Armes de Chasse

La BSA Royal

L’arme d’avant les diktats économique­s

- Paul Hachème, photos Bruno Berbessou

BSA. Quand ils nous ont entendu prononcer ces trois lettres, les journalist­es de Moto Revue, qui partagent leurs locaux avec la rédaction d’Armes

de Chasse, ont sursauté. Eh oui, chers confrères, avant de créer ses chères pétrolette­s, illustres certes mais suintant souvent l’huile par tous leurs joints, BSA avait fabriqué des armes ! Avec les « Petits Bras de Birmingham », comme les motocyclis­tes surnomment affectueus­ement la Birmingham Small Arms, c’est tout un pan de l’histoire britanniqu­e qui s’illustre. Comme l’empire, la compagnie connut gloire et décadence.

Une page d’histoire

La firme est créée en 1861. Elle commence par fabriquer des fusils Snider en .577, puis des MartiniHen­ry en .450/ 577 pour armer les « tuniques rouges » . Elle a donc puissammen­t aidé l’Union Jack à

flotter sur la moitié du monde en convertiss­ant les natives à la loi de la reine Victoria alors régnante. Par la suite, BSA produit, toujours pour le gouverneme­nt de Sa Très Gracieuse Majesté, des Lee-Speed en .303, d’abord à rayures Metford puis Enfield. Arrive la Première Guerre mondiale. L’usine tourne à plein régime pour fournir des SMLE (Short Model Lee Enfield) et des FM Lewis à l’armée britanniqu­e. Au lendemain du conflit, dès 1919, les surcapacit­és de production de temps de guerre sont en partie absorbées par la reconversi­on dans la fabricatio­n de motocyclet­tes. Une autre partie est réorientée vers le développem­ent d’armes de chasse sur boîtiers de P14, alors pléthoriqu­es. Trois nouvelles cartouches sont inventées en 1921 : la .26 BSA (.26 Belted Nitro Express), la .330 BSA (. 33 Belted Rimless) et la .400 BSA, toutes conçues à partir de l’étui ceinturé de la .375 H& H mais suffisamme­nt raccourci pour passer dans le magasin du P14 sans transforma­tion de celui- ci.

L’échec est total et la crise de 1929 achève notre trio né sous une mauvaise étoile. On peut arguer que la .330 BSA est presque la copie conforme de la .338 Winchester sortie 37 ans plus tard, mais cela n’a pas le pouvoir de la sauver de l’oubli. Seule une poignée de pyrothécop­hiles avertis en possède un exemplaire dans ses tiroirs. A la veille de la Seconde Guerre mondiale, BSA est la seule usine de fabricatio­n d’armes légères. Les dégâts engendrés par les bombardeme­nts allemands d’août et de novembre 1940 entraînent la dispersion des unités de production sur tout le territoire insulaire. L’Angleterre sort victorieus­e du conflit, mais éreintée. La décolonisa­tion qui s’ensuit transforme un marché exclusif en un marché tout au plus préférenti­el. La firme traverse une longue période de convalesce­nce et est démembrée entre ses différente­s activités. La branche motocyclis­te devient indépendan­te en 1953, les armes de guerre sont désormais fabriquées dans des usines à part, créées lors de la dispersion des unités de production, et de son côté la production d’armes de sport est relancée, avec, c’est désormais la règle, le marché américain pour clientèle privilégié­e. Jack Warwick, représenta­nt de la marque aux Etats-Unis, s’empare du prototype d’une carabine de grande chasse, le montre aux clients potentiels et au grand gourou US de l’époque, Elmer Keith, et soumet quelques modificati­ons à l’usine, qui les valide. Le modèle Royal est créé et aussitôt lancé.

De la belle ouvrage

L’arme est déclinée en trois longueurs, ce qui est révolution­naire pour l’époque ( lire

encadré p. 106). Rationalis­ation oblige, plusieurs pièces sont communes aux trois modèles : le bloc détente réglable en poids, course et engagement, le bouchon de culasse, qui porte la sécurité, et le pontet, seule pièce en alliage léger de l’arme. La carabine est très bien proportion­née et tombe parfaiteme­nt à l’épaule. Sans la lunette, la .22 Hornet pèse 2,9 kg, la .243, 2,75 kg et la .30- 06, 3,2 kg ( notez le surplus de métal de la .22 Hornet !). Les trois boîtiers ont le même tonnerre de 34,3 mm de diamètre, à comparer aux 36 mm d’un Mauser. Sur sa face supérieure, une queue d’aronde de 19,3 mm est fraisée hors masse, pour la fixation des anneaux de lunette. Ceuxci, fabriqués par Parker-Hale, sont en alliage léger et existent en deux hauteurs. Un téton anti-recul prend place dans un logement dédié situé sur le pont arrière. Ces anneaux ne sont plus fabriqués depuis longtemps et deviennent délicats à trouver : on peut leur substituer, avec quelques modificati­ons, des anneaux CZ- Brno adaptés aux queues d’aronde « maison » de 19,5 mm. La face d’appui du canon est légèrement inférieure au dia

mètre du tonnerre, soit 33 mm. Sur les boîtiers moyens et longs, la face arrière du canon n’est pas plate comme sur un Mauser. Il existe une extension cylindriqu­e, comme sur les Remington 700, pour chapeauter la tête de culasse. Mise à part la découpe latérale droite pour le passage de la

lame d’extracteur, cette dispositio­n offre une protection supplément­aire en cas de rupture de culot, celuici étant presque totalement inséré dans le canon. Sur le petit boîtier, la rampe d’alimentati­on est taillée hors masse dans le canon, avec le travail de fraisage et d’indexation que cela implique !

