Chokes en stock
Longs, courts, ouverts, serrés, le casse-tête du choix du rétreint
Longs, courts, ouverts, serrés, le casse-tête du choix du rétreint
Les fusils modernes sont dotés de chokes amovibles. Un atout pour faire face à toutes les situations. En théorie… Car une fois deux chokes vissés, il est rare qu’on les change. Pour ne rien arranger, la combinaison choisie est souvent trop serrée !
Le choix d’une combinaison de chokes, qui peuvent être courts ou longs, à constriction conique ou d’autre forme plus ou moins complexe, met en jeu des notions balistiques difficiles et multiples. Faute de les maîtriser, nous commettons pas mal d’erreurs, dont la principale est de nous baser sur le choke le plus serré, alors que, dans 99 % des cas, c’est du plus ouvert que nous devrions partir. Si la longueur d’un canon lisse a peu d’effet sur la vitesse, la musique change lorsqu’il est équipé d’un full choke : non seulement sa longueur influence la vitesse, mais elle entraîne une plus grande dispersion des plombs, comme l’a depuis longtemps démontré l’expérience de la roue de Griffith (tir sur un disque en rotation). Par conséquent, pour un calibre 12, une combinaison trois quarts et quart serait bien plus appropriée que le full et demi que l’on voit partout. Nous maintenons une convention ancienne venue d’un temps où le petit gibier sauvage abondant nécessitait un tir rapide et ouvert, avec des cartouches « bon marché ». Depuis une cinquante d’années, les poudres et les cartouches s’améliorent constamment et l’emploi de cartouches « hautes performances » s’est généralisé. La recherche de nouveaux gibiers sauvages (pigeon en particulier) ou la législation du sans-plomb au gibier d’eau ont contribué à la vogue du tir lointain, avec de « grosses » cartouches pour lesquelles le full n’est pas forcément approprié.
Misez sur le premier coup
Pour bien choisir sa combinaison de chokes, il faudrait revenir au bon vieux tir à la plaque, comme nos anciens, qui contrôlaient la compatibilité de leur fusil avec les cartouches qu’ils s’étaient roulées à la main, comme le « gris » , à forte dose de papier journal ! Ceux qui ont un peu de bouteille se souviendront que l’ar murier du coin, souvent un vieux bonhomme en blouse grise au cheveux blanchis sous le harnais d’antédiluviennes ouvertures générales, leur demandait quelles cartouches ils comptaient utiliser avant de leur vendre un fusil réglé à l’étranglement souhaité et non d’entrée pour les « coups de longueur ». Souvent, le brave artisan commercialisait une cartouche au
nom le plus évocateur possible, pour la « réclame », qu’il fallait impérativement utiliser pour garantir la constance des performances. La gamme de chokes qui nous est proposée avec nos fusils modernes est trop souvent utilisée au petit bonheur la chance. Le full est systématiquement retenu pour les tirs lointains, alors qu’il ne s’agit que de notre deuxième coup. Perdons l’habitude de miser sur ce full censé récupérer l’affaire en cas de raté et tâchons de réfléchir au choke de notre premier coup, qui bien choisi fera effectivement la différence. Miser sur un second tir, de rattrapage si on veut, va à l’encontre de la réussite et de l’esprit d’un tir de compétition. C’est une chose de ne pas se prendre pour un champion du tir, ce peut être une bonne idée de s’imprégner du mental des tireurs sportifs. Un entraînement au balltrap est l’occasion d’entrer de plainpied dans cette philosophie d’un premier coup absolument efficace. Une combinaison de chokes se détermine sur la base du premier coup, celui qui marche le plus souvent et à coup sûr.
Choisissez une fois pour toutes
Mais que choisir pour ce premier coup ? Nul ne peut le déterminer à votre place, vous seul savez ce qui convient à votre fusil, puisque cela varie d’une arme à l’autre, et à votre façon de tirer. Est-il nécessaire d’ouvrir un maximum, jusqu’au skeet, ce tir initial ? Certains n’hésitent pas à le dire et ne s’en portent pas plus mal après des années de pratique. La taille du gibier joue certainement, mais c’est toujours la confiance dans l’outil que vous employez qui fera tomber aussi bien la frêle bécassine que le lourd faisan. C’est pourquoi, quel qu’il soit, tenez-vous à votre choix et cela quelles que soient les cartouches employées, même des charges lourdes. Si vous passez sans cesse d’un rétreint à l’autre, vous tâtonnerez dans vos mouvements sans pouvoir vous concentrer sur le geste
que vous savez devoir reproduire et que vous rendrez de plus en plus sûr au fil des tirs.
