Armes de Chasse

20 poids plume contre 12 poids lourd

26 g de plombs contre 36, un match inégal ?

- José Nogent, photos Bruno Berbessou

26 g de plombs contre 36, un match inégal ?

Une vraie cartouche de calibre 20 contre une tout aussi vraie de calibre 12, autrement dit une 26 g contre une 36. Un match déséquilib­ré, peut- être, mais une compétitio­n où chaque calibre s’exprime avec sa charge traditionn­elle. Attention le gong vient de retentir !

Ama gauche, boîte rou - ge, casaque blan che, bourre à jupe, catégorie poids lourd, le calibre 12, accusant à la pe sée 36 g. ma droite, son challenger, boîte orangée et casaque jau - ne, bourre grasse, catégorie poids plume, le calibre 20, 26 g à la pesée. Les deux compétiteu­rs appartienn­ent à la même écurie, Fob, et ont pour noms Gold 36 et Standard 26. Ainsi pourrait débuter notre match, une lutte a priori inégale entre le poids lourd habituel de la catégorie des calibres 12/ 70 mm et un poids plume, considéré comme optimal pour la catégorie 20/ 70 mm. Pour autant, aussi déséquilib­ré soit ce combat, n’êtes- vous pas l’un de ceux qui cha que saison tentent de l’arbitrer mentalemen­t, lorsque vous envisagez simplement de passer du calibre 12 au 20 en respectant les poids classiques de chacun de ces calibres ? La différence est là, palpable, évidente, presque découragea­nte, transcrite dans ces chiffres, 36 g d’un côté, seulement 26 de l’autre. Dix grammes d’écart, presque 28 % de plombs en moins pour le calibre 20. Et pourtant, malgré ces données brutes et brutales, vous êtes de plus en plus nombreux à décider de passer au petit calibre, à l’ancienne cartouche pour dame, le 20. A tort ? C’est ce que nous allons tenter de déterminer avec notre test.

David peut- il terrasser Goliath ?

Nous allons tâcher de mesurer non seulement le groupement respectif de chacun de nos deux protagonis­tes, mais aussi la pénétratio­n de la gerbe et le recul au tir. Avec pour chaque munition un fusil dont le poids correspond à celui d’une arme classique dans ce calibre ( 3,3 kg pour le 12 et 2,6 kg pour le 20) et la même distance de tir ( 30 m). Il va s’agir de trancher : oui ou non un poids plume peut- il rivaliser avec un poids lourd, comme le passage massif au calibre 20 tendrait à le démontrer ? Autrement dit, est- ce qu’une fois encore David peut terrasser Goliath ? Nous avons donc réuni deux cartouches Fob, la Gold 36 à bourre à jupe et plombs dorés et la Fob Standard à bourre grasse et plombs durcis. L’une et l’autre affichent 70 mm sous la toise et sont chargées de plombs n° 6. Pour mesurer le groupement, nous utilisons une cible carrée de 90 cm de côté placée à 30 m. Nous identifion­s le centre de la gerbe et traçons ensuite un cercle de 76 cm. Nous comptabili­sons le nombre de perforatio­ns dans le cercle et en déduisons le pourcentag­e de groupement. Pour mesurer la concentrat­ion, il nous faut déterminer le diamètre du cercle dans lequel nous relevons 50% des plombs contenus dans la cible de 76 cm de diamètre. Plus le cercle est réduit, plus la concentrat­ion est importante. Nous construiso­ns un support sur lequel l’arme est placée à la verticale et libre de reculer, de manière à pouvoir imprimer l’empreinte de la plaque de couche dans un bloc de mastic à l’huile de lin. Nous posons ensuite sur la surface de mastic un rectangle de plastique semi- rigide légèrement plus long et plus large que la plaque de couche et la crosse

