Anciennes contre modernes
Deux générations de balles s’affrontent
Deux générations de balles s’affrontent
Il est né plus de balles ces vingt dernières années qu’au cours du XXe siècle. Certes de nets progrès ont été faits, mais le marketing pare trop souvent ces produits de vertus flirtant avec l’imaginaire. Que valent vraiment les nouvelles balles face aux anciennes ?
Depuis une vingtaine d’années apparaissent sur le marché de nouvelles balles, théoriquement plus performantes et efficaces que leurs devancières. A moins qu’une étape de l’évolution des espèces m’ait échappé, le grand gibier n’est pas plus résistant aujourd’hui qu’il ne l’était avant-hier. Une Nosler Partition ou une Brenneke Tig (RWS ID) devraient donc être toujours aussi performantes sur lui aujourd’hui qu’il l’était autrefois. Alors, qu’estce qui justifie ces naissances en chaîne ? Les fabricants de muni- tions et leurs responsables marketing n’en font-ils pas simplement un peu trop ? Quels sont les avantages réels des nouveaux projectiles face aux anciens standards ?
Une balle moderne, c’est quoi ?
J’ai choisi 1995 comme année charnière entre les balles dites anciennes et modernes. Ce repère correspond assez nettement au début du boom des naissances de nos munitions – celles produites à partir de cette année ou un peu plus tôt mais arrivées chez nous à cette époque.
Etant donné que les balles disponibles jusqu’en 1995 servaient parfaitement toutes les chasses, de la marmotte à l’éléphant, pourquoi tant d’efforts se sont subitement déployés sur le marché de la munition de chasse ? D’abord, quelques déboires, souvent dus au chasseur et non au matériel, avaient fait naître aux Etats-Unis une demande pour davantage de pénétration et une expansion contrôlée. Parallèlement, la diminution du recul et une meilleure tension de trajectoire faisaient l’objet d’une attention de plus en plus accrue dans la presse spécialisée et de là de la part des utilisateurs. C’est dans ce contexte qu’au début des années 1990 des balles à noyau soudé, d’autres en alliages cuivreux et enfin des hybrides ont vu le jour. Le gibier devait tomber plus mort que mort ! Les balles à noyau soudé ont commencé à être connues en Europe lorsque Sako a introduit l’Hammerhead, une « semi-round nose » conçue pour le tir à moyenne et courte distance du grand gibier, particulièrement les élans en Finlande et en Scandinavie. Mal distribuées, les munitions et balles Sako restent méconnues du nemrod français au
début des années 90. C’est Norma, en 2000, qui rafle la mise et va véritablement lancer le noyau soudé en Europe avec son excellente Oryx, cette balle efficace et précise qui aligne les succès sur tous les grands animaux avec des dégâts réduits à la venaison. Aux Etats- Unis, les balles à noyau soudé sont arrivées bien plus tôt. Dès 1964, Bitterroot Bullet Company fabrique et commercialise les Bitterroot Bonded Core ( BBC) et lance ce faisant les termes « noyau soudé » – traduction littérale de
bonded core. Bill Steigers, l’inventeur des BBC, a conçu ce procédé pour résoudre le problème créé par l’augmentation des vitesses, qui met à mal l’intégrité des balles, entraînant désintégration, séparation de la chemise, course erratique dans le gibier et pénétration trop faible, en particulier avec les boat tail. Steigers a réussi à conserver ses vingt-cinq années d’avance sur tous les autres fabricants en protégeant sa munition par de multiples brevets qui empêcheront la diffusion du concept.
Jusqu’à 95 % de rétention de masse
Les chères encore, et production, onéreuse entre cessives quer n’est la balles numérisation une en dix à sont rien malgré Oryx, et et produire. à complexe. douze noyau leur nécessaires usurpé. dont l’automatisation fabrication des opérations soudé le Aujourd’hui Chez prix contrôles pour sont de Norma, fabri- vente reste suc- très de En portent balles partitionnées termes classiques, ces balles de et balistique doubles par y compris rapport noyaux qu’ap- aux les ?
