Armes de Chasse

Victimes de la mode

Redonner vie aux calibres qui ne sont plus dans l’air du temps

- Paul Hachème

Redonner vie aux calibres qui ne sont plus dans l’air du temps

Ces dernières années, une multitude de nouveaux calibres a vu le jour. Plus performant­s, plus courts, plus longs, plus fiables, plus « plus », ils n’ont pas tous percé ou survécu. Le rechargeme­nt s’impose, mais, bonne surprise, souvent ce ne sont pas des cartouches compliquée­s à faire.

Récemment, un chasseur n’en trouvant pas chez plusieurs armuriers m’a demandé de la .243 WSSM. Je lui ai rétorqué que je n’avais pas sur mes étagères de la « toute roulée » prête à l’emploi, mais que je pouvais lui recharger ses étuis tirés. Finalement, après moult tergiversa­tions, il a préféré revendre sa carabine. Cette histoire qui a dû arriver à certains d’entre vous illustre le caractère aléatoire de la distributi­on de certaines cartouches. Il en va dans les armes de chasse comme dans les autres domaines de la consommati­on. Les fabricants s’évertuent à tort et à raison à sortir de nouveaux produits qui d’après leur publicité doivent envoyer aux oubliettes les précédents promis à l’obsolescen­ce immédiate. Je suis un peu cruel en comparant implicitem­ent les fabricants d’armes aux fabricants de yaourts, mais avouez qu’il y a un peu de ça. A leur décharge, on n’utilise pas uniquement des cartouches ayant fait leurs preuves depuis plus d’un siècle, comme la 8 x 57 S (113 ans) ou la .30-06 (112 ans). Des cartouches bien plus récentes, la .222 Remington (1950), la .243 Winchester (1955) et la .300 Winchester Magnum (1963) sont désormais, en dépit de leur jeune âge, des standards planétaire­s. Mais que de ratages commerciau­x pour quelques succès ! Le marché étant ce qu’il est, surtout aux Etats-Unis qui est le premier consommate­ur mondial, toutes les micro-niches sont exploitées. A l’est, à l’ouest, au nord, au sud, au centre, le chasseur est submergé de nouveautés qui ont la prétention de devenir « la » solution définitive à leur type de chasse. Mais après deux saisons de sable, de boue et de neige, on se demande si ça valait vraiment la peine de revendre une 7 RM éprouvée pour la toute nouvelle 7 mm Inter Galactic Annihilato­r . Un autre problème se pose pour nous, utilisateu­rs. Quand un fabricant sort une nouveauté, il tord un peu le bras de ses concession­naires (nos importateu­rs à nous !) pour leur imposer sa nouvelle seringue qui va révolution­ner le monde. Notre importateu­r voulait une cartouche toute « bête », il se retrouve avec un « machin » qu’il va falloir écouler. Le stade suivant, c’est la fourniture de la nouvelle cartouche. Si celle-ci rencontre le succès, pas de soucis, l’intendance suivra. Mais dans le cas contraire, la galère commence. Mais revenons à nos cartouches nouvelles. Je vais passer en revue un certain nombre de calibres récents (comprenez que je ne mentionner­ai pas les « antiquités » antérieure­s à 1980) pour lesquels le rechargeme­nt est le moyen le plus sûr, le moins cher, voire le seul pour continuer à utiliser votre arquebuse qui sinon prendra la poussière sur son râtelier, faute de munitions. Comme vous allez le constater, ce sont surtout des calibres américains qui sont dans la liste, étant donné qu’il reste plus simple de faire venir une boîte d’Amotfors en Suède (Norma) que d’Anoka (Minnesota).

A-Square

Cette marque, créée par Arthur Alphin ( initiales AA, soit A au carré, d’où le nom) en 1974, était

spécialisé­e dans les calibres africains. La distributi­on était assurée par l’armurerie du Maine à Paris. Malheureus­ement, la mort de son propriétai­re a tout stoppé. De plus, la maison mère n’existe plus. Alors .338 A-Square, .375 A-Square, .500 A-Square, à vos presses !

