Anschütz 1781
Plébiscitées par les biathlètes, les carabines Anschütz sont moins connues et moins recherchées dans l’univers des armes de chasse. La firme allemande mise il est vrai sur l’ergonomie et la précision plutôt que sur la vitesse de réarmement et la modularit
Le retour de la précision germanique
Anschütz, vous connaissez ? Non ? Pourtant, si vous êtes un tant soit peu amateur de sports nordiques ou si vous suivez de temps à autre les exploits du biathlète Martin Fourcade, vous avez forcément déjà vu une arme Anschütz à l’oeuvre. En effet, le champion français utilise depuis toujours une carabine Anschütz, lui qui domine cette discipline consistant à aller le plus vite possible sur des skis de fond sur une distance de 7,5 à 20 km et à tirer à intervalles réguliers des séries de cinq balles, couché et debout, avec une .22 LR et sur des cibles d’un diamètre respectif de 45 et 110 mm à 50 m. C’est dans ces compétitions que la marque, créée le 1er juillet 1856 par Julius Gottfried Anschütz à Zella-Mehlis en Allemagne, s’est fait mondialement connaître, bien que sa destination d’origine était de réaliser des pistolets de poche Flobert et des fusils.
A l’aise sous la neige
C’est sur ces terrains exigeants qu’Anschütz a construit sa réputation de précision bien sûr, mais aussi de fiabilité. Car ces épreuves se déroulent forcément par des températures basses, négatives, parfois aussi sous un brouillard givrant ou des averses de neige. Depuis 161 ans qu’elle existe, la marque n’a jamais usurpé ces qualités, en misant sur la technique, des mécaniques rigoureuses au détri- ment parfois, c’est vrai, de la cosmétique. Au point sans doute que la firme ne fut pas distribuée dans notre pays pendant de longues années. C’est en 2012 qu’elle fut à nouveau importée avec en prime une nouvelle carabine de chasse, le modèle 1780. Une arme qui a évolué, au point de devenir cette année le modèle 1781, celui que nous avons décidé de tester. Si le modèle 1780 était, en 2012, décliné en plusieurs calibres, le 9,3 x 62 et trois calibres qui nous étaient interdits à l’époque, l’Anschütz 1781 n’est pour le moment proposée qu’en un seul, le .30-06 Springfield. Ce qui ne veut pas dire qu’un seul modèle existe, puisque la carabine est offerte en cinq versions qui diffèrent essentiellement par leur crosse. Il y a deux versions à crosse à busc droit et sans joue, l’une avec canon rond classique, l’autre avec le même canon mais doté d’un filetage M15x1 pour la pose d’un frein de bouche ou d’un silencieux – cette dernière mouture est dépourvue d’organes de visée ouverte. Une autre version est à busc semi- dos de co chon et joue bavaroise, pur produit germanique, et deux autres sont à busc Monte-Carlo rehaussé, dont l’une avec trou de pouce. Les prix de ces cinq modèles s’échelonnent de 2 560 à 3 250 € ( pour la trou de pouce). Les deux versions d’entrée de gamme possèdent un devant rond, les autres tulipé. C’est la version à crosse classique et canon non fileté que nous avons décidé de tester.
Sur le plan des lignes, nous sommes face à une carabine classique, un peu
old school, qui nous offre des formes assez massives et une crosse d’un seul tenant et en bois, ce qui n’est plus si courant que cela. Il s’en dégage une impression de solidité, de poids aussi. Pourtant, un coup d’oeil à la balance nous prouve que nous sommes dans l’erreur. Sans lunette et montage, sans la fixation du bipied, nous dépassons légèrement les 3,1 kg, c’est tout.
