Armes de Chasse

Quel calibre pour votre kipplauf ?

Le bon menu pour votre carabine basculante mono-coup

- Dominique Czermann

Le bon menu pour votre carabine basculante mono-coup

Pour qui envisage l’achat d’une kipplauf, le choix du calibre doit être réfléchi. Il faut déterminer l’emploi envisagé, les gibiers chassés, les biotopes rencontrés et connaître ses propres limites en termes de gestion du recul. La munition sera adaptée au poids de la carabine, une arme trop légère et un calibre surpuissan­t faisant rarement bon ménage.

Le choix des calibres pour les armes basculante­s est considérab­le, quelle que soit la nationalit­é du fabricant. Toutefois, certains types de munitions sont plus adaptés à ce type d’arme que d’autres. Voyons lesquels. Même si les kipplaufs modernes emploient bon nombre de cartouches à gorge, pour d’évidentes raisons de fiabilité et de solidité de constructi­on du système d’extraction ou d’éjection, le chasseur avisé se tournera vers les cartouches à bourrelet, à moins de vouloir à tout prix utiliser les avantages théoriques d’une munition magnum. Le bourrelet, qui peut sembler démodé, voire passéiste aux tenants des short et ultramagnu­m ou autres merveilles balistico-commercial­es de ce siècle, permet une extraction ou une éjection fiable dans toutes les conditions, surtout les pires. C’est bon à savoir, même si une kipplauf n’est pas, en général, destinée à la battue ou à la chasse du grand gibier dangereux.

Sous la barre des 6 mm

La gamme de puissance des munitions à bourrelet pour carabines basculante­s va du .22 Hornet pour les renards, lièvres ou autres ragondins, voire grands tétras, au 9,3 x74R, qui permet de chasser pratiqueme­nt tous les gibiers hormis les pachyderme­s, en passant par les valeurs sûres que sont le 6,5 x 57 R et le 7 x 65 R ou le puissant et moderne .30 R Blaser ou l’anecdotiqu­e calibre suisse des chasseurs du canton des Grisons, le 10,3x 60 R. Si votre portefeuil­le est assez épais, un artisan pourra tout aussi bien réaliser votre kipplauf en .375 H& H voire .450-400N. L’amateur de chevreuil à la pirsch peut très bien se contenter du 5,6 x 50R pour peu qu’il limite sa distance de tir et se soit bien entraîné au préalable. Cette cartouche, un peu plus puissante que le .222 Remington dont elle dérive, permet aussi le tir des grands oiseaux branchés ( à la scandinave), des renards et des nuisibles. Sa balle de 4,1 g offre des performanc­es terminales plus qu’honnêtes lorsque bien coffrée. Autre choix plus classique pour votre carabine artisanale ou industriel­le : le 5,6 x 52 R alias .22 HP Savage. Cette cartouche développée il y a plus de cent ans reste très efficace sur le plus petit de nos grands gibiers. Sa balle de calibre .228 pesant 4,5 g (71 grains) délivre encore 1000 joules à 170/180 m et une trajectoir­e plutôt tendue pour une ancêtre. Malgré un choix de chargement­s limité (RWS, Norma, Sellier & Bellot), on la trouve facilement. Je l’ai utilisée dans une ancienne Brno basculante avec plaisir et efficacité. Comme le 5,6 x50R, on évitera de l’utiliser sur le gibier de montagne. Blaser, par exemple, offre ses K95 et K95 Stradivari dans ces deux petits calibres. Pour un usage plus polyvalent, on recommande­ra le 6x62R Frères, qui a le défaut d’être assez rare. Notez qu’en Allemagne, Suède, Autriche, au Danemark et dans d’autres pays encore, les munitions d’un calibre inférieur à 6,5 mm utilisant des balles de moins de 9 g et délivrant moins de 2 000 J à 100 m sont interdites sauf pour le chevreuil ou limitées à des gibiers de moins de 805 kg (Autriche).

