Blaser R8 Silence
« Stalking » sans bruit en Ecosse
« Stalking » sans bruit en Ecosse
Une Blaser à canon silencieux intégral, voilà esquissée la R8 Silence. Une carabine qui réduit la détonation de 28 dB et le recul de 30 %, testée sous le rude climat écossais.
Ala fin de l’année passée, Blaser dévoilait une carabine d’un genre nouveau. Sa base était connue, il s’agissait d’une R8, mais avec un canon épais, très épais même. Ce tube de 31 mm de diamè tre cachait en fait un silencieux inté-intégral. Pas un embout de 20 à 25 cm de longueur et de 40 à 50 mm de diamètre que l’on visse à l’extrémité d’un canon de moins de 19 mm, mais bien un silencieux complet de plus de 50 cm, démarrant au niveau de la chambre du canon et s’arrêtant à la bouche. Seulement voilà, à cette époque, le silencieux demeurait interdit à la chasse dans notre pays et l’innovation de Blaser passa quelque peu inaperçue. Autre problème, une fois dévissé, le long silencieux de cette carabine ne laissait apparaître qu’un petit canon de 42 cm, soit 3 cm de moins que ce que notre législation autorise. La double peine était de rigueur, l’avenir de cette carabine semblait condamné chez nous. Oui mais… Fin janvier, la loi française était modifiée et l’utilisation à la chasse des silencieux devenait licite. De plus, Blaser, dont on peut difficilement mettre en doute les capacités d’adaptation et de réaction, dévoilait une nouvelle version de sa R8 Silence, avec un canon fixe de 47 cm. Plus rien ne l’empêchait de reprendre avec tambours et trompettes un lancement commercial jusque-là demeuré en… sourdine. C’est cette arme, passée du statut de hors-la-loi à celui de nouveauté belle et fréquentable, que nous avons décidé de tester sur le terrain, en Ecosse, pays où les silencieux sont non seulement recommandés depuis de nombreuses années, mais souvent obligatoires. Nous nous sommes rendus dans les West Highlands, à quatre heures de voiture et quinze minutes de ferry à l’ouest d’Édimbourg, bien après Fort William. C’est là, entre moors et mer, ciel et bruyère, que nous avons pu chasser biches et faons à l’approche. L’arme que je reçois pour ces trois jours est une Blaser R8 Silence Classique. Sur le plan mécanique, rien ne change par rapport à la R8, que je ne vous ferai pas l’injure de décriredécrire. C’est bien la carabine que vous connaissez, avec son verrouillage linéaire, sa tête de culasse qui s’ouvre en corolle, son chargeurbloc détente amovible et son armeur de sécurité logé sur le col de crosse. Pour ces chasses d’approche dans les moors, l’arme est chambrée en .308 Winchester et surmontée d’une lunette Blaser Infinity 2,8- 20 x 50 à réticule lumineux. La carabine est dotée du système IC (Illumination Control) : lorsque l’armeur est engagé, le réticule de la lunette s’illumine et il s’éteint sitôt que l’armeur est reculé. Ce système magnétique que l’on trouvait déjà sur la R 93 est assez pratique, surtout en Ecosse où il fait soit très sombre lorsqu’un grain menace ou est déjà là, soit au contraire très clair lorsque le soleil bas et rasant vous oblige à tirer à contre-jour.
Une relime d’arme africaine
La relime est des plus classiques et élégantes. Ceux qui s’attendaient à une arme à l’apparence futuriste ou étrange, voire massive, seront surpris. Nous avons affaire à une carabine bien proportionnée et c’est là que réside la vraie bonne idée des dirigeants de Blaser. Ils avaient envisagé dans un premier temps d’utiliser un canon d’un diamètre important proportionnellement au reste de l’arme, mais ont finalement préféré surdimensionner l’ensemble. Le canon tout d’abord, coiffé de son tube silencieux intégral, possède un diamètre de 31 mm, contre 17 ou 18 pour un profil chasse classique. Il nécessite un devant plus large pour le recevoir et aussi pour conserver suffisamment de bois autour du métal. La crosse a à son tour été étoffée pour garder des proportions agréables à l’oeil. Le résultat est réussi, cette carabine ne semble pas trop imposante ou lourde. Tout au plus a-ton l’impression d’être face à une carabine africaine de gros calibre, impression que confirme la relime de la monture. Une crosse à l’anglaise à busc droit est suivie d’une poignée prononcée et soulignée par une calotte noire et un devant arrondi terminé par une pièce d’ébène. Le seul élément un peu incongru est la joue, typiquement bavaroise avec ses trois filets, une coquetterie germanique, le fabricant affiche ici son identité. La crosse est, comme à l’accoutumée chez Blaser, tirée d’une jolie pièce de noyer, de grade 4, poncée à l’huile et sans doute glacée avec un peu de Tru-Oil en fin de traitement pour lui apporter l’aspect lisse et brillant caractéristique de la marque. Le canon est cylindrique et mesure donc 31 mm de diamètre. Il s’agit en réalité du silencieux et non du canon à proprement parler. Le canon est dessous, à l’abri des regards, il faut dévisser le silencieux pour le découvrir. On procède comme avec un silencieux classique, on le dévisse à la main, mais ici la main enserre l’ensemble du canon. De nombreux tours sont nécessaires, là encore, c’est habituel. L’équipement court jusqu’à la frette, autrement dit au niveau de la fin de la chambre, après les usinages du montage optique. Une fois le silencieux ôté, on découvre un canon de 47 cm terminé par un long filetage à la bouche. Par un coup d’oeil à l’intérieur du silencieux, on comprend que sa longue partie manchonnée joue le rôle de
chambre de décompression des gaz, une chambre de 47 cm. Les 20,5 derniers centimètres sont composés de chicanes, à la façon d’un silencieux classique vissé en bout de canon. Il faut veiller en remontant le silencieux à ne pas le serrer trop fort sinon son démontage risquerait de devenir difficile. Malgré son canon chaussé d’un silencieux intégral, la R8 Silence reste une arme à canon démontable. La dépose de ce dernier se fait à l’aide des deux vis Allen habituelles, logées sous le devant et qui se fixent à la frette, et ne nécessite pas le démontage préalable du silencieux ou de la lunette. C’est tout d’abord au stand de tir que je fais connaissance, ainsi que les deux confrères qui m’accompagnent durant ce séjour, avec la R8 Silence. Nous débutons à 100 m et continuons à 200. Comme toutes les Blaser, cette R8 Silence tire droit, la précision est remarquable. Avec un tel canon, il convient, comme avec un silencieux court, de ménager des pauses entre des séries de trois ou cinq tirs, histoire de laisser les gaz se dissiper et l’ensemble refroidir. Malgré ces interruptions, nous tirerons chacun environ trois boîtes de cartouches, des Match et les demi-blindées, des KS, que nous utiliserons à la chasse.
