L’âge d’or de l’armurerie fine
Les bons et mauvais millésimes d’armes de chasse existent-ils ?
Nous avons vu qu’en Angleterre les spécialistes et fabricants d’armes fines reconnaissent trois périodes fastes : celle allant de l’invention des hammerless à 1914, les années 30 et la période actuelle. Tandis que les années noires courent, selon nos interlocuteurs, de 1960 à 1970. Et ailleurs, en Europe continentale et en France, qu’en est-il ?
L’armurerie fine européenne prospéra comme jamais durant la dernière partie du XIXe siècle et le début du XXe. Jusqu’au cataclysme de 1914 qui allait profondément changer le monde. C’est presque une génération entière d’hommes jeunes qui fut anéantie par le premier conflit mondial. Des hommes qui s’ils avaient vécu auraient conçu, fabriqué ou simplement acheté des fusils fins. Lors de la première décennie d’après-guerre, le monde chercha à absorber sinon à comprendre les horreurs du conflit, puis, durant la décennie suivante, se débattit dans une dépression écono- mique qui ébranla le coeur de la civilisation occidentale. Ensuite, il fallut endurer les années de destruction de la Seconde Guerre mondiale, qui de nouveau dépassèrent l’entendement. La poignée d’armuriers, qui avaient subsisté et lutté désespérément pour rester à flot, dut faire face à un paysage post-guerre morne et sclérosé. La reconstruction était en marche, certes, mais les dépenses superfétatoires n’étaient pas à l’ordre du jour. Les décennies 1950, 60 et 70 virent dépérir et souvent mourir ces fabricants. A cette époque, tout le monde prédisait le déclin, nul besoin pour cela d’être grand prophète, mais personne ne pouvait entrevoir de renaissance. Et pourtant. Contre toute attente, avec le retour de la prospérité économique dans les années 1980, l’intérêt pour le fusil fin commença à alimenter un mince ruisseau qui allait devenir rivière dans les années 1990, puis déborder sans se tarir.
L’Italie à la mode
numérique
Il y a trente, quarante ans, les spécialistes italiens de l’arme fine, qui jusqu’alors n’étaient guère connus au-delà des frontières de leur pays, acquirent une reconnaissance internationale. Tant et si bien qu’aujourd’hui quiconque veut passer commande chez Fratelli Rizzini, Piotti, Fabbri ou Bosis doit patiemment prendre sa place dans la file d’attente. Jamais la qualité des fusils transalpins ne fut meilleure. Dès les années 1970 leurs fabricants surent reconnaître les possibilités portées par la nouvelle technologie CNC. En outre, leur tempérament artistique, reflété dans des armes délicatement gravées par les génies que sont les Fracassi, Pedersoli, Pedretti, Bonsi, Terzi, Torcoli, Galeazzi ou les membres de Creative Art, fit mouche auprès des collectionneurs, notamment américains. Au risque de provoquer l’ire des milieux anglophiles, j’ose affirmer que l’armurerie fine italienne occupe maintenant