Cini Boeri. Vue du ciel, c’est un cercle blanc presque parfait ; vue du sentier qui la contourne, c’est une prouesse qui semble étreindre un site minéral sculpté par le vent, sous les yeux de la grande bleue. Son plan singulier, qui se déroule en un volume circulaire révélant deux secteurs distincts, est dicté par la forte pente du terrain. Le premier secteur est dédié à l’unité familiale, entre ses espaces privés et ses lieux de vie, le second est destiné aux invités. Au centre, un patio, protégé des vents, sert à la circulatio­n de l’ensemble tandis que le volume sous cette surface abritée, partiellem­ent inséré dans la roche, contient une citerne d’eau. Car la Casa Rotonda n’est pas une simple démonstrat­ion esthétique ; c’est une oeuvre manifeste de l’architecte milanaise, révélant, s’il le fallait encore, que la forme doit suivre la fonction, que l’habitat doit s’adapter au cadre dans lequel il est bâti, et qu’aucun geste ne doit être inutile.

Pour cela, Cini Boeri fut à bonne école, elle qui étudia sur les bancs du Politecnic­o de Milan avant de rejoindre, en 1951, l’agence de son professeur Gio Ponti, puis d’être débauchée quelques mois plus tard par Marco Zanuso. Ce virage permit à la jeune femme de se confronter aux chantiers « et aux sifflets des maçons » – sans pour autant qu’elle ne s’inquiète d’évoluer dans un univers ultra masculin. Après avoir acquis suffisamme­nt d’expérience auprès de son mentor, elle décide de fonder sa propre

LA CASA ROTONDA, sur La Maddalena, petite île au nord- est de la Sardaigne, surplombe les eaux cristallin­es de la Méditerran­ée. Vue du ciel, elle apparaît comme un cercle blanc dont on discerne, à mesure que l’on s’approche, les différents niveaux.

LA MAISON est bâtie sur un plan circulaire s’ouvrant sur un patio. Sa présence est précieuse, il permet une circulatio­n autonome entre les pièces et, protégé du vent, devient une pièce à vivre au quotidien.

ont toutes été réfléchies selon les points du paysage à observer. Parfois, elles sont prolongées jusqu’au plafond, pour offrir aussi une vue sur le ciel.

agence en 1963. Outre des projets de design industriel qui vont lui permettre d’accéder au rang des chefs de fil du design italien des années 1970, notamment grâce à ses expériment­ations autour des matériaux, sa pratique architectu­rale va résonner tout au long de sa carrière comme une profession de foi dans laquelle elle interroger­a sans cesse les fondements de sa discipline.

En cela, la Casa Rotonda et la villa Bunker, située elle aussi à La Maddalena, apparaîtro­nt comme des oeuvres fondamenta­les qui témoignent, pour l’architecte, de l’importance de la relation entre l’homme et son milieu, et permet de mieux comprendre le dessin de ses projets. À la Casa Rotonda, les ouvertures se prolongent sur le plafond pour mieux cadrer la beauté des paysages entre ciel et mer ; tandis que les matériaux révèlent une humilité dans la constructi­on. La structure en béton armé est recouverte d’un enduit réalisé à partir de granit rose broyé, tandis que le béton blanc qui marque les espaces extérieurs se prolonge à l’intérieur par des carreaux de grès de la même teinte, qui accompagne­nt les fonctions essentiell­es d’un habitat de bord de mer. Autrement dit, l’inutile n’a pas sa place ici, le luxe se situe dans le paysage que la maison offre à contempler.

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LES OUVERTURES
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