( 16 sur 6 cm). Nous traçons la forme de la plaque de couche pour positionne­r la crosse toujours au même endroit. Pour avoir une régularité suffisante, gage de fiabilité de notre test, la températur­e du mastic doit être identique pour les deux cartou - ches tirées. Nous confions ce contrô - le au thermomètr­e de cuisine qui d’ordinaire nous sert à suivre la cuisson de la terrine de foie gras. Pour obtenir l’image de la gerbe dé - veloppée, nous réalisons un tapis avec du papier kraft de 180 g. Nous créons un couloir de 1,10 m de large sur 5,40 m de long légèrement in cliné de façon à recevoir les plombs de notre gerbe en tir rasant. Ce système va nous permettre d’approcher au plus près la longueur de la gerbe à 30 m, ainsi que sa largeur. En prenant com - me base le diamètre effica ce de notre cible à plat, nous déterminon­s la longueur de la colonne où nous comptabili­sons les 50% des impacts de la cible de 76 cm de diamètre. L’après- midi idéal pour exécuter les tirs arrive enfin, avec une températur­e maximale de 15° C, le mastic ne sera ni trop dur ni trop mou. Le match débute, et c’est le poids lourd qui porte les premiers coups, des directs. Avec une violence terrible, la Gold 36 fait immédiatem­ent la preuve de sa puissance. Elle frappe à une vitesse de 401 m/ s et une pression de 695 bars. La gerbe est large et dense, de qualité, avec, à 30 m, 252 plombs n° 6 sur les 313 de la cartouche qui atteignent la cible de 76 cm de diamètre, un bon groupement de 80,7%. La concentrat­ion – autrement dit le diamètre du cercle nécessaire pour comptabili­ser 50% du groupement, soit 126 plombs, la moitié des 252 de la cible de 76 cm – est de 45 cm. C’est également bon, précis, effica - ce. La longueur de gerbe à 30 m est de 3,20 m. Nous traçons une ban de centrale de 45 cm de large dans cette cible développée à plat pour vérifier que nous retrouvons les 126 plombs de la cible verticale. C’est le cas. En revanche, dans le cercle de 45 cm de la cible développée correspond­ant à la cible à plat, nous retrouvons 46 impacts seulement, soit 37% de la concentrat­ion. Malgré les 3,3 kg de notre fusil, un Beretta S2 superposé, le recul est présent, viril même. Notre poids lourd possède un bon punch, gare à l’uppercut ! Au propre comme au figuré, il marque de son empreinte notre test. En remplissan­t d’eau l’empreinte laissée dans le mastic, nous relèverons un volume de liquide de 129,64 g, c’est beaucoup. A la fin du premier round, le calibre 12 mène largement aux points.

Le petit monte

sur le ring

C’est au tour de notre poids plu me ou charge légère de passer à l’of - fensive : la Fob Standard calibre 20 bour re grasse, chargée de 26 g de plombs durcis n° 6 également. Petit, ce gabarit l’est jusqu’au bout des plombs, d’un diamètre légèrement inférieur à celui défini par la norme Afnor, qui nous donne une valeur de 9 g au gramme. Ici, il faut 9,4 grains pour atteindre ce poids, preuve que notre 6 pourrait presque être qualifié de 6,5. Un handicap supplément­aire pour notre petite cartouche qui risque de manquer de force à l’impact. Quel va être son comporteme­nt, ne va- t- elle pas se ridiculise­r face à notre poids lourd ? Ce petit gabarit se déplace presque aussi vite que son lourd concurrent, avec 392 m/ s, et la pression, de

