Bryan Raquin
De la beauté des outils
De la beauté des outils
Il est des couteliers qui revendiquent haut et fort leur statut de fabricants d’outils. Bryan Raquin est de ceux- là, ses couteaux ne sont pas des objets de collection ou de contemplation, ils sont faits pour vivre et servir !
Je connais bien le travail de Bryan Raquin. Fréquentant le même forum coutelier (neoczen.org), j’ai eu la chan - ce de pouvoir suivre son parcours sur plusieurs années, des balbutiements d’amateur de ses débuts jusqu’à son passage professionnel, en passant par son lent apprentissage de la forge en autodidacte et sa progressive prise d’assurance. J’ai été frappé au fil de ce cheminement par l’opiniâtreté et la persévérance de cet homme à poursuivre envers et contre tout la voie difficile qu’il s’est tracée. Se pliant à une forme d’ascèse en ne travaillant qu’avec un minimum de matériel et d’outillage, optant pour la technique risquée des sandwichs à la japonaise et de la trempe à l’eau, produisant peu et restant sagement à l’écart des modes et des tendances. Du personnage et de ses oeuvres se dégage cette acceptation tranquille que rien n’est jamais acquis et que l’art de la forge n’est en soi qu’une longue quête sans véritable fin. A l’horizon miroite certes le Graal de la lame parfaite, mais comme un mirage, un trésor toujours à découvrir ; quand on croit l’atteindre, on réalise qu’il reste un long chemin. Ce qui compte pour Bryan, bien plus que la satisfaction d’avoir terminé un nouveau couteau, est l’étape supplémentaire que celui- ci représente dans le dialogue qu’il entretient avec la matière et les éléments, le feu, le fer et l’acier. On pourrait parler d’éthique et de philosophie, mais je crains que l’intéressé ne goûte guère à voir sa dé mar - che ainsi intellectualisée. Les couteaux ont souvent le caractère des hommes qui les font. Bryan aime les choses simples et authentiques, il mène à la campagne une vie sans complications, rythmée par les saisons et partagée entre sa fa - mille, ses amis et sa forge. Ses couteaux sont à son image, humbles et sans chichis. On s’étonnerait presque qu’un cercle d’amateurs de la première heure se les arrache dès qu’ils sortent de son atelier tant ils paraîtront sinon banals en tout cas peu spectaculaires aux non- initiés. Mais ne vous y trompez pas, oubliez l’ab- sence de décorum, de matières rares et précieuses, de damas attrape- l’oeil ou de démonstration ostentatoire de savoir- faire. Ici, toute la sophistication et la technicité se dissimulent dans la lame. Pour découvrir les qualités d’un couteau de Bryan Raquin, il faut l’utiliser. Le travail de Bryan nous ramène à l’essentiel de ce qui fait un couteau : la coupe, l’équilibre et l’ergonomie, le reste n’est que du superflu. Ses couteaux sont des outils au sens le plus noble du terme, un prolongement de la main certes, mais surtout, comme il le dit, « un moyen pour l’homme de se rapprocher de son désir » . Voici une conversation avec ce coutelier à part, qui entend avant tout que l’on se serve de ses couteaux et que l’on en apprécie les qualités pratiques. Armes de Chasse : Parlez- nous un peu de vous. Bryan Raquin : J’ai la trentaine, je suis né dans l’Allier où je suis re - venu vivre cette année, après des an - nées à tourner aux quatre coins de la France. J’ai fait beaucoup de choses différentes dans ma vie mais mon dernier métier avant de devenir coutelier à plein temps fut tailleur de pierre.