Massive, oui, mais pas lourde
C’est le boîtier de culasse, haut et hexagonal, qui donne cette impression massive. Mais il ne vient pas lester la carabine car il est entièrement réalisé en alliage d’aluminium léger, la culasse se verrouillant directement dans le canon, aucune force mécanique ne s’exerce sur lui et il ne nécessite pas d’être tiré d’un bloc d’acier. Ce boîtier n’a donc que deux rôles, abriter la culasse mobile et lui servir de guide lors de son déplacement d’arrière en avant. Il est en outre très évidé, la fenêtre d’éjection est large, tout comme la partie arrière où vient s’encastrer la racine du levier d’armement. Ce métal en moins est autant de poids gagné, une bonne chose. Cette large fenêtre d’éjection n’a pas pour seul rôle d’alléger l’arme, elle permet aussi, sur le terrain, d’alimenter le chargeur amovible sans le déposer, en ouvrant et reculant sim- plement la culasse mobile. Ce détail a son importance lorsqu’il s’agit de tirer vite une ou deux dernières balles alors que son arme est vide. La sûreté est logée sur le côté droit de l’arme, juste derrière la racine du levier d’armement. Elle est à deux positions. En position feu, la culasse et la percussion sont libres, en position sécurité, la culasse ne peut pas bouger et l’arme ne peut pas tirer, même si la queue de détente est libre. Cette sécurité est faussement classique, elle appartient à la famille des sûretés positives et agit directement sur la percussion. Lorsque la
sécurité est enclenchée, la détente peut être pressée, rien ne se passe mais le percuteur est bloqué. Ce dispositif est rendu possible par une bague fraisée dans la masse de cette pièce monobloc qui interdit tout départ accidentel. Même si notre arme est équipée d’une lunette, sachez qu’elle est dotée d’organes de visée ouverte, une hausse en demi-lune avec trois inserts de fibre optique verts et un guidon cylindrique, en fibre optique toujours, mais rouge cette fois. Le sommet du boîtier est également orné de fraisages qui sont là pour guider l’oeil vers la hausse et le guidon justement. Notre lunette est fixée au moyen d’embases Weaver. Anschütz a mis au point des prééquipements optiques originaux et pratiques. On trouve de façon conventionnelle deux vis sur le tonnerre et, c’est plus inattendu, trois sur le pont arrière. Ces trois
vis permettent de placer l’embase arrière plus ou moins loin de l’oeil de façon à pallier le montage d’une optique caractérielle sans pied déporté ou contorsion. Une de ces bonnes idées qui rendent la vie plus simple. Le sommet du boîtier n’est pas renforcé par un insert d’acier pour éviter les risque d’arrachage du montage lors de tir au recul violent. Il est vrai que ce type de prééquipement renforcé est recherché pour des calibres magnum, ce que notre .30-06 n’est pas.
Trois nouveaux calibres à venir
Sur la 1780, le canon était démontable, mais l’offre de calibres quasi inexistante. Ici, il est à nouveau démontable, alors que le problème de l’interchangeabilité du canon ne se pose pas. Mais trois cartouches sont au programme, une .308 Winchester, une 8 x 57 IS et une 9,3 x 62. Nous l’avons dit, la culasse se verrouille directement dans le canon, via six tenons placés sur deux rangées, les gros devant, les petits juste derrière. La rotation du levier n’est que de 60 degrés, la norme pour les armes modernes. C’est rapide et facile, car la culasse possède un déplacement fluide, son cannelage supérieur et son évidement partiel dans sa partie inférieure contribuent certainement à cette impression. De plus, les tenons ne « débordent » pas du corps de la culasse. Ce ne sont pas eux, comme sur une Mauser 98, qui guident la culasse ou la freinent, mais le gros corps de culasse cylindrique. Forcément, la fluidité du mouvement s’en trouve accrue. Le cannelage vous garantit aussi de pouvoir refermer la culasse quoi qu’il arrive, même si une brindille ou des feuilles venaient à se coller au mécanisme. Ces débris finiraient leur chemin au fond de l’usinage sans nuire à la fermeture de l’arme. La tête de culasse est en forme de cuvette, c’est-à-dire qu’elle est fermée. La cartouche ne peut donc pas être saisie par l’extracteur dès qu’elle quitte le chargeur, comme c’est le cas sur les carabines à alimentation contrôlée, type Mauser 98 ou Sako 85. Ce n’est qu’à la fin du verrouillage de la culasse dans le canon que la griffe d’extracteur se referme sur le culot de la cartouche. Cette griffe est de petite taille