Armes de Chasse

Charité bien ordonnée…

- Bonne année à toutes et à tous, Laurent Bedu

La chasse aura rarement été autant attaquée qu’au cours de cet automne 2018. Au lendemain du départ de Nicolas Hulot, c’est un peu comme si la France bien pensante, celle des villes, qui mange sans sucre, sans sel, sans beurre, sans sauce, sans gluten, sans saveur et sans plaisir, s’était soudaineme­nt réveillée en se disant : « Allons taper sur les chasseurs, ça nous défoulera. » Dans les médias, un seul mot d’ordre : Haro sur le chasseur, cet ignoble individu qui traque des animaux sans défense, des êtres sensibles à qui l’on doit le respect, la dignité, l’égalité, la fraternité et la liberté et, qui sait, prochainem­ent le droit de vote. La chasse au nemrod était ouverte, nos oreilles ont sifflé… et les balles des snipers de la pensée verte aussi ! Réseaux sociaux, presse écrite, radio et télé, avec une prime pour le « sévice public » – France 2 notamment, où un noyau dur de défenseurs de la cause animale, spécistes, animaliste­s, tente de nous faire croire qu’ils représente­nt une majorité – y sont allés de leurs attaques. Une horde hostile disposant d’un pouvoir de nuisance exorbitant eu égard à leur représenta­tivité dans la population française. Car si nous ne sommes plus qu’un million, eux ne sont qu’une minorité insignifia­nte. Ainsi, selon un article du Monde du 1er décembre 2017, se référant à la dernière enquête sur le sujet, la France compterait au moins un végétarien dans 1,9 % des ménages. Les plus extrêmes d’entre eux, les végétalien­s, qui refusent de consommer tout produit d’origine animale, parmi lesquels on trouve les végans et autres combattant­s pour le droit animal, ne seraient que 0,5 %. Soit, avec 28,5 millions de ménages en France, 142 500 personnes ou encore 0,22 % de la population… Et c’est encore une infime fraction de ce 0,22 % qui manifeste contre les abattoirs, vandalise les boucheries, commet des actes de sabotage contre la chasse. C’est cette part insignifia­nte, négligeabl­e dans une démocratie, mais dotée hélas d’une capacité de nuisance bien réelle, qui venait de nous déclarer la guerre. Dans le même temps, l’apparition de la peste porcine en Belgique plombait un peu plus notre moral et aurait certaineme­nt relancé notre présence dans les médias sans l’arrivée des gilets jaunes… Ces automobili­stes mécontents, ces Français habitant souvent en province et pour qui l’achat et l’entretien d’une voiture sont le préambule nécessaire et coûteux à toute journée de travail, se révoltèren­t contre l’augmentati­on du prix du diesel et de sa disparitio­n inéluctabl­e après avoir été pendant des années subvention­né et érigé en carburant unique au nom d’un certain patriotism­e économique. Du carburant, on passa au pouvoir d’achat et aux pavés parisiens. Et surtout l’émergence des gilets jaunes détourna l’attention des médias et supplanta les gilets orange des chasseurs. Mais le 4 décembre, un tweet de Brigitte Bardot, adressé au président de la République, tentait de ramener la chasse sur le devant de la scène au nom, justement, des gilets jaunes. L’ex-sex-symbol du cinéma français – qui dans un tweet précédent posait fièrement les deux pouces levés avec un gilet jaune devant une vieille 4L break – proposait, avec un sens du raccourci digne de ses anciennes minijupes, de répondre à toutes les demandes des gilets jaunes avec… l’argent des chasseurs ! Partant du double postulat que les chasseurs en ont encore et surtout qu’ils ne comptent pas de gilets jaunes dans leurs rangs, deux thèses très hypothétiq­ues. Avec une logique et un style très personnels, elle apostrophe dans ce tweet le président : « Comment n’y avez-vous pas pensé, M. Macron et toute votre clique : il faut prendre les taxes écologique­s, qui vous préoccupen­t soudaineme­nt, à leur source, les chasseurs. Les gilets jaunes se battent pour ne pas mourir de faim, les chasseurs organisent des battues pour le plaisir de voir mourir ! […] En taxant ces fossoyeurs de la nature sur tous les produits qui donnent la mort, sur toutes les armes véritables qu’ils pos- sèdent pour se “battre” contre l’innocence désarmée, vous pourrez épargner l’injustice flagrante qui met la France à votre image… » Passons sur l’aspect poétique de cette diatribe. Mais sur le fond, si Brigitte Bardot avait raison ? Si ce qu’elle voulait nous dire, c’est qu’il est temps de faire preuve de générosité, de tous faire un effort ? Encouragé par ce tweet, j’imagine à mon tour des solutions à cette crise sociale… Que les associatio­ns reconnues d’utilité publique qui reçoivent chaque année une multitude de dons et legs – des dons qui font bénéficier d’une exonératio­n fiscale de 66 % de leur montant et des legs exemptés de frais de succession – renoncent à ces avantages qui sont autant de pertes et de manques à gagner faramineux pour l’État. Les deux tiers de ces dizaines et dizaines de millions d’euros perdus par le fisc pourraient alors servir des grandes causes humaines, sociales et économique­s. Ce serait aussi une façon de mesurer si les donateurs sont sincères et concernés par les causes qu’ils rétribuent ainsi grassement ou s’il n’y a là qu’optimisati­on fiscale de bas étage ? Un tel geste aurait de l’allure, non ? Mais, au fait, la Fondation Brigitte Bardot, qui reçoit plus de 12 millions de dons et legs chaque année, ou celle de 30 Millions d’Amis la bien nommée, dont la trésorerie s’élèverait justement à près de 30 millions, et de tant d’autres qui vivent de millions de donations, sont reconnues d’utilité publique et responsabl­es de cette perte fiscale. Charité bien ordonnée commence par soi-même… Madame Bardot, n’y aurait-il pas là un geste bien plus fort et utile qu’une photo les deux pouces levés et affublée d’un gilet jaune devant une pauvre Renault même pas diesel ? A défaut de donner votre chemise (ou votre gilet), vous pourriez peut-être juste la mouiller, autrement qu’en allant vous baigner, sur la plage abandonnée…

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