Franchi ne manque pas d’Esprit
Un autre juxtaposé de petit calibre venu d’Italie
Un autre juxtaposé de petit calibre venu d’Italie
Spécialiste du beau fusil juxtaposé depuis un demi- siècle, l’italien Franchi revient à ses premières amours avec l’Esprit. Un juxtaposé de petit calibre, 20 et 28, qui reprend les gènes de la marque, mais avec davantage de simplicité et une plus grande accessibilité.
Depuis quelques saisons, le juxtaposé reprend des couleurs, retrouve sa place dans les armureries au rayon des nou veautés. Qui l’eût cru ? Et qui aurait pu imaginer que ce retour se ferait sous l’impulsion des fabricants transalpins, dans le pays des superposés ! Car il s’agit bien d’une vague de fond, d’un engouement général qui, depuis trois ou quatre saisons, pousse tous les industriels italiens, les Fair, Beretta, Rizzini et avant eux Fabarm, à dévoiler les uns après les autres un ou deux modèles de fusils et d’express juxtaposés. Franchi est donc le dernier en date à rejoindre cette cohorte d’armuriers qui font effectuer un quart de tour à leur faisceau de canons superposés.
Dernier- né d’une lignée ancienne
Néanmoins, dans le cas présent, il convient de replacer l’événement dans l’histoire de la marque : Franchi fut l’un des pionniers du juxtaposé au sein de l’armurerie italienne. Avec les modèles Condor, Albatros, Astore et enfin Montecarlo, le fabricant a marqué et influencé l’univers du juxtaposé italien. Ces fusils ont tous laissé une empreinte forte dans leur époque, en particulier l’Imperiale Montecarlo, repris depuis quel - ques années par Beretta et qui de - meu re l’une des plus belles armes fines jamais réalisées en Italie. Le dernier- né des juxtaposés Franchi n’a certes pas cette prétention. Il ne possède pas de mécanismes à platines, il n’est pas un modèle haut de gamme, mais une arme accessible réalisée dans une volonté de fidélité à l’image du juxtaposé « à l’ancienne » . Voilà qui justifie sans doute son nom, Esprit, et sa bascule jaspée traditionnelle. Un fusil qui, si l’on en juge par ses lignes élégantes, simples et sobres, aurait pu naître à Saint- Etienne il y a une quarantaine ou une cinquantaine d’années. Toutefois, pas de calibre 16 ici, mais un chambrage en 20/ 76 et 28/ 70 mm. Six versions sont proposées, qui se différencient par leurs longueurs de canons, trois pour chaque calibre – 61, 68 et 71 cm –, excusez du peu ! Chaque version est dotée de canons
à chokes amovibles internes et trois rétreints d’une longueur de 5 cm sont livrés avec l’arme ( full, demi et quart de choke). De quoi faire face à bien des situations en plaine, au bois, com me au marais. Car la canonnerie est éprouvée pour la bille d’acier et vous pourrez utiliser, pour le calibre 20 ( en attendant que les normes CIP du 28 entrent en vigueur), des munitions d’acier hautes performan - ces. Notez aussi qu’en dépit de l’installation de chokes amovibles dédiés à la bille d’acier, les canons ne sont pas « tromblonnés » comme cela arrive trop souvent. Ici, pas de surépaisseur à la bouche qui crée cet effet dérangeant et au passage un léger déséquilibre. Les chokes ont été réalisés de façon à ne pas utiliser plus de matière que nécessaire, les canons gardent un profil droit comme sur un fusil à chokes fixes.
Finition en berceau
La réussite de cette canonnerie ne réside pas seulement dans son profil droit ni sa finition bronzé brillant, très flatteuse. L’origine de ces tubes élancés, longs et fins se loge dans un choix technique rare en Italie : l’abandon de la traditionnelle frette. Pas de trace de soudure, aussi mi nime soitelle, ou, pire, de couronne massive gravée en guimpe qui vient arrêter le regard. Pour cette arme, Franchi a opté pour un assemblage des canons en berceau. Une méthode employée depuis quelques années, notamment par une poignée de fabricants français, mais qui reste encore assez rare. Il est vrai qu’elle est plus coûteuse que le manchon monobloc dans le - quel on frette les canons, mais aussi ô combien plus élégante. Le berceau en question est fait d’une pièce d’acier qui, dans sa partie inférieure, porte les crochets de basculage et les portées de recul et possède dans sa partie haute une double découpe légèrement concave et séparée en son mi - lieu par un rempart. C’est sur ces encoches ( les berceaux) que sont ensuite posés et brasés les canons. Ainsi, une fois l’arme assemblée, aucune soudure n’est apparente entre les canons puisque ces derniers ont été soudés sur leur partie inférieure et à leur jonction, là où sont insérés les tire- cartouches des éjecteurs. Cette solution est sans doute la plus élégante qui soit, sauf à réaliser de véritables demi- blocs, mais vendre l’arme à moins de 8000 ou 10000 € devient alors impossible, et hors sujet ici puisque le projet du fabricant était de livrer un juxtaposé accessible – soit un prix de 2 790 € quel que soit la version et le calibre.
Sur notre modèle d’essai, ces canons mesurent 71 cm, possèdent des ban - des en acier continues et soudées, et une bande de visée à la finition originale. Celle- ci n’est en effet ni striée ni guillochée, mais juste matifiée par un microbillage du meilleur effet. Elle semble fine et discrète tant que l’on n’épaule pas le fusil ; dès lors, elle remplit très efficacement son rôle, vous empêchant d’être aveuglé par la réflexion des rayons du soleil. Droite et fuyante, cette bande de visée mesure 8 mm aux tonnerres pour 4 mm à la bouche, où elle re - joint un traditionnel grain d’orge en laiton argenté. La bascule tirée d’un bloc d’acier est arrondie, un choix désormais assez fréquent. Sa vraie originalité réside dans l’absence de plaque de recouvrement destinée à masquer le mécanisme de percussion. Cela si - gnifie que le fond de la bascule fait partie intégrante de cette dernière et que les cages des crochets de verrouillage ont été taillées dans la mas - se grâce à un nouvel outil capable de travailler sur cinq axes. Autrefois, il fallait percer la bascule de part en part pour réaliser les cages de crochets, avant de cacher l’ensemble avec une plaque de recouvrement trahie par sa vis de fixation. Rien de tout cela ici, aucune vis visible sous la bascule, pas même celle du pontet puisque c’est le pied avant de ce dernier qui comporte un pas de vis l’arrimant à la bascule. Pas d’axe d’ armeur non plus, on remar que seulement la broche traversante. Cette bascule dépourvue de toute aspérité est simplement jaspée, sans gravure, à l’exception de la marque, du traditionnel « made in Italy » et du nom du fusil inscrits sous le dessous, en lettres d’or pour le dernier cité.
Pas tout à fait à la bonne échelle
La décoration de cette arme se place donc sous le signe de la sobriété. Les coquilles possèdent une belle relime ronde, large et assez plate, très réussie. L’entaillage légèrement oblique est original et moderne, il est avec le quadrillage le seul élément qui atteste que ce fusil n’est pas né dans les années cinquante ou soixante. Côté percussion, on trouve une mono-détente à inertie dorée, de mon point de vue trop imposante, épaisse et longue, pas vraiment à l’échelle d’un