Armes de Chasse

Un Pétrus vieux millésime

- Francis Joulie

Merci pour votre belle revue, agrémentée de photos superbes, d’articles solidement documentés, en particulie­r ceux sur les belles inventions armurières du XIXe siècle et le foisonneme­nt d’idées qu’elles ont incarné à l’aube de notre monde industriel. Le fusil d’un de mes aïeux m’intrigue. Un petit fusil, par la taille, comme par le fabricant sans doute puisque son nom ne figure à aucun endroit ; aucun matricule n’est mentionné non plus. Sur la bande de visée, qui se termine en troisième verrou, je peux lire « poudre pyroxylée » , les lettres ont dû autrefois être couleur or, il subsiste quelques traces de cette peinture. Sur les canons, je peux lire « acier décarburé » , l’alésage, « 18,4 » , le marquage de Saint- Etienne ; sur la table, « choke rectifié de Peuvel Pétrus » ( j’ai mesuré 18,1 à gauche et 18,2 à droite), « PR » surmonté d’une couronne. Les canons mesurent 50 cm et ne paraissent pas avoir été raccourcis. Le fusil présente les traces d’une longue carrière, avec démontages et réparation­s, mais aucun jeu à la bascule, sans doute reprise par un armurier. Peut- être pourrez- vous m’en dire un peu plus sur cette arme; sa décoration et sa technique me font situer sa fabricatio­n dans les dernières années du XIXe siècle. Je joins quelques photos pour aider à la résolution de cette petite énigme. Et comme chaque trimestre, je vais tâcher de patienter durant les quelques semaines précédant la parution du prochain numéro de votre revue !

Votre fusil juxtaposé de calibre 12 à chiens extérieurs et platines arrière est l’exemple même de la fabricatio­n artisanale de la fin du XIXe siècle. Il s’agit sans doute d’une commande spéciale si la longueur de canons est d’origine. Au début de la poudre pyroxylée, les longueurs de canons variaient beaucoup, mais descendaie­nt rarement sous les soixante centimètre­s. Les canons de votre fusil sortent des mains de Pétrus Peuvel à la fois canonnier, équipeur, rectifieur et polisseur de canons avant 1890. Il reçut le prix Escoffier en 1895 ainsi que la médaille d’argent à l’Exposition de SaintEtien­ne en 1904, et a travaillé pour Ronchard- Cizeron et bien d’autres armuriers prestigieu­x. Votre arme porte le poinçon d’épreuve de Saint- Etienne et celui de la poudre M, mais pas la marque d’épreuve à la poudre S ; poudres S et M seront remplacées par la poudre T vers 1903. Un poinçon T4 a également été utilisé par la firme Saint- Hubert de Paris avant 1900. Le terme « acier décarburé » sera utilisé jusque 1895 environ. Bien que réalisé par des armuriers anonymes, votre fusil est une arme à la fois curieuse et de qualité, en témoignent la tête de poupée de la bande, l’appui de la platine sur l’arrière ou les coquilles à oreilles. Elle n’est pas une arme de vénerie malgré sa taille mais plutôt de sous- bois, pour le lapin ou la bécasse déjà à l’époque.

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Le fusil de notre lecteur, un Peuvel Pétrus.

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