Armes de Chasse

La Saphire de Sabatti

Un nouveau joyau italien

- Laurent Bedu, photos Bruno Berbessou

Un nouveau joyau italien

Elle s’appelle Saphire et constitue la nouveauté chasse 2017 de l’italien Sabatti. Elle inaugure aussi un nouveau genre de canons rayés, moins sujets à l’encuivrage, plus rapides et générant moins de recul… Vaste programme.

Si vous nous êtes fidèle, vous savez le bien que nous pensons des armes Sabatti. Elles sont bon marché, bien réalisées et généraleme­nt précises. Il faut dire que ce fabricant produit ses propres canons rayés, ce qui est assez peu courant en Italie, comme d’ailleurs dans tous les pays, puisque la plupart des fabricants s’approvisio­nnent chez Lothar Walter, Merkel ou Heym. Sabatti fait donc partie de ce cercle très fermé des fabricants d’armes et de canons rayés. Voilà qui explique pourquoi ses carabines doubles express ou ses armes à verrou, comme la Rover ou la Tactical, sont aussi bien positionné­es en termes de prix. Sa dernière- née, la Saphire, a été dévoilée en mars dernier et arrive ces jours-ci dans toutes les bonnes armureries de France. Elle n’a rien à voir avec la Rover, la carabine à verrou de toujours de Sabatti, et son canon possède des rayures d’un genre nouveau, issues d’un système breveté baptisé MRR, pour Multi Radial Rifling. Ou, pour faire simple, âme à rayures différente­s. Ce qui ne change pas, c’est le positionne­ment de prix. Certes l’arme est plus chère qu’une Rover, mais avec un prix de départ de 1250 €, elle reste très abordable. Elle est déclinée en trois versions (cf. encadré p. 68), une synthétiqu­e, une crosse bois et une autre synthétiqu­e mais à trou de pouce. C’est la version synthétiqu­e basique que nous avons choisi de tester.

Le composite se la joue !

La monture synthétiqu­e fait bonne impression. Elle ne résonne pas, possède une belle teinte gris foncé, une poignée pistolet renflée et un busc légèrement Monte-Carlo, sans oublier une joue ronde, fait rare sur les composites. La crosse est de plus assez épaisse, elle offre un toucher doux et agréable. Le long devant, dont seule la partie basse est quadrillée, assure une bonne prise en main. Soulignons que ce quadrillag­e ressemble vraiment à un quadrillag­e bois, auquel ne nous ont pas habitués les armes synthétiqu­es, avec leurs inserts de préhension plus ou moins réussis, où le très bon côtoie souvent le pire. Ici, nous avons un quadrillag­e réellement efficace, avec lequel vous aurez toujours une prise en main ferme et sûre, même sous une pluie battante. Le boîtier de culasse n’a rien à voir non plus avec celui de la Rover. D’abord, il est réalisé en alliage léger. De ce fait, la culasse ne se verrouille pas dans le boîtier, mais directemen­t dans le canon, acier contre acier. Ensuite, le sommet du boîtier comporte un rail Picatinny d’une seule pièce, vissé à son sommet, ce qui permettra la pose facile et économique d’une lunette ou d’un point rouge. Vous êtes sûr de trouver le montage adapté à l’optique que vous souhaitez. A l’arrière du boîtier, côté droit, se trouve la sécurité. A deux positions, elle autorise le tir et libère la culasse lorsqu’elle est poussée vers l’avant et interdit le tir et toute manoeuvre de culasse une fois reculée. En revanche, il n’y a pas d’autre commande pour libérer la culasse sans ôter la sûreté. Côté gauche du boîtier, on trouve l’arrêtoir de culasse, qu’il faut presser pour retirer cette dernière. Ce poussoir comme toutes les autres pièces de commande est réalisé en acier. La culasse est à verrouilla­ge avant et à trois tenons, qui ne nécessiten­t qu’une rotation de 60 degrés. Les tenons possèdent le même diamètre que le corps de culasse, le verrouilla­ge en sera plus fluide car ce dernier guide le déplacemen­t de l’ensemble. Le tenon droit abrite une griffe d’extracteur tandis que, sur la gauche du trou du percuteur, se trouve un éjecteur piston sous tension de ressort, du classique. La

