Le test du Verney-Carron Véloce
La maîtrise de la vitesse
A l’Iwa 2016, Verney-Carron présentait une carabine révolutionnaire, la Speedline, issue de son brevet Stop & Go. En 2017, la révolution se poursuit avec le Véloce. Un fusil à répétition manuelle fonctionnant sur le même principe et vous offrant jusqu’à six cartouches, sur un rythme endiablé !
La carabine Speedline (lire notre essai dans Armes de Chasse n° 62) nous avait séduits. Cette carabine de battue révolutionnaire représente, avec son mécanisme novateur Stop & Go, une alternative efficace et originale à tous les autres systèmes, qu’ils soient semi-automatiques ou linéaires. Du reste, le succès commercial est vite venu confirmer notre enthousiasme. Un an après, Verney- Carron vient d’offrir un petit frère à la carabine Speedline, le fusil Véloce. Lui aussi est équipé du très intuitif système mécanique de répétition manuelle Stop & Go. Et, à voir l’engouement des nombreuses personnes qui l’ont essayé, en juin dernier, lors du dernier Game Fair, le petit est promis au même succès que sa grande soeur. Le Stop & Go est un système breveté, inventé par le très actif bureau de recherche et développement de
Verney-Carron. Son utilisation, à l’issue d’un premier tir, consiste simplement à appuyer légèrement du bout du pouce sur un petit levier en composite situé à l’arrière droit du boîtier de culasse. Il pivote sur un axe situé au-dessus du bloc détente. A cet instant, la culasse repart en avant pour chambrer une nouvelle cartouche. Le Véloce est prêt à tirer de nouveau.
Mi-répétition, mi-emprunt de gaz
Le fonctionnement mécanique permettant d’éjecter l’étui de la cartouche qui vient d’être tirée est basé sur le principe de l’emprunt de gaz. La parenté avec une carabine semiautomatique s’arrête là. Avec le système Stop & Go, la culasse restera bloquée en position arrière jusqu’à l’action du pouce sur le levier. Le Véloce est donc très sûr pour le chasseur et son environnement, puisque seule une action volontaire permet de le recharger entre deux tirs. Concernant le classement légal, ce système à répétition manuelle rattache le fusil aux armes à commande manuelle et non aux semi-automatiques, limités à trois coups. Dans l’absolu, le Véloce pourrait donc être équipé d’un magasin d’une capacité de dix cartouches, plus une dans la chambre ! La partie haute du boîtier de culasse, en alliage aéronautique (ergal) noir mat, est fraisée afin de recevoir un montage optique. En creux, sur la face droite du boîtier, Véloce est écrit en lettres grises, avec un V stylisé symbolisant des ailes. Sous la fenêtre d’éjection se trouve le bouton de culasse, qui permet de débloquer légèrement la culasse vers l’avant lorsqu’elle est en position pleinement ouverte, sans la refermer complètement comme avec une arme semi- automatique. L’accès à la chambre reste libre et le levier du Stop & Go est actif. Tandis que la palette élévatrice du magasin se libère vers le haut, on accède à l’approvisionnement en cartouches. La capacité en munitions du Véloce (5+ 1) peut être portée à deux cartouches
supplémentaires avec une rallonge de magasin en option – mais est-ce vraiment utile ? Sur la face gauche de la carcasse, on découvre un rappel du grand V gris stylisé, ainsi qu’un bouton cut-off, qui permet de bloquer l’alimentation de l’arme depuis le magasin. C’est à la fois utile à la sécurité, le temps de franchir un fossé par exemple, et pratique, on peut ôter uniquement la cartouche chambrée sans être obligé de vider la totalité du magasin. En cas de rencontre avec un sanglier, ce cut- off permet également de rem - placer rapidement une cartouche chargée de grenaille par une balle. Dans ce cas toutefois, le fabricant conseille l’usage d’un choke cylindrique (fourni). La partie arrière du pontet est de forme concave, permettant au ma - jeur de la main forte de trouver naturellement sa place quand le pouce appuie sur le levier Stop & Go. Ici, on trouve aussi le bouton de la sû reté pour mettre l’arme en sécurité. Ce qui devra être fait lors des manipulations de chargement et de déchargement, plaque de couche ap puyée sur la cuisse et canon dirigé vers le ciel. Le sommet du boîtier de culasse prolonge la ligne de mire du canon à 86 cm pour donner au Véloce une remarquable précision. Celle-ci est en plus facilitée par une bande ventilée en acier de 8 mm prolongée d’un guidon très lumineux en fibre optique rouge. Pour l’instant, le Véloce est disponible en calibre 12 magnum avec une seule longueur de canon, 71 cm. Deux rallonges de canon de 5 et 10 cm sont proposées en option. Selon la tradition de la manufacture stéphanoise, le canon au chrome molybdène Super Diamant est mar- telé à froid. Cinq chokes intérieurs, depuis le cylindrique jusqu’au full, sont livrés avec l’arme.