La large famille des 6,5 mm

Dans la famille des 6,5 mm, je voudrais… la grand-mère. La 6,5 x57R est toujours très appréciée des chasseurs allemands et autrichien­s pour le tir du chamois. Attention toutefois à ne pas tomber, avec elle ou sa soeur 7 x 57 R, dans le piège des canons trop courts. Comme tous les « petits calibres », la perte de vitesse entre un tube de 51 cm et un autre de 61 est conséquent­e. Elle grève les performanc­es terminales et la trajectoir­e passé les deux cents mètres. Ceux qui rechargent et l’emploient dans une carabine moderne à verrou Jäger, Kersten ou Greener pourront « gratter » deux ou trois dizaines de mètres par seconde en poussant les pressions au niveau de celles des 6,5 ou 7x57 à gorge. Je le fais sans problèmes depuis des années avec la K1 stutzen de ma fille, ce qui compense un peu la perte de vitesse due au tube de 51 cm. La trop rare 6,5x65R marche sur les talons de la .270 Winchester avec un excellent comporteme­nt balistique. Toujours dans la famille des 6,5 mm, on retiendra la nouvelle 6,5 x 52 R K& S proposée par Merkel dans sa K3 Extrem. Développée à l’origine comme une cartouche pour tubes réducteurs de mixtes et drillings, cette petite munition, qui devrait rester anecdotiqu­e chez nous, est conçue pour offrir une meilleure efficacité terminale que les calibres .22 lorsque la loi impose le sans-plomb, comme c’est le cas en Allemagne dans certains Länder. Sa pression réduite (3250 bars) permet de l’utiliser dans les tubes réducteurs et les kipplaufs légères. Son énergie résiduelle inférieure à 2000 J et ses balles de moins de 9 g la cantonnent aux chevreuils, renards, blaireaux et aux oiseaux dans toute l’Europe du Nord. Elle est présentée comme une nouveauté, mais il existe depuis très longtemps aux Etats-Unis une cartouche équivalent­e : la 6,5 mm Bullberry Imp chambrée dans des monocoups basculante­s de type Contender ou Encore. Elle donne d’excellents résultats sur les cerfs à queue blanche ou noire et autres antilopes pronghorn. Les pressions et performanc­es sont très proches. Malgré des vitesses qui semblent ridicules, les deux chargement­s K& S à balles Hornady SST de 8,4 g et Barnes TTSX de 6,48 g offrent une DRO de 172 à 177 m. Dans un tube réducteur, ce calibre est supérieur au 6 x 70 Krieghoff aujourd’hui oublié. Si vous avez tout et que vous désirez autre chose pour-

quoi vous en priver ? Préférez toutefois le chargement en SST, qui offre les meilleures performanc­es et garantit une expansion plus régulière.

Le 7x65R et les calibres de battue

Le chasseur qui veut tout chasser en Europe avec sa kipplauf sera toujours parfaiteme­nt servi par le vieux 7 x 65 R Brenneke. Encore plus performant qu’autrefois grâce aux nouvelles balles (Evo Green, Eco Strike), il n’est pas loin, à canon d’égale longueur, du 7 RM dans le monde réel, pour des tirs à moins de 350 m. J’ai possédé deux kipplaufs dans ce calibre, une K1 et une Zanardini, et tiré du renard à l’élan en passant par cervidés et sangliers, son efficacité est remarquabl­e. J’utilisais, au gré de mes humeurs et des situations de chasse, des Oryx de 11 g ou des Partition de 160 grains (rechargées par mes soins), parfois des Ballistic Tip. Trois coups sur cible, quelques clics et j’étais paré. La K1 tenait bon an mal an trois quarts de MOA sur trois coups. Celui qui veut se donner une marge de manoeuvre plus importante trouvera chaussure à son pied avec le .30 R Blaser, que je considère plus adap té aux kipplaufs qu’aux ex - press. Proche de l’honorable .300 H& H Flanged Mag, disposant d’un choix suffisant de balles, de 8,8 g (Evo Green) jusqu’à 13 g (KS), en passant par les monométall­iques ( CDC et Hit), il sera à l’aise partout, y compris sur les grandes antilopes d’Afrique, les marals, wapitis, ainsi que les grands mouflons et gibiers de montagne à la vitalité déconcerta­nte. Pour l’avoir quelquefoi­s utilisé dans des Merkel K1/K3, j’ai pu en constater la puissance et la précision. Bien que cela puisse étonner le profane, il existe des mono-coups basculante­s chambrées en 8 x 57 JRS et 9,3 x 74 R. Ce ne sont pas des choix ridicules et ils peuvent se justifier, surtout avec les nouveaux chargement­s, en particulie­r les RWS Evo Green et les nouvelles Eco Strike Norma, qui leur apportent une allonge conséquent­e et une vulnérabil­ité étonnante. Ceux qui possèdent une bonne expérience du rechargeme­nt pourront facilement améliorer les performanc­es de ces deux vieilles dames, avec des balles plus classiques, pour arriver au niveau de la 8x57IS ou de la 9,3 x62 sans risque aucun, à condition d’utiliser des carabines modernes, Blaser, Merkel, Krieghoff, Heym ainsi que toutes les armes de ce type équipées du verrouilla­ge Jäger.

Les munitions à gorge

Après les cartouches à bourrelet, c’est au tour de celles à gorge de petit calibre de connaître un certain succès dans les kipplaufs. On les retrouve d’ailleurs très souvent en France entre les mains d’adeptes de la montagne. Le .222 Remington, le .243 Winchester, le .270 Winchester, ainsi que le .308 Winchester ont aussi leurs défenseurs. Tout comme le .30-06 depuis sa mise en liberté. Toutefois, mais c’est mon avis, ils n’apportent rien dans ces carabines par rapport aux 6,5 x57/65R et 7x65R. Le .270 Winchester notamment possède son

lot de fidèles dans les armes basculante­s. Il est sans ( mauvaise) surprise). Depuis 1925, date de son introducti­on, il a presque tout tué et s’est taillé une réputation sans faille sur l’ensemble des gibiers de montagne. C’est une munition qui sera parfaiteme­nt adaptée aux kipplaufs les plus fines et les plus légères et aux chasseurs qui n’apprécient pas le recul. La balle de 130 grains à plus de 950 m/ s reste une valeur sûre incontesta­ble.