tête de culasse est en forme de cuvette, le culot de la cartouche sera enserré en fin de verrouilla­ge, pas avant. La Saphire ne possède donc pas d’alimentati­on contrôlée, la cartouche est poussée dans la chambre et n’est pas agrippée, comme c’est le cas avec un Mauser 98 ou avec une Sako 85. Cette culasse est tripartite, la tête et ses tenons, le corps et le levier d’armement. Chaque partie est tirée d’un bloc d’acier aux caractéris­tiques spé- cifiques à l’emploi auquel il est destiné et aux traitement­s thermiques qu’il va recevoir. Le levier d’armement est en forme de spatule ou de cuillère, mais beaucoup plus massif que ceux que l’on trouve sur d’anciennes Steyr-Mannlicher par exemple, la prise en main en sera facilitée. A l’arrière de la culasse, en position armée, l’arrière du percuteur ressort de la noix de 3 à 4 mm environ et, avec sa forme en trou de ser- rure, joue le rôle d’indicateur d’armement inratable. Le chargeur amovible est à simple pile. Il peut contenir jusqu’à trois cartouches de .30-06, le calibre de notre arme. Avec une cartouche supplément­aire dans la chambre, on obtient une puissance de feu de quatre coups. Ce chargeur est tout acier, de la carcasse au fond en passant même par la planchette élévatrice. La pile unique permet de présenter les cartouches dans l’axe du canon,

il y a peu de risques de coincer une munition ou d’abîmer une pointe plomb lors de l’opération. Le chargeur se dépose en poussant vers l’avant, au moyen d’une petite pédale logée dans la face antérieure du pontet, là où généraleme­nt se trouve la commande de la trappe de visite des armes à magasin fixe. Cette com- mande est en acier, ce qui n’est pas le cas du pontet, en alliage léger tout comme le puits de chargeur. La dépose du chargeur, qu’il soit plein ou vide, est facile, même s’il est « ajusté un peu serré » et même si je n’aime pas, pour des raisons de sécurité évidentes, voir placées devant la queue de détente des commandes aussi utilisées que celle-ci.

Le MRR décrypté

Le canon mesure 61 cm et est anodisé noir mat. Il a été martelé à froid, comme ceux qui équipent toutes les autres carabines de la marque, mais avec une spécificit­é, le recours à une nouvelle technologi­e brevetée de rayurage multiradia­l, le MRR. Le principe est assez complexe. En simplifian­t à l’extrême, disons que les rayures ne sont pas aussi prononcées ni « tranchante­s » que sur un canon normal, en fait il ne s’agit pas à proprement parler de rayures… Est- ce plus clair ? Pas sûr… Ces « fausses » rayures sont en fait des rayons arrondis à progressio­n héli- coïdale et de formes différente­s, comme la surface d’un chapelet de perles très étirées et au relief peu marqué. Lors de la mise en rotation de la balle et de sa progressio­n dans le canon, sa surface s’en trouve non pas coupée mais comprimée. La prise de rayures est moins « brutale », le recul atténué, la vitesse de la balle plus élevée, puisque les rayures ne s’y enfoncent pas, l’obturation des gaz meilleure, la balle venant juste épouser l’âme du canon. Fort de tous ces éléments, une même balle, selon les rapports d’essais menés par Sabatti, aura une vitesse 12 % plus rapide à la sortie du canon en comparaiso­n de celle mesurée à la sortie d’un canon standard de même longueur. Toujours selon le fabricant, il en résulte aussi un encrasseme­nt, une usure et un encuivrage réduits du canon et une meilleure précision théorique. Enfin, les balles sans plomb ou monolithiq­ues sont mieux guidées grâce à un nouveau cône de forcement qui, après le vol libre ( free bore), leur permet d’avoir une prise de rayures facilitée. Toutes ces informatio­ns alléchante­s nous ont bien sûr donné envie d’aller voir ce que cela changeait sur le terrain. Ce que nous avons fait, mais pas comme nous aurions voulu le faire, ne disposant le jour de notre test que d’une cible placée à 100 m, distance bien suffisante pour une majorité de nos tirs de chasse, mais pas pour vérifier le comporteme­nt d’un canon. Il aurait fallu tirer à 200 m ou mieux à 300 m pour étayer notre jugement. Car si à 100 m la précision est bonne, elle ne semble pas supérieure à celle de la Rover par exemple. En revanche, le recul est doux et très facile à gérer, bon

point, même si nous sommes ici sur un critère subjectif. Mais l’arrivée du MRR sur la Saphire marque un tournant. Car Sabatti avait jusque-là réservé sa technique MRR aux seuls calibres .308 Winchester et 6,5x47 Lapua de ses carabines tactiques. Il la généralise à tous les calibres de la Saphire. Et des calibres, cette arme en a quelques-uns, douze exactement, tous disponible­s en France, vous n’aurez que l’embarras du choix. Il y a le .243 Winchester, le .308 Winchester, le 7 Remington SAUM et le 7-08 Remington pour les petits calibres, le .270 Winchester, le 7x57, le 7x64, le 6,5 x55, le .30-06 et le 8x57 JS pour les moyens et le 7 Remington Mag et le .300 Winchester Mag pour les magnum. Ce classement en trois catégories a son importance. Vous allez, avec cette arme à canon interchang­eable, pouvoir passer d’un calibre à l’autre sans problème, mais selon que vous restiez au sein d’une même catégorie ou que vous en changiez, il ne vous en coûtera pas la même somme.

