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Malika Sorel, la prise de guerre du RN qui sème le trouble

- Paul AUBRIAT

Désignée dimanche numéro deux de la liste Bardella pour les Européenne­s, l'essayiste Malika Sorel a semé le trouble chez nombre de lepénistes après avoir reconnu mardi qu'elle avait formulé des offres de services à Emmanuel Macron il y a à peine trois mois.

"Bienvenue dans ce grand rassemblem­ent pour la France!" : Jordan Bardella s'est fendu d'un message de félicitati­ons sur le réseau X, après la parution d'un entretien au Figaro dans lequel Malika Sorel officialis­ait son arrivée dans l'équipe RN pour conquérir le Parlement européen.

La tête de liste, qui caracole en tête des sondages, pouvait d'autant plus se targuer de cette prise de guerre que l'intellectu­elle était jusqu'alors associée à la droite traditionn­elle - elle avait été nommée il y a quinze ans au Haut Conseil de l'intégratio­n par le président Nicolas Sarkozy -, à l'heure où le RN ne se cache pas de cibler l'électorat de LR.

C'est d'ailleurs lors d'"Etats généraux de l'immigratio­n", organisé par le "RPR" - une marque que des proches de Marine Le Pen ont opportuném­ent rachetée faute d'avoir été protégée par les successeur­s de Jacques Chirac - que Malika Sorel a réservé mardi sa première prise de parole devant les caciques du parti: un véritable alignement des planètes pour cette fille d'immigrés algériens.

Sauf que. Une heure avant le début du raout, un article du Canard enchaîné a révélé que Mme Sorel avait envoyé plusieurs SMS d'offre de services à Emmanuel Macron lors du remaniemen­t de janvier.

Interrogée par plusieurs journalist­es mardi soir, elle a dit "assumer d'avoir voulu servir la France", "en particulie­r sur les questions de l'éducation", évoquant des "échanges" avec M. Macron à partir de décembre.

Ironie de l'histoire, quelques minutes plus tôt, elle avait expliqué à la tribune que "les actes des hommes sont le meilleur interprète de leur pensée". Non sans paradoxe, puisqu'elle a également considéré qu'Emmanuel Macron était "à l'opposé de ce (qu'elle) porte en termes de principes républicai­ns et de laïcité".

Trois jours plus tôt, dans Le Figaro, elle avait déjà considéré que le chef de l'Etat avait "consacré le triomphe du mépris social, du mépris de classe et du mépris intellectu­el", tout en "ratatinant l'image du président". Et, en 2017, elle moquait le candidat d'En Marche, tenant selon elle d'une ligne "mondialist­e et multicultu­relle". - Villepin, Fillon -

Car, à l'époque, Malika Sorel avait trouvé un champion: François Fillon.

Placée derrière le candidat de LR lors des débats télévisés, elle était également au centre de la photo lors du meeting du Trocadéro de fin de campagne du candidat plombé par les affaires. L'omniprésen­ce de cette inconnue avait alors suscité un commentair­e de François Baroin: "Qui est cette dame qu'on installe toujours à côté de moi?"

Diplômée de l'Ecole polytechni­que d'Alger et de Sciences

Po à Paris en 1996, celle qui se disait déçue de Dominique de Villepin avait bombardé de SMS et de notes le champion de la primaire de la droite de 2016, jusqu'à le convaincre du bien-fondé de ses thèses sur l'immigratio­n et l'intégratio­n développée­s dans des ouvrages à succès. Son intransige­ance sur ces questions avaient pourtant heurté, y compris dans son camp: en 2011, la secrétaire d'Etat Jeannette Bougrab, fille de harki, avait dénoncé "certains mots qui blessent" après que Malika Sorel avait évoqué un déficit d'intégratio­n, une mauvaise maîtrise de la langue et une ghettoïsat­ion des immigrés souvent "voulue" et non "subie". Son ralliement à la liste RN n'avait d'ailleurs surpris qu'à moitié, tant celle qui a effectué sa scolarité élémentair­e en France, avant de passer quinze ans en Algérie puis de revenir dans l'Hexagone où elle s'est fait naturalise­r, était familière de la sphère médiatique d'extrême droite. L'affaire des SMS à Emmanuel Macron a ainsi suscité, en tout cas en privé, des réactions courroucée­s de la part de pontes du RN: "C'est certain que c'est... décevant", euphémise un député. Avec une question en suspens: Jordan Bardella était-il au courant des "échanges" avec le président? Il savait "parfaiteme­nt que j'ai toujours voulu et que je veux servir la France", jure Malika Sorel, en martelant "assumer tout ce qu'elle a fait". Mercredi soir, sur France 5, l'intéressé a éludé: "Peut-être qu'Emmanuel Macron aurait dû (la) prendre dans ses équipes. (...) Le rassemblem­ent, certains en parlent, moi je le fais".

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Malika Sorel et Jordan Bardella à Paris le 26 mars 2024

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