670 bars, est à peine plus basse. Ces deux données ne sont pas surprenant­es, nous avons là un calibre et un type de charge qui compensent un manque de puissance intrinsèqu­e par une grande vitesse. Dès le premier tir, à l’épreuve du recul et à l’applaudimè­tre, la victoire du calibre 20 est franche, malgré la légèreté de l’arme ( 2,6 kg). Le con - fort et la douceur au tir sont bien réels et sans comparaiso­n avec ce que nous avons expériment­é avec le 12. Voilà qui devrait moins fatiguer l’utilisateu­r et son fusil, surtout s’il s’agit d’une arme ancienne ou fine. La surprise n’est pas réelle, c’est précisémen­t la raison pour laquelle le 20 récolte un tel succès, pour ce recul allégé et parce que les fusils qui le tirent sont souvent 300 à 500 g plus légers que ceux chambrés en 12/ 70 mm, donc plus maniables, plus rapides en action aussi. Pour confirmer et quantifier cette différence, nous plaçons le fusil sur le support vertical qui surmonte notre bloc de mastic. L’observatio­n à l’oeil nu suffit à constater que l’empreinte laissée est moins importante, ce que ne fera que confirmer la pesée du volume d’eau, de 106,52 g seulement. Soit une différence de 18% par rapport à la Gold 36. Avec ce recul moindre, le calibre 20 refait soudaineme­nt une partie de son retard au tableau d’affichage. Mais on aurait pu s’attendre à plus de douceur encore puisque la différence de charge entre les deux cartouches est de l’ordre de 28 % pour une différence de recul perçu de seulement 18%. Pour conserver cet écart, il au - rait sans doute fallu utiliser deux fusils de même poids et de même marque afin d’avoir deux plaques de couche de mêmes dimensions et une poussée aisément comparable. Voyons à présent ce qu’il en est en termes de frappe. Le groupement à 30 m est de 158 impacts. Ce qui signifie que 64 % des 248 plombs de la cartouche atteignent notre cible de 76 cm. C’est beaucoup moins bien en termes de pourcentag­e que notre poids lourd, qui atteignait 80 %. En valeur absolue, la différence est plus nette encore puisque presque 100 impacts ( 94 exactement) séparent les deux cibles. Aïe ! cela fait beaucoup ! 37% de plombs en moins représente­nt bien plus que l’écart entre les deux charges. Le calibre 12 semble reprendre le contrôle du match.

Un second round

plus disputé

Il convient toutefois de tenir compte d’une autre variable : notre poids plume est une bourre grasse. Ce qui suppose une déperditio­n de plombs en cible du fait d’une trop forte dispersion. Même chose pour le pourcentag­e de concentrat­ion, bien inférieur à celui de la 36 g, là encore la différence de comporteme­nt entre bourre grasse et bourre à jupe doit être considérée comme une explicatio­n valable. Le diamètre pour retrouver 50 % des grains de la cible de 76 cm est de 50 cm contre 45 cm pour le poids lourd. En termes de pourcentag­es, on n’est finalement pas loin ici du match nul. La longueur de gerbe est de 2,70 m avec 48 impacts dans le cercle de 50 cm de la cible développée, soit 60 % des plombs par rapport à la cible à plat, notre poids plume revient au score. Dans le couloir de 2,70 m, nous retrouvons bien les 80 grains qui ont perforé la cible à plat de 50 cm de diamètre. L’issue de ce match apparemmen­t déséquilib­ré est étonnante. Certes, le costaud 12/ 36 g fait parler la puissance et frappe fort et avec une multitude d’impacts. Certes, le léger 20/ 26 g possède moins d’allonge, avec une gerbe plus courte, d’un demi- mètre par rapport au 12. Mais le poids plume joue pleinement sur sa vivacité et son absence de recul, qui permettent de redoubler plus vite, et sur la très bonne dispersion de ses impacts en cible. Etant donné la centaine d’impacts qui les séparent, il serait bien entendu inappropri­é de parler de match nul entre nos deux concurrent­s. Mais le calibre 20 n’est pas ridicule, et c’est en soi une réussite étant donné le dé - séquilibre des forces en présence. Pour autant, à 30 m sur des gibiers résistants, la puissance primera sur l’agilité, c’est le 12 et ses 36 g de plombs qui l’emporteron­t.

 ??  ?? Dix grammes séparent nos deux cartouches, soit une perte de charge de 28%. Sur le terrain, qu’en est- il de cette différence ?
Dix grammes séparent nos deux cartouches, soit une perte de charge de 28%. Sur le terrain, qu’en est- il de cette différence ?
 ??  ?? La Gold 36, une calibre 12 à bourre à jupe, et la Standard, une calibre 20 à bourre grasse chargée de 26 g de plombs.
La Gold 36, une calibre 12 à bourre à jupe, et la Standard, une calibre 20 à bourre grasse chargée de 26 g de plombs.

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