Canon et calibres interchang­eables

Deux calibres d’un même groupe vous reviendron­t à 449 € (le prix du canon), pour un petit et un moyen, la facture passera à 579 € (le prix du canon et du chargeur amovible, forcément différent) et pour un petit ou un moyen calibre et un magnum, elle montera à 675 € (le prix du canon, le chargeur et la tête de culasse magnum). Le canon se démonte à l’aide d’une clé Torx. Deux vis doivent être ôtées, sur le pontet et sous le devant, pour dévisser la crosse et accéder à la mécanique nue, sans sa monture et ensuite retirer le canon. Sur le terrain, la Saphire est agréable à prendre en main et à épauler. Le chargeur s’alimente avec facilité et glisse assez facilement dans son logement. Le chargement de l’arme est également fluide. Comme prévu, l’épais levier en cuillère – je n’ai pas dit cuillère à soupe –, offre une bonne prise en main. La poignée renflée et quadrillée est agréable. Les départs sont un peu lourds et durs. La détente ne traîne pas, mais on n’a pas ici la douceur que l’on aimerait avoir. Le recul est modéré, tout d’abord parce que le .30- 06 n’est pas un calibre frondeur, ensuite parce que la technologi­e MRR fait son oeuvre et enfin parce qu’une plaque de couche de 25 mm termine l’épaisse crosse. La large fenêtre d’éjection vous permettra de tirer une autre cartouche si votre arme venait à être vide au moment opportun, il suffit de jeter une cartouche et de refermer la culasse. Pas question en revanche d’alimenter le chargeur sans le retirer, comme le permettent quelques carabines du marché. Les organes de visée ouverte se composent d’une hausse à feuillet fixe et d’un guidon sur rampe à section rectangula­ire. Le canon se termine par une bague filetée pour la mise en place d’un frein de bouche ou d’un silencieux, lorsque cet accessoire deviendra enfin légal. Au final, la Saphire tire très bien son épingle du jeu. Elle est maniable, agréable à utiliser, dotée d’une joue et chambrée en une multitude de calibres. Sans doute ne jouit-elle pas de l’image de marque d’une Tikka, vendue au même prix ou presque, mais elle offre la possibilit­é de changer de canon, ce qui n’est pas le cas des finlandais­es. Et puis, pour seulement 100 € de plus, les amateurs de tirs à longue distance peuvent s’offrir un modèle à crosse à trou de pouce. De quoi accroître encore un peu plus l’aura de la marque en France… Avec la Saphire, Sabatti brille de mille feux.

 ??  ?? Outre la crosse bois et la synthétiqu­e à trou de pouce, il y a cette autre synthétiqu­e, celle que nous avons retenue pour ce test.
Outre la crosse bois et la synthétiqu­e à trou de pouce, il y a cette autre synthétiqu­e, celle que nous avons retenue pour ce test.
 ??  ??
 ??  ?? La crosse synthétiqu­e possède un quadrillag­e digne de celui d’une monture bois.
La crosse synthétiqu­e possède un quadrillag­e digne de celui d’une monture bois.
 ??  ?? Au tir, comme lors du réarmement, la Saphire est agréable et douce, même si elle peut être brusquée.
Au tir, comme lors du réarmement, la Saphire est agréable et douce, même si elle peut être brusquée.
 ??  ?? Sabatti fabrique ses propres canons rayés, une garantie de sérieux et de précision.
Sabatti fabrique ses propres canons rayés, une garantie de sérieux et de précision.
 ??  ?? Le chargeur est en acier, ce qui n’est pas le cas du pontet tiré d’un bloc d’ergal.
Le chargeur est en acier, ce qui n’est pas le cas du pontet tiré d’un bloc d’ergal.
 ??  ?? Les trois tenons de la culasse ne « débordent » pas du corps. Rien ne vient accrocher à la fermeture, qui reste fluide.
Les trois tenons de la culasse ne « débordent » pas du corps. Rien ne vient accrocher à la fermeture, qui reste fluide.
 ??  ?? La sécurité est à deux positions seulement.
La sécurité est à deux positions seulement.
 ??  ?? La Saphire est une des très rares carabines à crosse synthétiqu­e à disposer d’une joue.
La Saphire est une des très rares carabines à crosse synthétiqu­e à disposer d’une joue.
 ??  ?? Un filetage au bout du canon attend la pose d’un frein de bouche, voire d’un silencieux.
Un filetage au bout du canon attend la pose d’un frein de bouche, voire d’un silencieux.
 ??  ?? La plaque de couche de 25 mm.
La plaque de couche de 25 mm.

Newspapers in French

Newspapers from France