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Pâques au front pour des soldats ukrainiens: "Ici la mort est plus présente que Dieu"

- Emmanuel PEUCHOT

Dans une petite maison près du front ou rassem‐ blés avant un petit déjeu‐ ner copieux dans un lieu tenu secret, des soldats ukrainiens chrétiens ortho‐ doxes ont célébré di‐ manche la fête de Pâques, dans l'est de l'Ukraine. Réunis dans une cantine aux vitres cachées de bâches noires, une quarantain­e d'hommes en treillis de la 24e brigade motorisée sont venus assister à l'office de leur aumônier, dans un bâti‐ ment isolé d'une ville près de Kramatorsk.

Sous une lumière froide, les visages sont fatigués après plus de deux ans d'une guerre éprouvante. Chants, prières, bénédictio­n, la célébratio­n dure près d'une heure, avant un petit déjeuner composé notam‐ ment de poulet, de purée de pommes de terre, de gâteaux et de soda.

"Dans le cadre du travail mili‐ taire quotidien, c'est un sou‐ lagement spirituel, une éléva‐ tion spirituell­e. Cela vous donne également beaucoup de force. Pour garder le mo‐ ral, pour continuer à com‐ battre l’ennemi", explique

Igor Kotsko, un soldat de 49 ans.

Pour l’aumônier militaire Ros‐ tyslav Vyssotchan, 39 ans, at‐ tablé avec les soldats, "à la guerre, la mort et la vie sont si proches, même parfois sur une seule ligne. Mais néan‐ moins, vous devez voir et res‐ sentir la force intérieure, que vous ne pouvez obtenir qu'à partir de l'esprit". Interrogé sur ce dont les sol‐ dats ont le plus besoin, alors que l'armée ukrainienn­e, en manque d'armes et de muni‐ tions, est en difficulté face aux forces russes, le religieux répond "de munitions et de Dieu".

- "Des munitions et Dieu" - "Vous avez besoin de bonnes munitions, de bonnes armes, et vous avez également be‐ soin d’une bonne résilience intérieure, c’est de la psycho‐ logie, et vous avez aussi be‐ soin de pouvoir spirituel. Il vous faut donc les deux", ditil.

A plusieurs dizaines de km de là, plus au sud, un petit village tout près de la ligne de front sert de base à des hommes de la 59e brigade mécanisée.

Cette fois c'est un aumônier itinérant qui passe pour célé‐ brer Pâques, devant une poi‐ gnée de soldats réunis dans une maison.

"C'est l'occasion pour mes gars de se détendre, ceux qui sont ici. Car que vous soyez dans les tranchées ou ici, vous devez accomplir des tâches à tout moment", dit à l'AFP Mykola Panychenko, 45 ans, le commandant de la compagnie installée là depuis novembre 2022. L'homme n'a pas participé aux célébratio­ns avec ses hommes et l’aumônier. "Vous savez, s’il y avait beau‐ coup de Dieu ici, il n’y aurait pas autant de morts. Et il y a beaucoup plus de morts ici. Il y a beaucoup plus de dou‐ leur et de souffrance. C'est pourquoi je dis que la mort est ici plus présente que Dieu", dit-il.

"Je comprends que Dieu pro‐ tège l’Ukraine, car l’Ukraine tient toujours le coup. Le monde entier aide l’Ukraine. Mais ici, au front, dans ces tranchées, il y a bien plus de mort que Dieu", ajoute le commandant.

A l'horizon, des panaches de fumée sombre montent vers le ciel bleu, des tirs d'artillerie proches se font entendre et des explosions sourdes ré‐ sonnent non loin.

 ?? ?? Des militaires de la 24e brigade de l'armée ukrainienn­e assistent au service de Pâques dans la région de Donetsk, le 5 mai 2024
Des militaires de la 24e brigade de l'armée ukrainienn­e assistent au service de Pâques dans la région de Donetsk, le 5 mai 2024

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