Adieu Alain, et merci !
D’ ordinaire, dans Armes de Chasse, de l’éditorial à la dernière page, nous essayons certes de vous informer le plus sérieusement possible, mais en gardant toujours un ton léger. Notre quotidien est suffisamment sombre et compliqué pour que nous n’en ajoutions pas en nuançant de noir ou de gris les pages d’une revue consacrée à votre passion… Pourtant, cette fois, je doute d’y parvenir. En effet, Alain Gheerbrant nous a quittés le 25 novembre, à seulement 70 ans. La veille encore, il m’envoyait son dernier article, la rubrique Balistique, que vous pourrez lire en page 98. La dernière page de ce magazine et le dernier article d’une longue série. Le dernier de dix- huit années de collaboration et d’amitiés. C’est en décembre 1996 que, sur les conseils avisés d’un confrère, nous avions invité Alain à nous rejoindre pour nous aider à la création et la rédaction d’une nouvelle rubrique consacrée aux calibres des armes rayées dans
Connaissance de la Chasse.
Une rencontre pour nous, mais un « retour » pour Alain qui, quelques années plus tôt, avait déjà écrit un article pour cette même revue alors dirigée par une équipe différente. Seule - ment, les propos sans concession de cet esprit libre, son côté franc- tireur et iconoclaste que j’appréciais tant, avaient mis un terme un peu précipité à cette collaboration. En 1996, les temps avaient changé et Alain ne devait cette fois plus nous quitter. Son rôle dépassa bien vite les frontières d’une seule rubrique ou celui de simple chroniqueur. Sa connaissance incroyable de tout ce qui touchait à l’arme rayée, mais aussi son approche réellement journalistique, ses articles clairs, bien écrits et riches d’idées et d’informations avec souvent, pour qui savait lire entre les lignes, beaucoup d’humour et aussi quel ques attaques contre le « tout- administratif » , nous le rendirent indispensable et il eut bientôt son bureau attitré à la rédaction. Au- delà de cet apport professionnel, il y avait l’homme. L’érudit, le baroudeur jamais avare d’anecdotes uniques, souvent incroyables, le faux dur qui cachait sous son crâne rasé et son vieux blouson de cuir beaucoup de gentillesse et d’humanité. Des qualités qui en avaient fait un personnage incontournable de la rédaction et plus encore des Editions Larivière où il avait toujours quelques mots aimables à échanger avec tous, surtout hélas lors de ses trop fréquentes sorties cigarettes. Alain fut bien sûr aussi de la partie lorsque le lancement d’Armes de Chasse fut décidé, en 2001. Il fut là encore plus qu’un collaborateur, plus qu’un membre à part entière de la rédaction, un véritable soutien, un appui sans faille. Armes de Chasse lui permettait d’aborder de nouveaux thèmes, comme le rechargement qu’il m’avait véritablement imposé – à raison comme le prouveront vite votre courrier et le succès de son Guide, dont la seconde édition était prête et entre ses mains. Des comparatifs de calibres aussi, des matchs entre optiques de battue et tout un tas d’autres articles fouillés, délicats à mettre sur pied, écrits parfois à quatre mains, ce que ni lui ni moi n’aurions concédé à personne d’autre. En cinquante- six numéros d’Armes de Chasse et sept hors- série, Alain a eu l’occasion de distiller une partie de son savoir immense, de faire évoluer et progresser les mentalités, les connaissances aussi. Il l’a fait avec simplicité et en restant toujours à l’écoute des lecteurs, des chasseurs qui le reconnaissaient et l’abordaient spontanément. Il aimait ces échanges, à l’image de son investissement total pour « sa » revue – « on » , disait- il quand il en parlait. Armes de Chasse était aussi son magazine, son « bébé » en quelque sorte. Avec son décès, « c’est une bibliothèque qui disparaît et qui ne pourra pas être remplacée » , souligne ô combien justement Joël Dorléac. Au- delà d’un de ses journalistes, d’une de ses meilleures signatures, votre revue perd un de ses initiateurs, une source d’inspiration, une part d’elle- même. Et moi un compagnon de route et surtout un ami fidèle. Adieu Alain, et merci !