Armes de Chasse

Pierre Thomas assure la relève

Une nouvelle signature à Thiers

- Texte et photos Denis Lagarde et François d’Allons

Une nouvelle signature à Thiers

Si vous avez déjà flâné dans les rues de Thiers, sans doute vous êtes-vous senti attiré de façon quasi magnétique par les ateliers des couteliers. Le ronron des backstands, buffles, polissoirs nous appelle… Pourquoi résister ? C’est ainsi que nous avons poussé la porte de l’atelier de Pierre Thomas. Une bonne idée.

Ne cherchez pas la trace de Pierre Thomas dans un annuaire de coutelier, vous risqueriez de revenir bredouille. Ce jeune homme de 26 ans n’est installé que depuis quelques mois, janvier précisémen­t.

Thiers, son CAP et son musée

Un coutelier tombé du nid ? Que non ! Très tôt Pierre s’est passionné pour l’histoire, médiévale surtout, mais n’a pas tout de suite envisagé que cette passion puisse s’exprimer dans son métier. Après un bac STI, il suit un BTS en électrotec­hnique. C’est à cette époque qu’il fait la connaissan­ce du coutelier forgeron Gaël Fabre, spécialisé dans la reproducti­on d’armes anciennes, qu’il fait revivre à partir d’archives et de pièces mises au jour par les fouilles archéologi­ques. Auprès de lui, Pierre découvre que l’on peut forger ses propres lames et de ce fait multiplier ses sources d’inspiratio­n. Sa voie est trou vée. Son BTS terminé, il prend la direction de Thiers pour préparer un CAP en instrument­s coupants et de chirurgie, en alternance avec un apprentiss­age dans l’atelier Perceval. Suivent six mois de polissage dans une entreprise de prothèses chirurgica­les. Après ce « travail très répétitif » , selon ses termes, Pierre rejoint l’atelier du musée de la Coutelleri­e à Thiers. Là, durant deux ans

et demi, il acquiert la maîtrise des étapes de la fabricatio­n, pour mieux s’en libérer et laisser libre cours à la créativité. Autrement dit, il est prêt pour se lancer dans ses propres créations. En janvier dernier, le pas est franchi, le jeune homme lance sa petite entreprise et installe son atelier, partagé avec un ami coutelier, une colocation profession­nelle en somme. La nouvelle enseigne s’appelle Odae, comme une ode au bronze ( aes en latin), qui rappelle la passion de Pierre pour l’histoire de la métallurgi­e. L’atelier est beau, lumineux et spacieux, idéalement situé dans la ville haute, contre les anciens remparts. L’équipement est là, complet.

Le Passager du temps

Et les couteaux? Ils ne sont pas nombreux encore. D’une part, parce que, comme nous l’avons dit, nous sommes dans une toute nouvelle maison. Mais surtout parce que le maître des lieux entend développer des couteaux durables, de ces objets que l’on se transmet de génération en génération. Voilà qui éclaire de belle façon le nom du premier-né, le Passager. Un savant mélange de modernité et de tradition, un témoin du passé et du présent, un passeur. « Ce qui me passionne, c’est le lien qui va se tisser entre le couteau et son propriétai­re, l’histoire qu’ils vont écrire ensemble. » Le temps, toujours, symbolisé par trois clous sur les manches des production­s Odae, deux pour la grande aiguille d’un cadran horaire et un pour la petite, qui immortalis­ent l’heure à laquelle le couteau a été achevé. Pierre donne leur identité à ses créations en y insufflant un sens du détail peu commun, comme un traitement de l’acier inoxydable mordoré pour la fausse pièce ou le ressort court. Il dessine tous les éléments, mais choisit de confier la réalisatio­n de certaines pièces à d’autres entreprise­s thiernoise­s pour s’assurer le savoirfair­e des meilleurs spécialist­es. Les manches de sa première série sont déclinés en six essences (amourette, noyer, ébène, etc.), les lames sont en 12C27. Ce qui n’exclut pas de produire des versions custom avec des matériaux choisis. Un deuxième modèle est à l’étude, un Passe- Temps. Moins haut de gamme, plus « terroir », il s’ancrera dans une tradition artisanale avec des bois plus communs et néanmoins de belle qualité. Cette jeune entreprise est pleine de vitalité et s’inscrit parfaiteme­nt dans le paysage thiernois. Ce mariage de la continuité et du renouveau fait chaud au coeur, souhaitons-lui prospérité et longue vie.

 ??  ?? Des Passager, lames en 12C27, manche à mitre Corian, côtes en amourette et plein manche en genévrier/cade. Pierre Thomas, 26 ans !
Des Passager, lames en 12C27, manche à mitre Corian, côtes en amourette et plein manche en genévrier/cade. Pierre Thomas, 26 ans !
 ??  ?? Deux Passe-Temps, fermants à friction à lame en 12C27, manches en bois de violette pour le haut de gamme (en haut) et en noyer (en bas).
Deux Passe-Temps, fermants à friction à lame en 12C27, manches en bois de violette pour le haut de gamme (en haut) et en noyer (en bas).
 ??  ?? L’immeuble « plat » dans lequel est situé l’atelier, on dirait un décor de cinéma.
L’immeuble « plat » dans lequel est situé l’atelier, on dirait un décor de cinéma.
 ??  ?? Le Passager dans une version haut de gamme plein manche, à lame en VG10 et suminagash­i, ressort court en X20Cr13, fausse pièce mordorée, intercalai­re en cuivre et côtes en fibre de carbone « damas ».
Le Passager dans une version haut de gamme plein manche, à lame en VG10 et suminagash­i, ressort court en X20Cr13, fausse pièce mordorée, intercalai­re en cuivre et côtes en fibre de carbone « damas ».
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 ??  ?? Pas d’atelier thiernois sans buffles !
Pas d’atelier thiernois sans buffles !

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