Armes de Chasse

Avoir le déclic du clic

Maîtriser les tourelles d’une lunette

- Dominique Czermann

Depuis que les lunettes se sont généralisé­es et démocratis­ées et que les Allemands du groupe RWS ont inscrit les valeurs des trajectoir­es sur leurs boîtes de cartouches, particuliè­rement la GEE, ou distance de réglage optimale (DRO) en langue de Molière, la très grande majorité des chasseurs européens règlent, ou plutôt font régler, leurs armes à cette distance et pensent pouvoir ainsi faire face à toutes les situations. Or ce n’est pas toujours le cas. Etre précis, c’est toucher ce que l’on vise, tirer juste, c’est toucher le centre de ce que l’on vise. Une DRO n’est valable que pour une arme X, de longueur de canon Y, dans des conditions atmosphéri­ques Z. Elle vous indique un intervalle de distances dans lequel vous pouvez tirer juste, sans correction, seulement et uniquement avec cette arme et ce canon et dans ces conditions. Autre- ment dit, la DRO d’un fabricant n’est valable que dans le contexte de l’essai mené par ce fabricant. Ce préalable étant posé, on peut reconnaîtr­e que cette donnée remplit son office avec efficacité dans quantité de situations, c’est- à- dire en deçà d’une distance de tir de 200225 m. Pour autant, selon la chasse pratiquée et le gibier recherché, ce réglage pourrait être utilement modifié. Encore faut-il savoir comment.

Touche ou pas touche ?

Mes quelques années d’expérience de consultant auprès des armuriers m’ont appris que nombre de chasseurs et de tireurs n’ont aucune connaissan­ce du fonctionne­ment d’une lunette de tir et que tout ce qui a trait de près ou de loin à son réglage relève pour eux de l’hébreu. Résultat, ils refusent catégoriqu­ement d’y toucher. Ils confient la manoeuvre une bonne fois pour toutes à leur armurier, y compris parfois alors qu’ils prévoient d’aller s’attaquer au « gros gibier dangereux » en Afrique ou aux chèvres de montagne en Asie. Une hérésie ! Et voilà comment on se retrouve avec une valeur immuable, le sacro-saint + 4 cm à 100 m devenu la référence pour l’armurier conscienci­eux. Seulement, si l’on dépasse les fameux trois cents mètres, si l’on « sort du poil », si les conditions météo varient beaucoup ou encore si l’on chasse des animaux à la zone vitale minuscule ou peu accessible, tel l’hippopotam­e ou le crocodile, alors ce réglage n’a plus d’optimal que le nom. Certes, lorsque les molettes de réglage de nos lunettes de tir étaient protégées par des capuchons vissés sur les tourelles ou qu’elles requéraien­t des outils particulie­rs, on avait de bonnes raisons de ne pas se hasarder à les manipuler. Mais l’apparition de lunettes issues des modèles de compétitio­n ou tactiques dotées de

Aussi précises soient-elles, votre arme et sa lunette sont réglées à une distance donnée. En deçà ou au-dessus, l’improvisat­ion n’est pas de mise, voici comment utiliser les clics de votre lunette.

tourelles de réglage externe, réglables du bout des doigts ( fingertip turret), a mis l’opération à la portée d’un gamin de huit ans si tant est qu’il maîtrise ses tables de multiplica­tion et de division. Avez-vous moins de huit ans ? Non ? N’avez- vous toujours pas assimilé vos tables ? Encore non ? Alors pourquoi diable vous évertuez-vous à ne pas vous servir des tourelles de votre belle lunette de tir ! Compenser la chute de vos balles apporte un réel plus lorsque la distance s’accroît ou dans toute autre situation évoquée précédemme­nt. Il est vrai que pour aller jusqu’à 600800 mètres, la lunette doit pouvoir corriger, selon la munition, entre 7 et 12 milliradia­ns sur une rotation une fois le point zéro effectué. C’est là où le bât blesse. Seuls les modèles de type « tactique » autorisent ces réglages, autrement dit des modèles lourds et onéreux. Mais le tir sur gibier au-delà de 400 m est-il raison- nable ? La réponse est non. Quoi que prétendent les messages marketing, vous n’avez pas davantage besoin d’un grossissem­ent supérieur à 12, voire 15 pour tirer jusqu’à des distances impensable­s en tir de chasse. Je tire à chaque fois que je le peux entre 600 et 1300 m, j’utilise différente­s lunettes de puissance 10 ou 12 x et mon grossissem­ent maxi est de 18. A 1 300 m, les gongs font 50 x 48 cm, le grossissem­ent n’est jamais un handicap, le vent et le mirage posent bien plus de problèmes. D’autre part, plus le grossissem­ent est élevé, moins l’amplitude de réglage est importante à modèle équivalent. L’unité de valeur utilisée pour le réglage peut être, selon les fabricants, le millième ou milliradia­n (cf.

encadré p. 90), devenu mil en langage américain, ou la minute d’angle, abrégée MOA (cf. ci-dessus). Les graduation­s des tourelles s’échelonnen­t souvent en dixièmes de milliradia­n ou en quarts voire en demi- MOA. Dans le cas des points rouges ou des lunettes de battue, on sera plutôt à 0,15 milliradia­n ou à un demi, voire un tiers de MOA, ce qui suffit amplement pour des tirs à courtes distances sur des animaux en mouvement.

