A Paris, tensions euro-chinoises sur le commerce mais appel commun à une "trêve olympique"
Xi Jinping a pu constater lundi, au début de sa visite d'Etat en France, une nou‐ velle fermeté affichée par les Européens face aux ten‐ sions commerciales qui s'accumulent, et a apporté de manière plus consen‐ suelle son soutien à la "trêve olympique" défen‐ due par Emmanuel Macron. Pour les 60 ans des relations diplomatiques bilatérales, le président chinois a été ac‐ cueilli à Paris par son homo‐ logue français qui espère toujours poser son pays en "puissance d'équilibre" face au bras de fer sino-améri‐ cain.
Accueil en fanfare aux Inva‐ lides, tapis rouge et banquet à l'Elysée: pour sa première tournée européenne depuis 2019, le numéro un de la su‐ perpuissance asiatique a eu droit à tous les égards. Mais les dirigeants, rejoints en début de journée par la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, n'ont pas tenté de dis‐ simuler les tensions qui s'ac‐ cumulent sur le commerce. Emmanuel Macron a expli‐ qué vouloir soulever "en toute amitié et confiance" les "préoccupations, pour es‐ sayer de les surmonter", ap‐ pelant à des règles commer‐ ciales "équitables". - "Décisions fermes" - L'Union européenne "n'hési‐ tera pas à prendre des déci‐ sions fermes" pour "protéger son économie et sa sécurité", a souligné Ursula Von der Leyen
Elle était présente pour affi‐ cher un front continental uni sur les questions commer‐ ciales, même si l'Allemagne est souvent accusée de faire cavalier seul pour préserver ses exportations de voitures vers la deuxième puissance économique mondiale. La patronne de l'exécutif eu‐ ropéen avait auparavant pré‐ venu que l'Europe ne pouvait "pas accepter" le "commerce déloyal" causé par l'afflux de véhicules électriques ou d'acier chinois fabriqués grâce à des "subventions massives".
"Le soi-disant +problème de la surcapacité de la Chine+ n'existe pas", leur a répondu sèchement Xi Jinping, esti‐ mant que "l'industrie chi‐ noise des nouvelles énergies" permettait au contraire "d'ac‐ croître l'offre mondiale et d'atténuer la pression de l'in‐ flation mondiale". Menacée d'être prise en te‐ nailles entre les économies américaine et chinoise, mas‐ sivement aidées par la puis‐ sance publique, l'Union euro‐ péenne a multiplié ces der‐ niers mois les enquêtes sur les subventions étatiques chi‐ noises à plusieurs secteurs industriels, notamment aux véhicules électriques.
A Pékin, les mesures euro‐ péennes sont jugées "protec‐ tionnistes". Les autorités chi‐ noises ont lancé leur propre enquête antisubventions vi‐ sant essentiellement le co‐ gnac français.
- Cognac en cadeau - Emmanuel Macron a oppor‐ tunément offert à son invité des bouteilles du spiritueux charentais, avant de se félici‐ ter, devant la presse, du "souhait" chinois de ne pas imposer de taxes douanières "provisoires" dans l'immé‐ diat.
Plaidant pour "un cadre de concurrence loyale", il a as‐ suré que la discussion avait permis de "clarifier" les désaccords "pour assainir la relation économique et lui donner un nouvel élan". Plus largement, la situation internationale "nécessite plus que jamais ce dialogue eurochinois", a affirmé le chef de l'Etat français, alors que cer‐ tains de ses opposants, comme le candidat des socia‐ listes aux élections euro‐ péennes de juin Raphaël Glucksmann, lui reprochent de "dérouler le tapis rouge" de façon "obséquieuse" à un "dictateur".
Lors d'un tête-à-tête, qu'il ré‐ éditera mardi lors d'une es‐ capade plus personnelle dans les Pyréenées, il a pu aborder plus en profondeur l'invasion russe de l'Ukraine. Après avoir appelé à une co‐ ordination "décisive" sur ce dossier sensible, Emmanuel Macron a salué "les engage‐ ments" chinois "à s'abstenir de vendre toute arme" à Moscou, et à "contrôler stric‐ tement l'exportation des biens à double usage" pou‐ vant servir à des fins mili‐ taires.
Alors que Xi Jinping doit bien‐ tôt accueillir son homologue russe Vladimir Poutine, dont il reste le principal allié, le président français s'est réjoui d'un "moment de coordina‐ tion" qui permettra d'"identi‐ fier les volontés ou non d'al‐ ler vers cette paix durable" que Paris et Pékin appellent de leurs voeux.
La France veut a minima s'as‐ surer que la Chine, principale alliée de Moscou, ne bascule pas dans un soutien clair à son effort de guerre face à Kiev. Voire "l'encourager à utiliser les leviers" dont elle dispose sur Vladimir Poutine pour "contribuer à une réso‐ lution de ce conflit", selon l'Elysée, qui dit toutefois être "lucide" sur le fait qu'aucune percée n'est à attendre du jour au lendemain.
- Ne pas "salir" Pékin - Le président chinois a dé‐ fendu son "rôle positif" pour trouver une solution poli‐ tique, et a appelé à ne pas "salir" la Chine à travers le dossier ukrainien.
Il a aussi appelé publique‐ ment, de concert avec Em‐ manuel Macron, "à une trêve dans le monde entier à l'oc‐ casion des Jeux olympiques de Paris" du 26 juillet au 11 août.
Selon une source diploma‐ tique française, cette trêve pourrait servir, s'agissant de l'Ukraine, à enchencher un processus plus politique, même si les exigences occi‐ dentales (retrait russe et re‐ spect de l'intégrité territo‐ riale ukrainienne) restent in‐ changées.
Mais Xi Jinping continue d'af‐ ficher son soutien à la Rus‐ sie, et se rendra après la France en Serbie et en Hon‐ grie, deux pays restés proches de Moscou.
Sur la question sensible des droits humains, Emmanuel Macron avait prévenu qu'il préférait évoquer "les désac‐ cords" plutôt "derrière des portes closes". Plusieurs milliers de Tibé‐ tains, selon leurs représen‐ tants, ont manifesté di‐ manche à Paris contre la ve‐ nue de Xi Jinping en France, "pays des droits de l'homme" qui accueille "un dictateur".