Blaser

Il était plus que tentant pour les ingénieurs de cette firme, grisés par le succès de leurs produits, d’inventer des cartouches « à leur nom ». C’est ce qu’ils ont fait avec les 7 mm, .300, .338 et .375 Blaser Magnum, sans oublier la .45 Blaser. Les quatre premières sont d’un dessin convention­nel sur base de .404, elles sont plus longues que les WSM, mais plus courtes que les RUM. Encartouch­ées par Norma, elles risquent de durer. Mais pour combien de temps pour la dernière ? Heureuseme­nt, il reste la .30 R Blaser, qui va très bien merci pour elle, son succès dans l’Hexagone devrait assurer sa pérennité.

Dakota

Vu le faible nombre de ces (très) belles carabines importées dans notre douce France, il y peu de chance que vous ayez une arme chambrée en 7, .300 , .338, .375 ou .404 Dakota. Si c’est le cas, faire venir de la cartouche des Etats- Unis relève du parcours du combattant : passer commande à l’importateu­r via votre armurier et survivre aux formalités douanières américaine­s et françaises. Ensuite ? Elles ne pourront pas vous être vendues car elles ne sont pas homologuée­s CIP. Passage au banc pour homologati­on européenne, etc. Et je dois en oublier. Je vous laisse deviner le prix de la douloureus­e pour trois boîtes. Par contre, quelques boîtes d’étuis vides et un jeu de matrices ne présentent aucun problème. C’est dans un tel cas que le rechargeme­nt prend tout son sens.

Federal

Qu’un encartouch­eur développe un nouveau produit, quoi de plus normal ? Quoique… Cette marque a déjà essuyé un échec lamentable avec son 9 mm lancé en 1989 et arrêté en 1992. Les étuis de ce calibre d’armes de poing mal conçus font désormais la joie des pyrothécop­hiles ( collection­neurs de cartouches pour ceux qui sont rétifs à la langue de Homère et de Thucydide). En 2006 est créée la .338 Federal qui est ni plus ni moins une .308 Winchester dont le collet est élargi pour tenir un projectile de .338. Le but est de tirer une balle relativeme­nt lourde dans un boîtier court étudié pour la .308. On réinvente la .358 Winchester de 1955 dont la quasi-disparitio­n reste un mystère pour moi vu la somme de qualités à son actif. Plusieurs fabricants chambrent la nouvelle cartouche : Kimber, Ruger, Tikka, etc. Elle est l’exemple parfait du rechargeme­nt « facile » , la base, c’est-à-dire l’étui vide de .308, se négociant à vil prix. Dans le pire des cas, c’est- à- dire l’arrêt de la fabricatio­n, l’achat d’un jeu de matrices vous rendra autonome pour le restant de votre vie.

Lazzeroni

Je n’ai jamais vu en France d’armes de ce fabricant qui a développé des calibres conçus pour la chasse à des distances totalement impensable­s pour nous. Si vous en avez une, bravo ! Une fois que vous aurez tiré toutes les cartouches achetées avec votre arme (ce qui aura certaineme­nt « rincé » votre canon), vous n’aurez plus qu’à vous mettre au rechargeme­nt, si vous avez précieusem­ent gardé les étuis tirés. Sinon…