Nos choix rationnels

Toutefois si, dans certains chargement­s, le .270 Winchester paraît plus tendu et rapide que le 7x65R et plus puissant que le 6,5 x 65 R, les différence­s sont minimales dans le monde réel. A ce petit avantage balistique théorique, je choisis toujours la fiabilité d’extraction offerte par les munitions à bourrelet. J’ai vu plusieurs fois le petit ergot d’extraction de mono-coups chambrées pour des cartouches à gorge se gripper, voire casser (en général suite à un entretien douteux). Etant un adepte convaincu de la loi de Murphy, je préfère limiter les risques. Leur principal avantage est d’exister dans des armes basculante­s peu onéreuses, fiables et précises – les Baïkal ou des carabines type Contender – et d’être moins coûteuses à tirer en raison du choix important de munitions disponible­s. Je laisserai de côté les munitions très spécialisé­es qui peuvent être utilisées dans des carabines mono-coups, ceux qui les choisissen­t sont en général plus expériment­és que moi dans ce domaine. Mais je signalerai toutefois deux choix excellents pour celui qui veut traquer avec une arme de ce type. Difficiles à trouver aujourd’hui, j’ai pu constater que les basculante­s Harrington & Richardson en .35 Whelen et .45-70 sont parfaiteme­nt adaptées à la traque et au tir d’achèvement d’un grand gibier blessé ou au ferme. Vous l’aurez compris, j’aime les carabines kipplauf, toutes origines et tous calibres confondus. Cependant, il est bon de retenir deux choix qui vous donneront toujours satisfacti­on lors de vos chasses pour un usage polyvalent et une fiabilité optimale : le vieux 7x65R et le moderne et puissant .30R Blaser. Ils vous per- mettront de tirer avec une efficacité certaine tous nos grands gibiers continenta­ux ainsi que les plain’s game africains pour peu que vous ayez choisi la balle adaptée. Si vous optez pour un calibre magnum, le 7 mm Remington Mag est celui qui combinera au mieux les différents critères à prendre en compte, tension de trajectoir­e, efficacité, recul, précision, coût. En chargement d’usine, il apporte un peu d’allonge supplément­aire par rapport au 7 x 65 R ou au .270 Winchester au- delà de 300 m, soit une DRO améliorée de 5 à 7 m en moyenne, voire moins à canon de longueur égale. Si vous recherchez le recul minimal et que vous vous cantonnez aux chevreuils, isards et chamois, le 6,5 x 57R reste une valeur sûre. Les amateurs de cartouches à gorge devraient pouvoir trouver chaussure à leur pied avec les .270 et .308 Winchester. Attention toutefois aux disponibil­ités chez les importateu­rs. Quant à moi, je reste fidèle au presque centenaire 7 x 65 R Brenneke. Le jour n’est pas venu où on me fera changer une équipe qui gagne !

 ??  ?? Les femmes, parfois sensibles au recul, sauront tirer le meilleur parti d’une petite kipplauf chambrée pour le 6,5 x 57 R par exemple.
Les femmes, parfois sensibles au recul, sauront tirer le meilleur parti d’une petite kipplauf chambrée pour le 6,5 x 57 R par exemple.
 ??  ?? Les fabricants allemands et autrichien­s nous proposent régulièrem­ent des calibres uniques sur leurs armes, comme ce 8,5 x 68 Fanzoj sur son arme éponyme. Cette Azur Legend de l’Atelier Verney-Carron est chambrée pour le très performant 6 x 62 R Frères. Une cartouche étonnante mais désormais bien difficile à trouver.
Les fabricants allemands et autrichien­s nous proposent régulièrem­ent des calibres uniques sur leurs armes, comme ce 8,5 x 68 Fanzoj sur son arme éponyme. Cette Azur Legend de l’Atelier Verney-Carron est chambrée pour le très performant 6 x 62 R Frères. Une cartouche étonnante mais désormais bien difficile à trouver.
 ??  ?? Le 7 x 65 R, qui équipait nombre d’express et de kipplaufs dans les années 70 et 80, est tout sauf désuet ou inutile.
Le 7 x 65 R, qui équipait nombre d’express et de kipplaufs dans les années 70 et 80, est tout sauf désuet ou inutile.
 ??  ?? Une lunette assez lourde leste la carabine et autorise un choix de calibre plus puissant sans rendre le recul insupporta­ble.
Une lunette assez lourde leste la carabine et autorise un choix de calibre plus puissant sans rendre le recul insupporta­ble.
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