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Une histoire de paysage

Loin de sa Suisse natale, c’est au sommet d’une colline du Devon que l’architecte Peter Zumthor a construit une maison toute simple, qui raconte pourtant ce qu’il y a de plus fondamenta­l, son environnem­ent.

- Hélène Binet PHOTOS Sophie Pinet TEXTE

Loin de sa Suisse natale, c’est au sommet d’une colline du Devon que l’architecte Peter Zumthor a construit une maison simple qui raconte son environnem­ent.

C’est une architectu­re silencieus­e tant elle se fond au coeur des paysages du Devon, cette région située au sud-ouest de l’Angleterre, où les collines ondulent sous les assauts du vent jusqu’à ce que leurs dégradés de vert disparaiss­ent peu à peu pour laisser place aux variations de bleu de la mer. Elle raconte pourtant l’histoire d’une aventure constructi­ve à part qui, dans un souci constant de s’intégrer à l’environnem­ent, s’est adjoint les services de techniques artisanale­s ancestrale­s. Travelling arrière au temps de la commande, soit il y a près de dix ans. La Secular Retreat est alors l’une des premières du programme Living Architectu­re, qui propose à la location des maisons bâties par des architecte­s célèbres. Parmi eux, et à la surprise générale, Peter Zumthor. Il faut dire que l’homme est un oiseau rare, et l’architecte encore plus. Pas de site internet, pas de communicat­ion ; une équipe aussi réduite que le nombre de projets que le maître accepte, et une vie d’ascète bien cachée dans le canton des Grisons, en Suisse, où il est né, où il a travaillé en tant qu’ébéniste avant de basculer dans l’architectu­re, puis de signer quelques chefs-d’oeuvre du genre. Parmi eux, les thermes de Vals, ou encore la chapelle de frère Nicolas, construite au milieu de terres agricoles en Allemagne, qui le consacre apôtre de la slow architectu­re, à l’heure où ses confrères quadrillen­t le globe pour imposer leur signature architectu­rale, façon trip mégalo pour mégalopole­s assoiffées de grand spectacle. Une tendance qui n’a jamais eu la moindre prise sur le travail de Peter Zumthor, bien au contraire.

Lieu de retraite

« Ce n’est pas une question d’esthétique, du moins dans un premier temps, il ne s’agit pas d’établir un contact formel avec les alentours, mais de chercher une forme de contact émotionnel, une réaction émotionnel­le à l’environnem­ent, et de l’exprimer par l’architectu­re », précise le maître. Une émotion comme point de départ à la constructi­on, donc. « La maison Chivelston­e, poursuit l’architecte, ainsi qu’il l’a toujours surnommée, est conçue comme un lieu de retraite qui permet à une petite communauté temporaire de passer des vacances, de se reposer, d’étudier ou de travailler. Elle se compose de deux blocs pour les chambres à coucher et d’un grand toit. » Soit deux ailes qui se réunissent autour d’un bloc central, largement vitré, soutenu, comme le reste la maison, par des piliers de béton pisé. Une technique ancestrale où le ciment a remplacé l’argile, pour être, une fois mélangé à de la chaux, banché par strates successive­s, jour après jour, offrant des variations chromatiqu­es à l’intérieur comme à l’extérieur de la maison, protégée, comme le veut la technique, par une épaisse toiture en débord.

Traversé par le paysage

Au-delà du béton, celle-ci est essentiell­ement construite en pierre et en bois. Les matériaux et les couleurs sont ceux de la région. Dans les chambres, des grandes ouvertures encadrent le paysage. L’espace réservé au séjour est situé sous la grande toiture. Entièremen­t vitré, il est traversé par le paysage. Les puissants piliers qui portent la toiture sont librement disposés et forment avec les volumes creux une structure spatiale ouverte. Il y a des espaces pour cuisiner, pour manger, une cheminée, des niches avec des fauteuils où l’on peut lire, comme des recoins à proximité de la cuisine où les enfants peuvent jouer pendant que les parents préparent les repas.

La maison, qui a été construite à la place d’un bâtiment des années 1940, se trouve sur une colline dominant le hameau de Chivelston­e. Elle est entourée d’une couronne de pins de Monterey qui furent plantés autour de l’ancienne demeure – un cadeau d’Amérique, raconte-t-on dans la région. La vue sur le paysage verdoyant du Devon et ses collines doucement ondulées a un effet apaisant. La mer est proche, à moins d’une heure de marche. Outre les pins, seules des traces de l’aménagemen­t du terrain – des murets de soutènemen­t et un parterre de fleurs hexagonal, dont la bordure en béton avait été construite par l’ancienne habitante de la maison – rappellent l’habitation. « Ce lieu sur la colline possède une atmosphère sereine qui semble venir de son histoire », conclut Peter Zumthor. C’est une architectu­re silencieus­e donc, comme un trait d’union discret entre l’homme et la nature, entre le monde d’hier et d’aujourd’hui, qui révèle l’importance du bon sens comme clé de voûte vers une architectu­re durable, enfin. À lire Peter Zumthor, 1985-2013, de Thomas Durisch, aux éditions Scheidegge­r & Spiess, en anglais, 800 pages. Présences de l’histoire, de Peter Zumthor, Mari Lunding, aux éditions Scheidegge­r & Spiess, 80 pages.

UN COULOIR dessert l’une des deux ailes de la maison, le long duquel se répartisse­nt les chambres et les salles de bains.

LA VASTE PIÈCE À VIVRE est entièremen­t ouverte sur le paysage de collines, protégée du vent par des pins maritimes centenaire­s venus de Californie.

« Ce lieu sur la colline possède une atmosphère sereine qui semble venir de son histoire. » —— L’architecte Peter Zumthor

LES LARGES PILIERS qui cernent les pans de murs vitrés de la pièce de vie principale soutiennen­t la toiture en débord, qui les protège des intempérie­s.

UNE SALLE DE BAINS, tout en monochrome beige rosé.

DANS UNE CHAMBRE, quasi monacale, les murs sont habillés d’une sorte de tête de lit à chevets et étagères intégrés en bois.

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 ??  ?? PROTÉGÉE DES VENTS par des pins centenaire­s, la Secular Retreat, construite en béton pisé selon la technique du banchage, est une ode au travail artisanal et à la nature.
PROTÉGÉE DES VENTS par des pins centenaire­s, la Secular Retreat, construite en béton pisé selon la technique du banchage, est une ode au travail artisanal et à la nature.
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DANS LE SALON, les strates de béton rythment les murs, tandis que le mobilier, dessiné par Peter Zumthor, égaie la pièce de ses couleurs.
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