Edito Recrues singulières
Forêt élégante, grande et belle, dans la force de l’âge, encore verte, beau patrimoine, possédant de nombreux animaux, cherche chasseur sérieux et passionné pour sorties communes et plus si affinités… » Si nous n’y prenons garde, cette petite annonce ubuesque pourrait bientôt devenir réalité. A l’inverse des impôts, ces dernières années, le nombre de chasseurs a beaucoup baissé. La FNC vient d’ailleurs de le confirmer : nous serions 1,1 million de pratiquants. Peut-être moins du million même si on devait débarrasser cette donnée de quelques doublons, permis bi-départementaux, validations temporaires, etc. Et combien, parmi les validations effectivement recensées, ne se concrétisent par aucune action de chasse, aucune sortie durant la saison ? Des chasseurs « croyants mais non pratiquants ». Nous sommes loin des 2,2 millions de porteurs de permis de 1976 et du 1,491 million qui était officiellement avancé il y a encore quelques mois. Avec cette érosion de ce qui a longtemps fait notre force – le nombre –, notre poids électoral baisse. Cette diminution des effectifs n’est pas non plus sans conséquences au sein même de notre propre communauté. Certains pourraient y voir une aubaine. Des chasseurs qui raccrochent, ce serait plus de territoires disponibles, ce serait, au sein des ACCA, la jouissance quasi absolue de l’espace pour un nombre réduit de privilégiés, ce serait encore des forêts qui attendent désespérément leurs actionnaires et devraient pouvoir être négociées à vil prix, ce serait enfin plus d’armes sur le marché de l’occasion et de bonnes affaires potentielles… Mais tout cela n’est que poudre (sans fumée) aux yeux. La vérité est moins rose. Moins de chasseurs mais toujours autant de sangliers, toujours autant de dégâts, ce sera surtout des cotisations plus élevées pour chaque permis. C’est aussi, pour les ad judicataires de territoires de chasse, plus de difficultés à constituer une équipe et finalement des prix d’actions par tête qui augmentent. C’est également des budgets moindres pour louer un massif et, comme les adjudications dans l’est de la France l’ont prouvé, des chasses qui échappent parfois aux chasseurs locaux pour passer entre des mains belges ou luxembourgeoises mieux équipées côté euros… C’est aussi au niveau national et politique – on commence à le pressentir – une moindre influence dans les débats autour de dossiers cruciaux, comme la gestion des sangliers ou des cervidés et leurs dégâts aux cultures et surtout aux forêts… Et que dire de la chasse du gibier d’eau ou de la sauvegarde du petit gibier de plaine là où il n’a pas encore disparu ? Vous l’aurez compris, si la chasse coûte cher aujourd’hui, elle coûtera plus cher encore demain. Et plus les prix augmenteront, plus le nombre de fusils raccrochés sera élevé. Pour nous sortir de ce cercle vicieux et pour continuer d’exister, de pratiquer notre passion et de la rendre pérenne, il va nous falloir recruter. Mais comment enrôler des nouveaux permis avec une telle spirale inflationniste ? Comment attirer des jeunes aux poches vides et aux perspectives d’emploi inexistantes en augmentant chaque année le prix du ticket d’entrée ? C’est tout l’enjeu de la chasse française en 2016. Une problématique trop rarement évoquée. Quelques fédérations départementales ont toutefois mesuré l’urgence de la situation et ont décidé d’agir. Elles offrent, par exemple, le permis de chasser « à zéro euro » et l’accès à des territoires de chasse. Ce faisant, elles ont enrayé la chute des validations et parviennent à garder des effectifs stables. Le parrainage a également permis l’arrivée de très jeunes chasseurs. Les actions de communication comme « Un diman che à la chasse » , où nous convions nos concitoyens à découvrir notre univers, doivent également être soulignées. Mais aussi méritoires soient-elles, ces initiatives ne sont pas suffisantes. Il va falloir changer notre façon de communiquer et aller chercher nous-mêmes, un par un, ces nouveaux chasseurs, des citadins le plus souvent. A chacun d’entre nous de devenir agent recruteur… Nous devons nous transformer en Oncle Sam et enrôler de nouvelles recrues. Aux EtatsUnis justement, la baisse du nombre de chasseurs a été enrayée, mieux même, la tendance a été inversée et les chasseurs sont plus nombreux qu’il y a dix ans. Le seul Etat du Texas compte plus de chasseurs que la France tout entière. Pour une fois, l’exemple américain est le bon. Communication, ouvertures échelonnées (arc, puis poudre noire et enfin poudre vive), image de marque rajeunie ont été les maîtres mots de cette reconquête. Mais sur- tout, les Américains ont compris une chose que nous n’avons pas encore vraiment intégrée, un chasseur peut aussi être une chasseresse. Dans ce pays-continent comme chez certains de nos voisins européens, près de 10 % des chasseurs, parfois plus, sont des femmes, contre 2,2 % chez nous. Cette tendance qui nous reste « étrangère » se traduit d’ailleurs par l’émergence d’un grand nombre de nouvelles armes conçues spécifiquement pour les femmes. L’édition 2016 de l’Iwa, comme celle de 2015, le confirme. Il est peut- être temps de se rappeler que mixte ne désigne pas qu’une arme combinée. Si nous voulons que chasser se conjugue au futur, il est grand temps de l’accorder au féminin pluriel !