D’abord, but elles initial sont bien visé très que par précises leurs ce ne fabricants, soit en raison pas le des Mais contrôles leur principal stricts avantage de fabrication. se situe après l’impact, avec une excellente conservation de masse : de 85 à 95 % pour une Oryx, une Super Hammerhead, une TBBC ou une Evo, quand même une Partition ou une Uni perdent de 40 à 50 % de leur masse. Cela en fait de remarquables balles de chasse, particulièrement sur les grands animaux ou lorsque le chasseur emploie un calibre en limite de son domaine d’application. Elles permettent l’utilisation de balles plus légères à calibre donné. Une bonded core de 10,5 g peut parfaitement remplacer une 11,7 g, voire une 13 g dans un calibre .30. La pénétration reste égale si ce n’est supérieure quelles que soient la vitesse d’impact et l’importance de l’expansion. Les noyaux soudés garantissent une pénétration sans faille, même après impact sur de gros os, une expansion maîtrisée, avec un minimum d’éclats et même quand la vitesse chute, et un important effet de choc, soutenu par leur masse. A ces qualités, qui caractérisent toutes les balles de cette famille, Norma a ajouté, dès la conception de l’Oryx, un atout supplémentaire, avec la préservation de la venaison. En ramenant presque à zéro sa fragmentation, y compris lors des tirs très rapprochés, il a conçu une balle très « propre ». Leur conception noyau- chemise, même lorsque cette dernière est épaisse ( TBBC, Swift, Accubond) génère moins de pression que les monométalliques lors de la prise de rayure et le voyage dans le canon. Certaines de ces balles, les TBBC par exemple, sont plus longues à poids égal que des projectiles standards en raison de chemises renforcées, ce qui ne pose pas de problème de stabilisation lors de l’emploi de carabines et de munitions standardisées. Ce point est souvent négligé par les défenseurs du « cuivre écolo » . Outre ces caractéristiques communes, il existe des différences de conception importantes entre une Oryx, une Accubond, une
Super Hammerhead, une Evo ou une Sirocco. Certains critiquent le profil peu « aérodynamique » des européennes. Pourtant, même outre- Atlantique, 95 % des tirs ont lieu dans la zone des 300 m. A ces distances, le soi- disant désavantage des Oryx, Hammerhead, Super Hammerhead ou Evo pénalise peu le chasseur s’il utilise le bon calibre.
Performantes, oui, mais utiles ?
Passé une certaine distance, au-delà de 350-400 m, la vitesse des balles a suffisamment chuté pour que 90 % des projectiles de qualité résistent à l’impact. Si on veut bien se tenir à bonne distance du discours marketing, qui a vite fait de nous laver le cerveau, une Accubond, une Interbond ou une Sirocco ne sont guère plus utiles à ceux qui tirent loin (plus de 300 m) qu’une Ballistic Tip, Sierra SBT ou Hornady SST et sont tout aussi inutiles à ceux qui restent dans les distances standards, particulièrement en battue où Oryx, Hammerhead, Power Max, Evo, avec leurs formes
plus obtuses, distribuent leur énergie plus efficacement dès l’impact, en étant moins sensibles aux branchages br et brindilles ou à un pas de rayures un peu trop tr lent. Les Fusion de Federal sont considérées par certains comme des noyaux soudés, mais elles n’en sont pas, même si elles fonctionnent de façon semblable. Ces balles sont nées d’une évolution d’une technique utilisée par Speer sur les anciennes TMJ et les premières Deep Curl. Le noyau de plomb durci et matricé avec précision reçoit une couche d’alliage cuivreux par un processus électrochimique. Cette technique solidarise de façon définitive les deux métaux. En jouant sur le temps de déposition, Speer propose des épaisseurs variables en fonction des plages de vitesses, des types de balles et de leurs usages. Je suis devenu un inconditionnel de ces balles dans mes .338 Federal
et Winchester Magnum où elles jouent le rôle des Oryx, dont la gamme de poids dans ce calibre est limitée. Indestructibles lors d’un impact à vitesse élevée, les Fusion possèdent un pouvoir d’expansion important, y compris lorsque la vitesse tombe. La précision reste très bonne, même si elles ne sont pas des balles de match. Leur avantage principal sur une chemisée classique ou même une double noyau se retrouve à l’impact et après celui- ci : expansion et conservation de la masse sont importantes.
Sans-plomb, un avenir imposé ?