Une recherche fructueuse
Belle surprise, la qualité des bois en noyer poncé- huilé égale les trois étoiles de la Speedline. Le dessin du quadrillage du devant comme celui de la poignée rappelle l’initiale V du fusil, de même que chaque petit motif qui le constitue. L’adhérence est particulièrement efficace, elle sera une précieuse alliée sous la pluie. Ici, on touche directement du doigt, au sens littéral, une des applications des recherches menées de concert entre le bureau R& D de Verney-
Carron et l’agence de design stéphanoise Novam. L’un des credo du fabricant stéphanois est de « replacer l’utilisateur au centre de
la création » , chacune de ses nouveautés vient l’illustrer par ce genre de détails qui n’en sont pas. La conformation de la crosse est obtenue après avoir installé, entre la crosse et le boîtier, celle des quatre cales fournies qui convient à sa morphologie. En complément, deux intercalaires de 5 mm permettent d’ajuster la longueur de crosse souhaitée. C’est aussi très utile pour adapter la crosse à l’épaisseur des vêtements au fil de la saison, de façon à ce que la zone d’appui au sommet du busc reste toujours la même.
Un sans-faute au parcours de chasse
Direction le ball-trap de Gonesse, dans le Val- d’Oise, pour tester le Véloce. L’assemblage du fusil est une simple formalité, on arime le canon et le devant bois à la carcasse. Comme toujours sur ce type d’arme, l’ensemble est maintenu par un bouchon moleté. La première partie de notre test consiste à tirer à la plaque à une distance de 30 m. Une fois de plus, nous constatons la remarquable qualité balistique des canons du fabricant de Saint-Etienne, martelés à froid. A cette distance, preuve que nous avions opté pour la bonne conformation de la crosse, la dizaine d’impacts de nos cartouches de tir de 28 g à petits culots est bien centrée. En tirant presque ras de bande, on constate un tir très légèrement haut par rapport au centre de la cible, c’est parfait. Les tirs sont effectués épaulés d’abord, puis désépaulés, à cadence normale, sans précipitation. Pour le futur tir des plateaux, nous retenons le choke amovible marqué sur son bord avant de deux encoches (trois-quarts de choke). Le premier ressenti est la douceur du recul à la joue et à l’épaule. C’est là l’effet du système d’alimentation par emprunt de gaz qui dilue dans le temps la sensation de recul. Tout au long de cet essai, nous n’allons rencontrer aucun problème de fonctionnement. Qu’il s’agisse d’un défaut d’éjection de l’étui d’une cartouche ou de chambrage d’une nouvelle munition par l’intermédiaire du toplever Stop & Go. Bien peu de fusils semi-automatiques peuvent se targuer d’une telle perfection pendant la période de rodage de leur mécanisme. Au cours de cette journée, nous tirerons quelque 200 cartouches, majoritairement des Baschieri & Pellagri Competition One d’entraînement en 28 g et quelques Tunet Haut Vol en 40 g. Face au plateau, le fusil stéphanois poursuit son sans- faute. D’abord, sa prise en main est agréable. La finesse du devant associée à l’adhérence du quadrillage confère une sensation de précision à la main avant qui dirige le tir. Quant à la poignée de la crosse, sa courbure assez ouverte permet aux grandes mains de se positionner suffisamment loin de la détente, sans trop engager l’index. Les coups de