Marlin

La raison d’être de ce fabricant est de fournir des armes à levier de sous- garde aux chasseurs de l’est américain dont les conditions de chasse en biotope fermé sont assez proches des nôtres. Quasiment obligés par l’histoire de chambrer des calibres Winchester, il est normal que les décideurs aient voulu s’émanciper de ce diktat en créant plusieurs cartouches « maison » . Le .444 Marlin leur a plutôt bien réussi. Plus récemment ont été conçues la .308 Marlin Express (qui est une resucée de la .307 Winchester), la .450 Marlin et la .338 Marlin Express. Sur le papier, la .450 Marlin est la cartouche idéale pour nos battues hexagonale­s. Version moderne de la .45-70, elle est

parfaite pour envoyer un projectile lourd à faible distance et à une vitesse suffisante – le caffer caffer se fait rare dans le Bas-Berry. Malheureus­ement (ou heureuseme­nt ?) le look cow-boy est rédhibitoi­re pour beaucoup de chasseurs. Toujours est- il qu’en 2009 Marlin a arrêté de chambrer son modèle 95 dans ce calibre. A ma connaissan­ce, il ne reste que la Browning BLR qui est disponible. Ça sent mauvais… Là encore, l’achat d’étuis encore couramment disponible­s à ce jour et d’un jeu d’outils palliera les mauvaises surprises dans dix ans.

Nosler

Cette marque a été créée dans un garage en 1948. Grâce au succès de sa balle Partition, une cloisonnée devenue star, elle a grossi, grossi… A tel point que les décideurs se sont dit qu’il serait opportun d’inventer des cartouches au nom de la firme. Il existe désormais des .22, .26, .28, .30, .33 Nosler, qui ne sont pas distribués en France à ma connaissan­ce. J’ai un gros doute sur la pérennité de ces cartouches.

Remington

Chez Remington, on sait concevoir des cartouches. Le but : offrir une cartouche de chasse de la puissance d’une magnum en optimisant le dessin en vue d’une précision maximale. Pour cela, on va appliquer les mêmes règles que celles des cartouches de bench-rest et de tir : – Une cartouche courte pour être tirée dans un boîtier court qui présente plus de rigidité et produit moins de vibrations parasites au départ du coup. – Un angle d’épaulement très fermé. – Une colonne de poudre courte et large en diamètre aussi proche que possible de la sphère avec un taux de remplissag­e à 100 %. On partira donc d’un étui large. – Une absence de ceinturage, celuici étant préjudicia­ble à la concentric­ité lors du chambrage, donc à la précision. De plus, les cartouches non ceinturées se rangent mieux dans les magasins et coulissent mieux au réarmement. On part d’une douille de .404 Jeffery (10,75 x 73) que l’on raccourcit. C’est sous ces bons auspices que naissent les 7 mm et .300 Remington Short Action Ultra Mag. Les cartouches sont parfaites et obéissent entièremen­t au cahier des charges. Le produit est au point, est- ce qu’on prend le risque commercial de le sortir ? Patatras ! Winchester annonce ses WSM avant Remington et, attrait de la nouveauté aidant, impose immédiatem­ent son standard. Nos deux bébés sont mortsnés, à tel point que les quelques carabines sorties dans ces calibres commencent à s’arracher à titre de collector. Quelques- unes sont parvenues chez nous, je conseille vivement à leur propriétai­re d’acheter de la douille pendant qu’il y en a encore. Dépités par cet échec, on sort une autre carte : nos clients veulent toujours plus de vitesse ? On va leur en donner ! Sur la même base de .404 sortent les 7 mm, .300, .375 Remington Ultra Mag dont le succès est bien supérieur à celui de leurs petites soeurs.

Ruger

Cette firme a révolution­né le monde de l’armurerie en introduisa­nt des techniques de moulage de haute précision. Ajoutez une extrême intelligen­ce du design et vous transforme­z un simple atelier en un acteur majeur de la fabricatio­n d’armes aux Etats-Unis. Ici comme ailleurs, la hubris guette et il faut des cartouches au nom de la maison. Toujours sur le principe des magnum courtes, mais avec un corps qui est proche mais non identique à celui du .404, sont créées les .375 Ruger Compact Magnum ( boîtier standard) puis les .300 et .338 RCM (boîtier court). L’avenir nous dira si elles vont détrôner les .375 H & H, .300 Win. Mag et .338 Win. Mag, mais on peut en douter…

Sako

Je me perds en conjecture­s sur les raisons qui ont poussé des ingénieurs finlandais à sortir la 9,3 x 66 (ou .370) Sako alors que l’excellente 9,3 x 64 Brenneke se morfond dans son coin.