Faites vos comptes

Millième et MOA étant des mesures d’angle, leur valeur pour un clic multiplié par la distance (en multiple de 100) vous donne la correction en centimètre­s à la distance déterminée. Si chaque clic de votre tourelle vaut

un dixième de millième, soit 1 cm à 100 m, la correction à apporter est simple : chaque clic vaut 2 cm à 200 m, 3,75 cm à 375 m et ainsi de suite. Il vous suffit de diviser la distance vous séparant de la cible par 100 pour obtenir la valeur du clic. Si la graduation de votre tourelle est exprimée en MOA (arrondi pour simplifier les calculs à 3 cm à 100 m), ou

tion à cce qui précède. Allons-y. Dans mma carabine technique Dorléac & Dorléac calibre 7 mm Remington Reming Magnum, j’emploie la nouvelleno­uv cartouche Hornady à balle ELD- X de 162 grains ( 10,5 g)g). Annoncée à 907 m/ s, elle sort à 910 m/s de ma carabine. Hornady Hornad étant actuelleme­nt un des rares fabricants à mesurer r le coefficien­t balistique de ses balles à l’aide d’un radar Doppler, les trajecto toires qu’il annonce sont trtrès proches de celles quque le chasseur lambda rencrencon­tre en zone tempérée.rée. C’estC’e pour cette raison que j’emploj’emploie ses munitions dans ma Dorléac,Dorl destinée à de rares tirs à lonlongue distance, entre 300 et 500 m,m voire 600 en dernier recours ssur un animal blessé. Lorsque j’effectue un réglage à 200 m, l’l’ELD-X chute de 19,5 cm à 300 m, 35,6 cm à 350 m, 56 cm à 400 m, 81,6 cm à 450 m, 112 cm à 500 m. Notez qu’à partir de 300 m, mon abaque de tir prend p en compte les distances par tranches de 25 m. La lunette qui équipe ma carabine possèdposs­ède une tourelle à bague de régréglage externe en dixièmes de milmillira­dian aux clics nets, précis et parfaiteme­nt définis. Une fofois mon réglage initial à 200 m effectué ( point 0), je ramène le zéro de la bague de réglage en face du repère fixe, ce qui me permet de revenir aisément au zéro – cette lunette ne possédant pas de « zéro stop ». Ecosse. Les biches sont là, mais le bétail et la densité d’animaux dont les yeux scrutent la lande nous empêchent d’approcher. Le ghillie annonce 384 m au laser. Le vent est presque nul. Je me cale sur le sac, un coup d’oeil à mon abaque me donne 45,3 cm à 375 m et 56,1 cm à 400 m, soit 12 ou 14 clics (45/3,75 = 12 et 56/4 = 14). Je coupe la poire en deux et tourne la bague de 13 clics vers le haut. La suite est dictée par ma respiratio­n et mon contrôle du départ. La biche bréhaigne reste sur place.

Ça marche aussi pour le civet

La correction fonctionne également lorsqu’on doit tirer plus près. Je risque d’être voué aux gémonies par certains d’entre vous, mais je vais quand même vous en donner un exemple. Avant de partir chasser les dites biches, la cuisinière nous a demandé de rapporter un lièvre, si on en trouvait un. Bon, le 7 Rem. Mag pour ces pauvres lepus timidus, c’est un peu overkill, il va falloir la jouer finot. Alors que nous traînons notre biche vers la piste, le guide aperçoit un lièvre bien assis entre deux touffes de bruyère sèche. Nous nous couchons, un rapide coup de télémètre : 77 m. L’abaque m’annonce + 3,5 cm par rapport au point zéro à 75 m, soit 5 clics « down ». Pourquoi ? A 75 m, la balle frappe 3,5 cm au-dessus du point visé ; un clic égale 1 x 0,75 cm, soit 7,5 mm ; 35 / 0,75 donne 4,67 : 5 clics. Je me cale, réduis le grossissem­ent à 6, applique 5 clics vers le bas. La croix se positionne au niveau des yeux, le tour est joué. Pas très propre, mais efficace, la venaison est préservée, cuisinière et chasseurs appréciero­nt. Ce genre de précision, seule l’utilisatio­n bien maîtrisée de vos tourelles vous l’autorisera, pas la DRO. Bien que je ne sois ni un adepte ni un défenseur de la chasse long range et que je limite mes tirs à 400 m, l’usage des tourelles m’a apporté une améliorati­on considérab­le en précision pratique. Bien sûr, il m’est plus d’une fois arrivé de faire tirer avec succès un mouflon par grand vent et à plus de 300 m sans possibilit­é d’intervenir sur le réglage des tourelles et en annonçant le point à viser au chasseur. Le choix reste vôtre en fonction de vos habitudes et de votre équipement et dès lors que les deux conditions sine qua non sont réunies : l’entraîneme­nt et votre aptitude au tir. Connaissez votre distance d’engagement maximale réelle, entraînez- vous et ne comptez jamais sur le matériel pour compenser vos carences.

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Etre capable sur le terrain de compenser en quelques clics une distance différente de celle du réglage : c’est utile et cela peut s’apprendre.
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