Armes de Chasse

Chaud devant !

Les traitement­s thermiques

- Texte et photos Dany Magloire, armurerie de la Villeneuve

Les traitement­s thermiques

Du noyer et de l’acier, là sont les deux éléments employés pour la réalisatio­n de nos armes. Mais certaines pièces nécessiten­t d’être plus dures ou plus résistante­s à l’oxydation que d’autres. Pour ce faire, votre armurier recourt à des traitement­s thermiques, dont, le plus courant, la trempe.

Un armurier doit maîtriser un vaste panel de com pétences pour pren dre soin de vos armes : travail du bois pour les finitions poncées-huilées, travail mécanique pour réparer un système d’éjection, etc. Il ne cesse de changer de casquette au fil de ses travaux. Et parfois, du fond de son atelier, il se transforme en chimiste pour réaliser les traitement­s thermiques. Car les nombreuses pièces en acier entrant dans la fabricatio­n d’une arme – bascule, percuteur, gâchettes, etc. – sont exposées à des efforts importants et multiples au moment du tir. Pour que la mécanique fonctionne parfaiteme­nt, ces pièces doivent résister aux tensions sans casser, autrement dit en alliant résistance et flexibilit­é. Là est toute la raison d’être des traitement­s thermiques. Outre le bel aspect qu’ils donnent aux pièces apparentes, ils sont aussi et surtout destinés à protéger le métal de la corrosion et à en renforcer certaines propriétés. De toute la gamme de traitement­s possibles, la trempe est le plus courant. Elle consiste à chauffer les pièces à plus de 900 °C, jusqu’à ce qu’elles deviennent rouges, puis à les refroidir brusquemen­t dans un liquide. Le processus change la structure interne de l’acier en provoquant la formation de constituan­ts très durs nommés martensite. La dure té du métal en surface s’en trouve renforcée, avec une meilleure résistance aux frottement­s et aux coups, mais avec aussi plus de cassant, surtout si la trempe a été trop poussée.

Bien ou trop trempé ?

C’est afin d’éviter que l’acier trempé ne casse aussi facilement que du verre que l’on procède souvent à un second traitement, appelé revenu, qui va venir diminuer la fragilité du métal générée par la trempe. L’armurier chauffe le métal, puis le maintient à températur­e deux heures environ avant de procéder à un refroidiss­ement assez lent, en général dans une huile tiède. L’objectif est d’atteindre le meilleur compromis entre la dureté nécessaire en surface et l’élasticité interne requise pour encaisser les chocs. Il existe plusieurs types de trempes et de revenus, avec différents moyens de chauffage (four, eau, huile, chalumeau…), températur­es, temps de chauffe, refroidiss­ements, plus ou moins lents. Pour les aciers riches en carbone par exemple, on choisira une trempe dans l’huile, alors que l’eau sera plus appropriée pour les aciers à moyenne teneur en carbone. La couleur que prend le métal au cours de la chauffe est un indicateur important pour l’armurier qui va se fier à ces variations pour juger de l’avancée du travail. Pour refaire un éjecteur par exemple, on commence par en chauffer une extrémité au chalumeau. Celle-ci devient bleue, puis jaune, puis la teinte migre doucement jusqu’à recouvrir toute la pièce. Lorsque le jaune atteint l’autre extrémité, il est temps d’arrêter la chauffe. La trempe et le revenu pouvant engendrer des déformatio­ns sur les pièces, surtout leurs parties fines, des retouches doivent souvent être apportées. Certaines pièces vont être chauffées puis trempées uniquement à certains endroits afin de durcir les seules zones qui l’exigent, celles en contact avec une autre pièce. On appelle ce procédé la trempe sélective. Pour les pièces visibles, la trempe jaspée permet d’obtenir des teintes contrastée­s qui viennent embellir l’arme, tout en la protégeant contre

l’usure et en apportant le durcisseme­nt de surface et l’élasticité interne adéquats.

Subtile alchimie

Le jaspage est aujourd’hui réalisé avec des bains de cyanure, mais il le fut longtemps avec de la houille, du coke, du charbon, des os, etc. Le tout était placé dans une boîte et au four, d’où son nom de trempe à la boîte ou au paquet. Autrefois, toutes les pièces métallique­s de l’arme étaient jaspées. La trempe grise était obtenue par éliminatio­n de la couche de jaspage superficie­lle, au gommage ou à l’acide, suivie d’un rinçage et d’un huilage soigneux. La pièce perdait ses nuances moirées bleu-jaune pour une robe vieil argent, sans que sa résistance ne s’en trouve affectée. Les multiples traitement­s thermiques (recuit, détente, cyanurisat­ion, cémentatio­n, etc.) exigent une maîtrise parfaite de l’armurier, afin que toute la gamme de produits qui entrent dans les procédés (cyanure, potassium, chlorures et carbonates de sodium…) soient utilisés sans risques et de façon à ce qu’ils délivrent toute leur efficacité.

 ??  ?? Au chalumeau, on chauffe progressiv­ement le percuteur, qui va devenir rouge puis jaune. La couleur migre d’une extrémité à l’autre.
Au chalumeau, on chauffe progressiv­ement le percuteur, qui va devenir rouge puis jaune. La couleur migre d’une extrémité à l’autre.
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 ??  ?? Un percuteur de fusil avant et après la trempe.
Un percuteur de fusil avant et après la trempe.
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Le percuteur est brutalemen­t refroidi dans de l’huile.

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