Steyr-Mannlicher

La très vénérable et respectabl­e firme autrichien­ne a elle aussi succombé à la tentation de sortir une cartouche à son nom. Une vague de plus dans le tsunami des « magnum courtes », c’est la .376 Steyr qui utilise une base de 9,3 x 64 proche mais différente de ses cousines. Conçue avec l’aide du grand gourou du tir de combat Jeff Cooper, elle n’est déjà plus chambrée dans le modèle « scout » initial.

Weatherby

Dans la liste des calibres de cette marque, il manquait un 6,5. Qu’à cela ne tienne, on en sort un évidemment le plus rapide possible : c’est le 6,5-300 Weatherby. Chose curieuse, il existait déjà sous la forme d’un wildcat créé dans les années 1950 pour le bench-rest à 1 000 yards. La 6,5-300 Weatherby-Wright-Hoyer,

puisque c’est ainsi que la cartouche se nommait, a été abandonnée par la suite, la disproport­ion du ratio du poids de poudre/projectile­s amenant une distributi­on erratique des pressions. Je ne parle même pas de la durée de vie du canon. Quand on sait que la .264 Winchester Magnum de 1954, pourtant d’une capacité inférieure, a été abandonnée pour ces mêmes raisons…

Winchester

Comme on l’a déjà vu, Winchester a suffisamme­nt devancé Remington pour imposer son standard de short magnum. Une fois sorties les .270 WSM, 7 mm WSM et .300 WSM, il était tentant de décliner la petite famille en augmentant le calibre (.325 WSM) et en le réduisant avec raccourcis­sement de l’étui. Ainsi est née la série des Winchester Super Short Magnum en .223, .243 et .257. Autant le .270 se taille un franc succès chez nous, autant les autres végètent. Voilà pour ce tour d’horizon des calibres en vogue à leurs débuts qui sortent doucement des écrans radar et qu’il va falloir veiller à maintenir en vie dès à présent. J’espère que je ne vous ai pas flanqué le bourdon. Allons, rien n’est perdu ! Si vous possédez un ou plusieurs des calibres cités, avant de déprimer, commencez par acheter un jeu de matrices de rechargeme­nt, une bonne cinquantai­ne d’étuis neufs, en n’oubliant pas de garder systématiq­uement tous vos étuis tirés, et enfin une presse. Vous ne le regrettere­z pas, peu importe que vous ne débutiez pas votre carrière de rechargeur dès la semaine prochaine.

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 ??  ?? Les cartouches WSSM n’ont pas pris en France, elles deviennent difficiles à trouver pour ceux qui possèdent une carabine dans ce calibre.
Les cartouches WSSM n’ont pas pris en France, elles deviennent difficiles à trouver pour ceux qui possèdent une carabine dans ce calibre.
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 ??  ?? Les calibres stars musclés et plébiscité­s sont rares, ceux qui ne trouvent pas leur public hélas bien plus nombreux, à l’image du pourtant très bon .338 Federal.
Les calibres stars musclés et plébiscité­s sont rares, ceux qui ne trouvent pas leur public hélas bien plus nombreux, à l’image du pourtant très bon .338 Federal.
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 ??  ?? Blaser a voulu lancer une gamme de calibres magnum dans des diamètres célèbres, un défi dur à relever.
Blaser a voulu lancer une gamme de calibres magnum dans des diamètres célèbres, un défi dur à relever.
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 ??  ?? L’arrivée du 9,3 x 66 Sako est une surprise pour qui connaît les qualités du 9,3 x 64.
L’arrivée du 9,3 x 66 Sako est une surprise pour qui connaît les qualités du 9,3 x 64.

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