Les débuts du bout
L’histoire des chokes amovibles commence en 1866, avec l’armurier américain Sylvester Roper qui le premier en conçoit le principe, repris ensuite par le britannique J. S. Heath en 1880. L’idée est alors largement décriée pour son caractère inesthétique et néanmoins très vite adoptée aux Etats-Unis par le colonel Richard Cutts, connu pour être l’inventeur du compensateur de recul, qui équipa le PM Thomson (la mitraillette d’Al Capone), mais également, on s’en souvient moins, la Winchester 97. En 1929, Cutts vend ses droits à la firme Lyman Gunsights qui adopte immédiatement en sus de son compensateur ses chokes amovibles de différentes longueurs, très prisés des tireurs sportifs, notamment au skeet, pour les 15 à 30 % de réduction de recul qu’ils apportent lors de tirs intensifs. Il faut attendre 1961 pour que le principe gagne l’Europe, quand Winchester met en vente de série des Winchokes internes sur son modèle 59, le Versatile. L’équipement ne rencontre pas un franc succès, mais on le retrouve quatre ans plus tard sur le modèle 1200 (pompe) et surtout le SA 1400 promis lui à une belle carrière. Du côté des chokes amovibles, les premiers fusils à en être dotés sont italiens, chez Breda et Perazzi, avec son MX8. En France, Verney-Carron sera le premier à les adopter pour certains de ses modèles. La fin des sixties est marquée par l’avènement des nouveaux semi- automatiques ( chez Franchi et Beretta pour les européens) venant piétiner les platesbandes de l’antique Auto 5, mais aussi des modèles de ball-trap et des grosses cartouches destinées au gibier d’eau. L’éventail des chokes, qui jusque-là se limitait au lisse, quart, demi, trois quarts et full, s’étend alors au gré de la demande des tireurs sportifs. Voilà qui explique que certains fabricants de chokes vous proposent aujourd’hui jusqu’à douze rétreints pour une seule arme ! Le système, autrefois régi chez Browning par de simples astérisques, se chargea de tirets pour des crans en dessous des valeurs anciennes. Et quand il ne fut plus possible d’ajouter astérisques et tirets, on créa encore une nouvelle codification avec de simples lettres, comme C ou S pour
cylindrique et skeet. Ce système
anglo-saxon (américain en fait) est devenu quasi universel au fil du temps (cf. encadré p. 93).
Un profil sympathique et très vintage
Les chokes externes à visser au bout du museau firent alors leur apparition sur les semi-autos européens. D’allure désuète, leur efficacité et leurs atouts par rapport aux actuels chokes internes standards étaient bien réels. Ils avaient la longueur et les performances de nos chokes longs, mais sur des canons courts, de 62 cm le plus souvent. Ils protégeaient mieux le canon en cas de coup et étaient plus
faciles à identifier, avec toutefois une tendance à se desserrer, surtout sur les systèmes à long recul. Pour vous y retrouver dans ces appendices, souvenez-vous que plus c’est long, plus c’est serré ! Les chiffres poinçonnés (quand ils existent) correspondent à ces équivalences : O = lisse ; 0,25 = quart ; 0,50 = demi ; 0,75 = trois quarts ; 1 = full. D’usine, la bande ventilée se prolongeait d’un petit ressort engrenant sur un léger crénelage ad hoc. Le rapide geste de vérification et de revissage éventuel en fin de chasse incitait à bien entretenir l’ensemble et à remettre au besoin une larme de graisse blanche.
Ces « nez » à rallonge donnaient à ces petits fusils une sympathique et très seventies silhouette de seringue. Il est rare que la panoplie de godets nous parvienne complète et empilée comme à la parade quand on hérite d’un de ces jolis semi-autos ou qu’on en acquiert d’occasion. Ce n’est pas un problème, puisque, figurez-vous, ils restent tous disponibles, et pour pas cher, qui plus est en France, à l’armurerie Chasse Tir Malin (Luçon), spécialiste des chokes, ou à la maison mère chez Gemini en Italie et sur leur sites Internet respectifs. De quoi faire un réassort qui vous donnera un look rétro et à la mode, le vintage étant dans l’air du temps.
Chasse et pêche
L’allongement du canon s’est peu à peu imposé pour les tirs lointains. Un tube de 70 cm reste la longueur standard, mais 74 cm et plus (jusqu’à 86 parfois au ball-trap) sont appréciés dans certains domaines de tir au poste, pigeon ou gibier d’eau. La longueur du canon facilite la précision de la visée, aussi bien au posé qu’au tir lointain au vol. Pourtant, en dépit de leur omniprésence, les rallonges passent pour « ringardes » depuis que la bille d’acier, en diminuant de moitié la valeur des chokes, fait les beaux jours des chokes « spéciaux » (Briley, Teague, Kicks, etc.), fabriqués aux Etats-Unis et en Angleterre dans des conditions draconiennes d’usinage. Néanmoins, en parcourant les annonces sur le Net, on se rend compte que tout le monde continue de faire des rallonges de canons (ATA, Baïkal, etc.) et qu’il existe même des armes dont le canon fait d’entrée 90 cm, à l’image du Fabarm XLR Supergoose. On retrouve l’esprit du Marlin Goose à verrou qui se chargeait comme une carabine, dont se souviennent avec émotion les coureurs de grèves des années 70. La palme côté « canne à pêche » revient à Verney-Carron qui, il y a une dizaine d’années encore, proposait d’ajouter à son V12 N une rallonge ABR de 82 cm ! Faites le calcul, sur un canon déjà long de 76 cm, ça faisait une perche de 1,58 m pour une longueur hors tout de 2,10 m. De nos jours, la marque stéphanoise propose toujours, pour le Matrix, une rallonge de 10 cm, qui fait son prix (80 € le petit bout d’acier). Ces longueurs extrêmes ne semblent plus justifiées avec les poudres modernes qui ne nécessitent plus de telles dimensions pour pousser les charges les plus communes. Du reste, elles ne rencontrent guère d’amateurs, la disparation rapide du semi-auto Supergoose du marché canadien en est la preuve. Le général Journée, déjà, posait la limite de 76 cm pour l’utilisation de la bonne vieille poudre T. Le tir au vol devient ardu avec un canon allongé à l’excès, du fait d’un fort déséquilibre vers l’avant. La limite tourne, comme sur les pas de tir, autour de 86 cm. Pour tirer loin, l’utilisation d’une perche est injustifiée, surtout avec le choix considérable de bonnes cartouches qui s’offre désormais à nous. Il est temps d’affiner le choix de vos chokes et de votre cartouche au fil des entraînements et sorties de chasse. Vous verrez que la bonne adéquation pour vous et votre arme s’imposera comme une évidence.