Au début des années 1980, Randy Brooks, le propriétaire de Barnes Bullets, connaît une mésaventure avec un gros ours brun et des balles classiques. S’il avait employé une Partition, une Original Grand Slam ou une Tug, la probabilité est grande que les balles X n’en seraient pas où elles en sont. Seulement voilà, Brooks n’utilisait pas une de ces balles et a décidé qu’il était temps qu’il en invente une, la sienne, forcément performante. Neuf ans plus tard, en 1989, les balles X de Barnes sont commercialisées comme éléments de rechargement, dans plusieurs calibres. Si elles conservent leur masse, pénètrent profondément, causent de gros dégâts internes, elles sont loin d’être parfaites. La précision va de très bon à horrible, l’expansion est aléatoire, les pressions peuvent monter de façon erratique. Ceux qui les emploient apprennent à réduire les charges de poudre. Matricées, en cuivre pur, elles encuivrent fortement les tubes. Après une longue série de déboires, Barnes revoie sa copie et lance en 2003 les TSX. La cavité frontale a été redessinée et trois cannelures de délestage font leur apparition sur le corps de la balle. Le boat tail se généralise, entraînant une diminution du poids afin de conserver une longueur raisonnable. Le succès des monométalliques se confirme. Barnes vend ses balles à de nombreux manufacturiers, puis se lance dans la fabrication de cartouches. L’arrivée des TTSX en 2008 allonge la portée utile théorique de la Barnes. Lorsque la Californie décide de bannir le plomb, Barnes s’engouffre dans la brèche allant jusqu’à soutenir le projet par un lobbying agressif. Il devient ce faisant le premier fabricant de balles à mélanger business, écologie démagogique et chasse. A la même période, en Suède et en Scandinavie, les fabricants de munitions s’inquiètent d’un projet de loi encore plus restrictif. Norma s’engage contre ce projet. Etudes scientifiques à l’appui, les gens d’Amotförs démontrent que le cuivre en quantité importante est aussi nocif que le plomb – ce qui est vrai ! Le projet de loi est enterré. Les balles « cuivre » sont néanmoins là pour rester. L’Allemagne interdit le plomb ici et là selon les Länder. En France, l’interdiction des balles plomb est un serpent de mer qui refait surface plus souvent que le monstre du Loch Ness ces derniers temps. Un groupe de pression est mis en place pour les imposer, aidé en sous- main par des fabricants. Imaginez le « tout bénéfice » que représente pour ces derniers la production d’un seul ou de deux modèles de balles ! Aujourd’hui, les balles « sans plomb » sont, lorsqu’elles proviennent des Etats- Unis, proches des Barnes TSX ou TTSX. Même la Hit de RWS, avec son traitement de surface et sa pointe Speed Tip, reste une Barnes, faisant ni mieux ni pire. Seul le choix du métal, cuivre pur ou alliage, et de l’ogive, sécante ou tangente, change vraiment. Même si telle ou telle possède une cavité frontale plus ou moins grande, toutes travaillent globalement de la même façon : expansion en X et pénétration importante. Leurs avantages sont semblables, leurs inconvénients aussi, même si celles en tombac, comme les Hornady, encuivrent moins que les Barnes. Après l’impact, il y a moins de
différences de comportement entres elles qu’entre une Corelokt et une Alaska. Seules les françaises, les suédoises et les finlandaises diffèrent dans leur principe de conception ou de fonctionnement. On l’a vu, leur naissance découle du même constat que celui qui a décidé de l’apparition des balles à noyau soudé : les balles classiques et simples ne sont pas suffisamment solides pour garantir à la fois expansion et pénétration profonde quels que soient les angles de tir et les gibiers chassés. Réalisées à partir d’un seul bloc de métal, les monométalliques ne perdent pas de masse, ou très peu, donc pénètrent loin pour une atteinte sûre des organes vitaux. Lorsque la cavité d’expansion est bien réalisée, elles expansent ou pétalisent, voire les deux, suivant la vitesse d’impact, causant d’importantes lésions. Tout cela serait parfait si la densité de leur alliage permettait de conserver une longueur raisonnable à masse égale comparé à une balle à noyau soudé par exemple. Ce n’est pas le cas. La longueur plus importante des monométalliques (ou sans pomb), à poids égal, réduit le volume utile de poudre de la cartouche et on se retrouve soit en surpression, soit avec une vitesse inférieure. Et une vitesse inférieure signifie une expansion limitée. Le fait est négligeable aux distances de battue, gênant pour les tirs lointains. Il fallut donc réduire la masse pour conserver une longueur suffisante. Un paramètre que les français Sologne et Sauvestre avaient bien intégré, puisque les GPA comme les Fip sont proposées en deux, voire trois poids différents. Les fabricants sont donc arrivés à concevoir des balles de poids intermédiaires, sorte de compromis entre vitesse, expansion et conservation de l’énergie pour des résultats aujourd’hui acceptables et acceptés pour presque toutes les chasses. Pour enfoncer le clou, nombre de fabricants américains ont paré leurs balles en cuivre de vertus balistiques exagérées qui n’ont pas résisté à l’épreuve de tests sérieux et indépendants. Polyvalentes si on respecte certaines règles, les monométalliques de forme proche d’une balle classique ne confèrent aucun avantage en termes de tenue au vent ou de chute. Bien souvent, c’est même l’inverse qui est constaté. Les balles modernes en « alliages cuivreux » sont redoutables lorsque la vitesse de vos cartouches est éle- vée et que les tirs sont rapprochés. Un avantage qu’elles partagent avec les balles à noyau soudé ou partitionné. C’est la raison pour laquelle les monométalliques sont plus efficaces et performantes qu’une balle classique lorsqu’on respecte leur domaine d’emploi et qu’on les place au bon endroit. Pour autant, cela n’en fait pas les merveilles d’emploi universel que le discours marketing et publicitaire veut nous faire avaler.