mais n’en va pas moins enserrer une large partie du culot, de l’ordre de 25 %. La carabine possède un imposant chargeur amovible. Une fois en place, il déborde d’environ un centimètre sous la forme d’une épaisse et large plaque de plastique sur laquelle est gravé en toutes lettres le nom du fabricant. Contrairement aux apparences, ce magasin est réalisé en acier, du moins ses parois, car la planchette élévatrice est elle aussi tirée d’un morceau de plastique noir massif. Il possède une contenance importante, cinq cartouches de .30-06 en double pile imbriquée. La dépose du chargeur est originale. Une sorte de pédale en plastique vient coiffer l’avant du pontet et libère le chargeur lorsqu’on la repousse vers l’avant avec le pouce. Si la noblesse de son matériau est
contestable, son principe est pratique, d’autant plus qu’elle est striée pour laisser assez de préhension même sous la pluie ou avec des gants ou lorsque nos doigts sont engourdis par le froid, et qu’elle est accessible avec la main droite comme la gauche. Terminons le chapitre mécanique en beauté avec le bloc détente de cette arme, baptisé 5781 D. Cette détente directe et réglable de 700 g à 1,8 kg est tout simplement magnifique, précise, nette, directe, digne d’une arme de compétition, laissant à elle seule apprécier tout le savoir-faire de la marque. Elle comme le canon épais de l’arme, malgré ses 56 cm seulement, ne vous laisseront aucune excuse en cas de tir imprécis. Car la canonnerie est bien l’autre point fort de cette Anschütz. Rigide, épaisse, réalisée comme il le faut, elle tire droit. Le canon nous offre même des groupements dignes d’une carabine match, c’est dire. Il faut avouer aussi que pour garantir cette précision quasi pléonastique pour les armes qu’elle signe, Anschütz a noyé dans la crosse un berceau d’aluminium qui va se placer entre le bois et le boîtier et les premiers centimètres du canon. Ce dispositif digne des carabines de sniper rigidifie l’arme et lui apporte un peu plus de précision, quelles que soient les conditions climatiques notamment. Vous voilà à armes égales avec Martin Fourcade ! Avec cette arme, les groupements de trois balles passent, en usine, à peine au-dessus de la barre du demi-MOA, soit 1,5 cm à 100 m. Du côté des essais, la firme allemande sait de quoi elle parle, les prototypes de cette carabine, comme ceux des armes destinées aux biathlètes, ont été essayés par une température avoisinant les - 30°C. Puis sous une température plus clémente, mais à raison de 50 000 tirs et autant de ré ar - mements et désarmements. Voilà de quoi rassurer les chasseurs les plus exigeants en termes de matériel. Enfin, la crosse de notre arme est à busc droit, poignée pistolet renflée et long devant rond. Surtout, elle est épaisse, confortable et bien dessinée. En ces temps de course effrénée aux grammes superflus, son épaisseur peut faire peur, mais chez Anschütz, on sait faire des armes confortables et ergonomiques avant tout et c’est clairement ce qui a primé ici. Malgré l’absence de joue, la carabine monte parfaitement à l’épaule et surtout s’ajuste parfaitement à notre pommette.
Virtuose sur le terrain
Nos essais sur le terrain ont confirmé ces impressions. Avec le bipied carbone Spartan, il fut facile de vérifier d’emblée la précision de l’arme, même si la lunette montée était un modèle de battue, la Kahles Helia 5 1- 5x24, et pas une 2-10x par exemple. Nos cinq balles, des Evo de 11,9 g, sont parfaitement groupées et, si on fait abstraction de la première balle, qui, le canon n’ayant pas été flambé, a touché la cible plus haut que les quatre suivantes, le groupement tient dans un rectangle de 2,2 cm de haut et de 1,8 de large. Le comportement de l’arme au tir est parfait. La détente est réellement remarquable, le tir facile et précis, le réarmement fluide et moelleux. L’Anschütz 1781 est une véritable carabine haut de gamme pour ceux qui recherchent avant tout la précision, la robustesse et la fiabilité plutôt qu’un poids allégé ou une quelconque modularité. Bien sûr, la pré sen ce du seul .30- 06 est sans doute un handicap et, dans l’attente du .308 Winchester, avouons qu’une telle arme chambrée pour une .270 WSM, un 6,5 Creedmoor ou même un .300 Winchester Mag aurait sans doute beaucoup plu aux amateurs de tirs à longue distance. Mais pour celui qui veut une arme fiable, précise et robuste, cette 1781 possède de sérieux arguments qui se révèlent pleinement sur le terrain.