C’est quoi une carabine précise ?
Ce qui est normal, ou pas
Ce qui est normal, ou pas
S’il n’y a presque plus de carabines imprécises à la sortie d’usine, rien ne les empêche de se dérégler ou de perdre en précision suite à une sortie de chasse ou de mal digérer les balles que vous avez choisies. A partir de quand doit- on s’inquiéter ?
Si vous êtes, comme moi, un chasseur expérimenté – ainsi que l’on désigne ceux dont les tempes grisonnent et dont les bras ne sont jamais assez longs sitôt qu’il faut lire, sans lunettes, des petites lignes sur un imprimé – et affichez plus de 30 à 35 permis de chasser, vous avez connu l’ère des carabines à la précision parfois « caractérielle », pour rester courtois. Nul besoin en effet d’avoir côtoyé Jeanne Calment petite fille pour en avoir été témoin, il suffit de remonter un peu en arrière. Bon, oui, jusqu’au siècle dernier, dans les années 1950 à 80, voire plus récemment parfois, quand les techniques de fabrication n’étaient pas optimales, les aciers employés pas les meilleurs, les compétences pas suffisantes, ou encore quand nombre de carabines de chasse étaient en fait des Mauser de guerre reconditionnées de façon apocryphe. Il arrivait alors que des carabines à verrou aient du mal à tenir un pigeon d’argile à une petite centaine de mètres. Si, si, je vous assure, cela arrivait.
Une balle à garder
Voilà aussi pourquoi, jusqu’au début des années 90, la plupart des armes à verrou neuves étaient systématiquement fournies avec une cible et un groupement obtenus avec une balle donnée qu’il valait mieux par la suite faire sienne si on voulait éviter une trop grande dispersion des impacts. Le choix de balles, comme de calibres, était heureusement assez limité, et vous n’aviez finalement que peu de raisons de changer. A défaut de faire une vraie sélection raisonnée, on se rabattait sur celle du fabricant
de la carabine. A cette époque d’ailleurs, les meilleures armes rayées, entendez les plus chères, étaient souvent celles dotées des meilleurs canons. Cela ne signifie pas que toutes les carabines de petit prix tenaient plus de l’arrosoir que du rayon laser, mais globalement c’est là aussi que se jouait la hiérarchie entre fabricants. Pour mieux afficher son placement dans cette hiérarchie, Steyr-Mannlicher, par exemple, ne polissait pas les traces de martelage à froid sur le contour de ses canons, comme une signature, voire un gage de précision.
On passe sous la minute d’angle
Puis peu à peu, de manière plus nette à partir des années 90, quasiment toutes les carabines se sont rapprochées d’un standard, un cercle de 3 à 4 cm à 100 m dans lequel elles se devaient de loger toutes leurs cartouches. Un standard que les Américains ont transformé en argument commercial avec leur fameux slogan « SubMoa », qui signifie que l’arme groupera quoi qu’il arrive ses balles dans un cercle de 2,9 cm à 100 m ou 6 cm à 200 m, à condition que le tireur soit lui aussi à la hauteur de cet objectif. Toutes les carabines ont fait leur cette « règle », même celles vendues moins de 1 000 € avec un montage optique fixe et une lunette de type 3-9 x 40. Toutes les armes et tous les canons ne se valent pas pour autant, loin de là, mais globalement tous devraient vous assurer de tenir à 100 m ce fameux cercle de 3 cm ou un « H + L » honnête, comme vous le découvrirez dans l’article page 50. Si toutes les carabines sont désormais précises, quelle est la raison d’être d’un dossier intitulé « Une carabine toujours plus précise » ? Parce qu’entre la théorie et la pratique il y a un monde, peuplé d’incertitudes, d’échecs et de surprises plus ou moins bonnes et parce qu’avec le temps, les affres d’une utilisation intense et pas toujours précautionneuse, il arrive que cette précision s’érode et avec elle la confiance que l’on a dans son arme. Une pluie intense peut faire jouer votre crosse et transformer votre carabine en un disperseur de plombs aléatoire, qu’il