Les autres balles modernes
Si noyau soudé et cuivre préfigurent bien ce qu’est une balle moderne en 2018, certains fabricants ont tout de même tenté d’autres approches et fait d’autres choix, à la fois plus proches des balles classiques mais associés à une recherche de davantage d’efficacité ou de précision, voire des deux. Trois exemples illustrent parfaitement cette démarche : Tip Strike, ELD-X et Speed Tip Pro. La Hornady ELD- X et la RWS Speed Tip Pro ont été pensées avant tout pour des tirs à distances relativement longues. Arrière fuyant, profil aérodynamique travaillé et coiffes balistiques les optimisent pour cet emploi. Toutefois, les deux fabricants ont combiné des techniques pour les rendre efficaces à courte et moyenne portée, avec des structures internes permettant de conserver une masse suffisante après une expansion importante. La Speed Tip Pro reprend les points forts de la H-Mantel et des Uni/ID et l’ELDX garde son anneau Interlock pour verrouiller le noyau. La Tip Strike de Norma est pensée pour la battue ou la monteria. Sans
boat tail mais avec une ogive très bien calculée, une coiffe balistique et un anneau interne de verrouillage du noyau, c’est une excellente balle pour les tirs entre 0 et 400 m, sorte de compromis entre une Vulkan, une Interlock et une Ballistic Tip. J’ai pu essayer la Norma et la Hornady sur des terrains variés, elles remplissent leur rôle à merveille, que ce soit au ferme, à la charge ou à plus de 300 m en montagne. Mes compères de chasse qui les ont choisies ne s’en plaignent pas, bien au contraire. Le chasseur qui utilisait alternativement deux types de balles pour l’approche, la montagne et la battue peut désormais n’en choisir qu’une. La Norma pour un usage plus orienté vers la battue, la Hornady ou la RWS pour un emploi davantage
tourné vers la montagne. Jusqu’à 300- 400 m, les différences entre elles seront faibles. La RWS a été testée par la rédaction en Afrique du Sud, lors de tirs compris entre 200 et 375 m, avec à chaque fois une pénétration et une expansion conséquentes dans un calibre ultrarapide, le .338 Lapua Magnum. D’autres balles modernes viennent modifier un peu la vision traditionnelle des balles de chasse : les RWS Evo Green et Geco Zero. Conçues pour satisfaire des lois environnementales, ces deux balles sont surtout de redoutables projectiles pour ceux qui tirent audelà des cent mètres, disons entre 100 et 350 m. Précision, expansion certaine et bonne pénétration malgré un poids plume sont leurs avantages auxquels un recul très contenu apporte un énorme plus. En 8 x 57 IRS et en 9,3 x 74 R, elles confèrent une allonge à un mixte ou un drilling inconnue jusque-là. A courte distance, elles détruisent un peu de venaison si elles ne sont pas coffrées, mais le gibier ne part jamais bien loin.
La balle est dans votre camp
Les balles modernes, à noyau soudé, monométalliques, hybrides ou autres, restent des projectiles qui subissent les lois de la gravité, des retours diminués, de la résistance à l’avancement, de la conservation de l’énergie en vol et à l’impact. Sans vouloir passer pour un ingénieur en balistique, que je ne suis pas, je vous invite simplement à définir vos besoins réels, vos types de chasses et à faire de rapides essais. Si vous achetez quelques boîtes différentes – en partageant les frais avec des amis aussi passionnés que vous –, je suis certain que vous trouverez « balle à votre canon » et que vous saurez parfaitement faire la différence entre le réel et le virtuel. Placées dans la panse ou à côté de l’animal, les balles modernes ne tueront pas plus qu’une vieille balle chemisée. Utilisées avec intelligence et en fonction de leurs points forts et de leurs points faibles, elles vous apporteront un plus, comme savent le faire les lunettes, carabines, points rouges, jumelles et télémètres modernes. Le résultat final résidera cependant dans votre capacité à atteindre la zone vitale. Pour cela, il n’existe qu’une seule solution : tirer et tirer encore cette balle que vous aurez choisie !