28 dB et 30 % de recul en moins
Ces nombreux tirs, couchés sur une épaisse chape de béton, permettront non seulement de constater l’atténuation sonore, mais aussi la diminution du recul générée par l’emploi du silencieux. Un recul « allégé » de 30 %, selon la firme bavaroise. Cette donnée est difficilement vérifiable, mais le ressenti parle de lui-même : la douce .308 Winchester devient avec cet accessoire aussi agréable qu’une .22 magnum. C’est donc avec un a priori très favorable sur le potentiel et l’intérêt de cette arme que nous partons à la
chasse. Le magasin amovible est garni de trois cartouches, la culasse est verrouillée sur un canon vide, l’armeur est désengagé, il est temps de glisser l’arme à la bretelle et de suivre le guide. La progression dans les moors est physique, pourtant la carabine ne gêne pas. Son poids avec lunette et cartouches dépasse 4,2 kg, le canon mesure 67,5 cm, mais à aucun moment je n’aurai l’impression d’avoir un poids sur l’épaule ni une « canne à pêche » derrière moi, comme on qualifiait autrefois les carabines à canon de 65 cm. Nous arrivons rapidement sur un premier groupe d’animaux avec parmi eux un faon chétif. Une dernière reptation m’amènera à 180 m de lui. Le sac à dos est glissé sous la carabine. Ma main droite enserre la poignée, dont le dessin est réellement très bon, et la gauche, le large devant. Etrangement, malgré ses proportions importantes, je n’ai pas l’impression que ce dernier est très épais ni que ma main est très ouverte, je vise sans me poser de question particulière. L’armeur est engagé, une balle est chambrée et, quelques minutes plus tard, nous nous approcherons de la dépouille du faon qui s’avérera atteint de pneumonie. Le reste de la journée ne donnera rien, si ce n’est la confirmation que, sans être un poids plume, cette carabine est bien équilibrée et facile à porter à l’épaule. Et, le soir venu, je réaliserai qu’après une journée entière à chasser sans protection auditive je n’en ressens aucun inconfort. Lors du tir, la détonation a bel et bien été très assourdie. Un des deux journalistes à mes côtés est anglais et par conséquent depuis longtemps familier des
modérateurs sonores. Il convient comme moi que non seulement le son est diminué, preuve que le silencieux long fonctionne parfaitement, mais surtout différent de celui émis par un modèle traditionnel. Difficile de traduire cela par des mots, mais la détonation est à la fois plus longue et plus assourdie. Le son tient davantage du souffle long que du claquement. Nous l’avons remarqué dès les premiers essais au stand, mais cela me sera confirmé lors de la deuxième approche. Il va s’agir de tirer une vieille biche très maigre au sein d’un groupe de trois animaux, puis, dans l’hypothèse d’une première balle fatale, un faon, trop petit pour avoir des chances de survivre à l’hiver selon mon guide.
Qu’en pensent les animaux ?
Non seulement la biche s’écroula et il me fut possible de tirer le faon, mais le troisième animal, qu’il nous fallait épargner celui-là, resta longtemps immobile avant de « prendre la fuite » en venant droit sur nous ! Dans un pays où les animaux sont méfiants, habitués au tir avec silencieux, ce comportement n’est guère fréquent. « Il prouve, dit mon guide, que le souffle de ce modérateur est bien différent et moins “métallique” qu’un modèle classique, ce qui modifie vraiment la perception du danger et de son origine par les animaux. » Cette réduction sonore est sans doute optimale avec le calibre utilisé lors de ce séjour, le .308 Winchester, mais elle n’en demeure pas moins étonnante. J’avoue ne pas m’être beaucoup intéressé à cette arme lors de son lancement, du fait de son côté « hors sujet » évoqué au début de cet article. Mais, la loi française modifiée, la R8 Silence s’est bien vite rappelée à mon attention et a dissipé ma relative indifférence à son égard. Pour une utilisation d’approche, ce type de silencieux intégré procure à l’arme un meilleur équilibre, une balance parfaite et moins de surface susceptible de s’accrocher à des branches qu’un silencieux classique qui dépasse, pèse en bout de canon et possède un diamètre de 4 à 5 cm. Le poids total de l’arme est presque moindre que celui d’une arme classique dotée d’un silencieux vissé en bout de canon. Bien sûr, le devant et la crosse surdimensionnés ne plairont pas à tous, le canon est long et le prix, proche des 5 900 €, élevé. Mais cette arme apporte de nouveaux et réels avantages et, qui plus est, devrait s’avérer une excellente carabine de battue (cf. encadré p. 54), ce qui, on le sait, est souvent synonyme de succès en France !