doigt en sont limités. La sensation de précision est encore renforcée lors du tir par la longue ligne de mire et le guidon rouge bien visible qui facilite la visée. Comme nous l’avions déjà constaté avec la Speedline, l’utilisation de la manette Stop & Go est très intuitive. Avec le Véloce, elle nous a semblé encore plus naturelle, plus ergonomique peut-être, du fait d’une position légèrement modifiée. Après le tir de moins d’une dizaine de cartouches, le pouce d’un novice trouve presque naturellement le levier pour chambrer une nouvelle cartouche. Un tireur gaucher, à qui nous avons fait essayer notre arme, a trouvé celle-ci très à sa main, apparemment pas du tout dérangé par l’éjection des
étuis qui passaient devant son visage. Selon lui, « la position de la clé Stop& Go de ce fusil “droi
tier” [pour l’instant la seule version existante] convient mieux à
un gaucher » … Le poids, légèrement dans la main avant du fait de l’équilibre du fusil, procure à la fois précision sur les oiseaux fuyants avec de petits angles et permet un geste coulé sur les traversards. Cette sensation manque parfois avec les semi-automatiques modernes, trop légers de l’avant, procurant de ce fait un pointage parfois approximatif.
Il nous rend à la raison
Comme nous l’avions pressenti lors du tir à la plaque, la canonnerie est excellente et les plateaux fument entre les mains de Franck, notre testeur. Au fil de l’enchaînement des tirs, le slogan choisi par Verney- Carron pour son Véloce, « Maîtriser la vitesse » , prend tout son sens. La grande qualité de ce fusil à la chasse est, comme c’était déjà le cas avec la Speedline, de générer, presque d’obliger, un tir raisonné, maîtrisé. On s’observe à être plus concentré sur chaque cible qu’avec une arme semi-automatique. Avec cette dernière, beaucoup d’entre nous pensent, sans bien sûr se le formuler clairement, « si je rate avec mon premier coup, j’aurai encore deux occasions… » Rien de tel pour louper ! Le système Stop & Go permet de maîtriser la vitesse de tir, donc sa qualité. Nous l’avons vraiment ressenti, l’obligation du rechargement volontaire par l’action sur la clé top-lever change tout pour la qualité du tir. A cela s’ajoute bien sûr la sécurité qui en découle. Il en va de même pour les doublés. Au fusil comme à la carabine, penser au second oiseau ou au second sanglier d’une compagnie engendre souvent un double loupé. On le sait, il convient de se concentrer avant tout sur le premier tir. En ce sens, le système de rechargement « volontaire » du Stop & Go aide à mettre en oeuvre deux des plus im portants préceptes du tir de chasse : « Hâtez- vous lentement » – ou, si vous préférez, « tirez vite mais jamais dans la précipitation » – et « on ne tire bien que ce qui a été préalablement bien jugé ». Nous avons découvert au cours de cette journée de tir un excellent fusil de chasse, à la fois innovant, confortable et efficace, avec une excellente canonnerie servie par le mécanisme Stop & Go. Dans son Résumé alphabétique de l’histoire de l’arquebuse rie depuis 1807, Courally écrivait pour la notice Verney- Carron :
« Saint-Etienne. Fabricant d’armes. Très anci enne firme. Plusieurs brevets de modification. » Avec ce tout dernier brevet en date, le plus ancien armurier français signe une innovation à l’image de sa brillante histoire.