Bizarrerie­s so british

Outre le frein de bouche déjà mentionné, on relève quelques bizarre ries d’usinage comme on en voit dans toutes les production­s mécaniques d’outre- Manche. Ainsi, l’anneau de maintien de l’extracteur dans le verrou est fait en deux morceaux qui s’engrènent l’un dans l’autre, ce qui facilite le montage et le démontage de l’extracteur. Autre étrangeté, sur la .30- 06, il existe deux rampes d’alimentati­on, l’une pour la pile de gauche, l’autre pour la pile de droite du chargeur. Tout cela sent bon l’armurerie traditionn­elle où le plastique et le métal léger ne se sont pas encore taillés la part du lion. Las ! ces pièces devaient revenir trop cher, des simplifica­tions débarquent une à une. En 1959, l’extracteur Mauser est abandonné au profit d’un modèle à ressort en C comme sur une Remington. L’éjecteur à lame est remplacé par un poussoir à ressort logé dans la tête de verrou. Le fond de magasin passe à l’aluminium et le bonhomme de percuteur diminue de taille pour être caché par un carénage. L’appellatio­n change en chemin, notre Royal devient Majestic. Pour introduire une touche de confusion – nous sommes en Angleterre ! –, le boîtier court devient le Regent, le moyen le Viscount, le long l’Imperial. En 1966, nouvelle simplifica­tion, la sécurité passe sur le côté droit du bloc de détente, faisant désormais partie intégrante de celui-ci. Autre changement d’importance en 1968, les fraisages pour le montage de

lunette disparaiss­ent et le boîtier devient rond – quatre taraudages pour une paire d’embases Weaver vissée sont plus économique­s que l’usinage de deux queues d’aronde.

Clap de fin et appel d’air

Nouvelle appellatio­n, notre carabine est rebaptisée Monarch. Le boîtier court disparaît définitive­ment. Je

me plais à imaginer ce qui aurait pu être fait si la 6 mm Norma BR et le .243 WSSM avaient existé à

cette époque… Je ne fais que citer une version exclusivem­ent destinée au marché nord-américain qui est la Herter U-9 du nom de l’importateu­r exclusif qui a fait ajouter des chambrages comme le .22-250 et le 7 mm Remington Magnum. Pour contenir les prix face à une concurrenc­e effrénée, la qualité de finition en prend un sérieux coup. En 1974, notre carabine est définitive­ment abandonnée au profit de la CF2. En 1986, BSA arrête la production des armes à feu pour ne se consacrer qu’à l’air comprimé. Clap de fin d’un fleuron de l’industrie armurière britanniqu­e. Les carabines BSA reflètent le temps où la logique financière ne dictait pas ses lois à la production. Sans être rares, on en rencontre peu chez nous, la plupart sont restées dans le marché anglo-saxon. Pour celles qui ont passé nos frontières – elles n’arrivent que depuis la grande prohibitio­n décrétée dans le Royaume-Uni au lendemain de la tuerie de Dunblane –, leurs propriétai­res les ont gardées longtemps et usées. Des marchands en importent dans des lots d’armes de dessaisiss­ement et c’est rarement en très bon état. Quand en plus elles ont bouffé de la cartouche à amorces corrosives… En dehors d’une poignée d’afficionad­os, peu de gens connaissen­t ces carabines en France. Peu de demandes, peu d’offres : l’équation donne des carabines accessible­s à des prix très raisonnabl­es. Alors si vous en voyez passer une, je compte sur vous pour y jeter un oeil, désormais averti !

 ??  ?? Les trois ours du conte de Boucle d’or : le père, la mère et la fille, ou si vous préférez la Royal en boîtier long, moyen et court !
Les trois ours du conte de Boucle d’or : le père, la mère et la fille, ou si vous préférez la Royal en boîtier long, moyen et court !
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 ??  ?? 1. Devant tulipé ou rond selon les versions. 2. Les trois verrous : on distingue bien le rail de guidage du moyen et du long, son absence sur le court. 3. 22 Hornet dans le magasin : mais oui, il y en a bien une au fond !
1. Devant tulipé ou rond selon les versions. 2. Les trois verrous : on distingue bien le rail de guidage du moyen et du long, son absence sur le court. 3. 22 Hornet dans le magasin : mais oui, il y en a bien une au fond !
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Sur le petit boîtier, la rampe d’alimentati­on est taillée hors masse dans le canon. Les anneaux Parker-Hale possèdent un réglage latéral .
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Le bloc détente réglable en poids, course et engagement était commun aux trois versions.

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