faut alors réparer. En outre, l’univers des armes rayées a considérablement évolué ces dernières années et de nombreuses menaces pèsent sur le délicat équilibre qui existe entre trois balles qui se touchent à 100 m et trois autres séparées de 2 ou 3 cm. S’il n’y a plus véritablement de carabines de chasse imprécises, il existe toujours des sources d’imprécision qui peuvent vous gâcher la saison de chasse. Ainsi, une carabine trop légère – celle dont paraît-il nous rêvons tous puisque nous sommes les thuriféraires européens des armes light – est non pas moins précise qu’une carabine lourde mais plus difficile à rendre précise, pour le fabricant comme pour le tireur. Car pour être précise, une arme doit être rigide, la partie mécanique et le canon solidement arrimés à la crosse, faute de quoi il sera difficile pour ne pas dire impossible de parvenir à obtenir en cible des impacts similaires et groupés. Bien des firmes se sont cassé les dents, à commencer par la vénérable Mauser. Pour avoir oublié cette règle fondamentale, le fabricant a dû enterrer sa M03 Light sur laquelle il avait travaillé plusieurs mois et qu’il avait dévoilée et présentée à grand renfort de publicités et plans marketing lors de l’Iwa 2009. Cela ne remet pas en cause la précision des carabines légères. Le dossier que nous leur avons consacré en début d’année (« Les cinq carabines les plus légères du marché », Armes de Chasse n° 73) faisait au contraire la démonstration que des armes de moins de 2,5 kg pouvaient être de redoutables outils de précision à condition de respecter certaines règles.
Abondance de biens… nuit souvent
A tout cela s’est plus récemment ajouté un casse-tête supplémentaire pour le chasseur en quête de la plus grande précision possible : l’émergence d’un nombre incroyable de nouvelles balles. Là où en 1980 vous aviez le choix entre cinq à dix balles pour votre carabine, c’est une cinquantaine de munitions qui s’offrent désormais à vous. De plus, ces balles sont maintenant proposées, pour un calibre donné, dans un éventail de poids de plus en plus important, avec généralement un allégement de la masse du projectile. L’arrivée des sans-plomb, des balles de plus en plus pointues ou longues parce que trop légères aux dimensions habituelles, a également changé la donne. Et certains canons anciens, de l’époque où les balles ressemblaient pourtant à de longs crayons volants mais à bout rond, ne tolèrent pas ces nouveaux projectiles. Pas simple… Mais une solution pour faire face à ce choix pléthorique peut être d’adapter le poids de la balle que vous tirez aux rayures de votre canon et ce faisant tirer le meilleur parti de votre arme, comme nous allons tâcher de vous l’expliquer dans le prochain volet de ce dossier. Ensuite, nous verrons quelles sont les pistes que vous pouvez explorer pour rétablir la précision initiale de votre arme ou trouver celle que vous souhaitez. Bien sûr, toutes ces bonnes idées ne feront pas de vous un « sniper né ». Aucune fée ne s’est penchée sur votre berceau pour que vous deveniez une fine gâchette, tandis qu’elle ignorait superbement votre voisin de couffin. L’entraînement est le seul garant de bons résultats en cible. C’est d’ailleurs par la répétition des essais et des tirs que l’on peut constater qu’une carabine ne tire plus très droit. Connaître son arme, connaître le tireur que nous sommes, voilà ce qui améliore nos résultats. La prise de visée, le blocage de la respiration, la saisie de l’arme, le contact avec la queue de détente et le lâcher sont autant d’éléments indispensables à la précision d’une arme. Attention, être précis ne signifie pas frapper la mouche à chaque tir ou faire un seul trou avec cinq balles à la suite. Tant mieux si cela arrive, mais le but véritable est de tenir en toutes circonstances un cercle de 4 à 5 cm à la chasse. La précision, c’est aussi la constance que nous sommes capables de tenir au fil des tirs.