Armes de Chasse

Portrait-robot de la balle idéale

Nous vous présentons le projectile de nos rêves

- Dominique Czermann

La bonne balle de battue ? C’est celle qui tue, mon bon monsieur, un point c’est tout ! Certes, mais alors que toutes les balles ont été conçues dans ce but, certaines « tuent mieux » que d’autres. Dessiner un portrait de la balle de battue parfaite ne relève donc pas de l’évidence, mais bien de l’acte utile !

Un journalist­e, même spécialisé dans la chasse, ne peut pas s’improviser concepteur de balles. Il a juste emmagasiné pas mal d’expérience et d’observatio­ns pour pouvoir se faire une idée assez juste de ce qui définit une « bonne balle de battue ». Bien entendu, d’autres facteurs que ceux relevant de la technique pure influent sur les choix de chacun. Je vous invite donc à prendre ma démonstrat­ion pour ce qu’elle est : un petit exercice théorique où vous pourrez utilement puiser pour définir la munition qui sera optimale pour vous.

Partir du contexte de nos battues

La balle de chasse est faite pour tuer « le plus proprement possible ». Cette constatati­on nue et crue mérite analyse. En battue, surtout aujourd’hui où le sanglier est devenu une véritable peste, le chasseur est confronté à des gibiers de taille, poids et résistance hétérogène­s. Les animaux se présentent sous des angles variés qui rendent nos tirs rarement semblables à ceux présentés dans une série vidéo bien connue. Selon l’endroit où nous chassons, les sangliers seront tirés à 10 ou à 150 m, voire plus, la fenêtre de tir pourra faire 2 m comme 20. Concevoir une balle qui soit efficace dans des situations aussi diverses s’annonce hautement compliqué. Gardons ce préalable en tête et voyons quels principes concourent au bon comporteme­nt d’une balle.

Tuer vite et bien un animal aussi résistant que peut l’être un sanglier, une fois admis que le placement de la balle est bon et qu’elle est d’un calibre adéquat, impose que cette balle pénètre en droite ligne dans la zone vitale tout en expansant de façon conséquent­e et régulière. Ce sont les deux conditions pour générer une destructio­n optimale de cette zone, provoquant une hémorragie brutale qui stoppera l’alimentati­on en oxygène du centre de contrôle. Nous retenons donc dans les paramètres premiers de notre portrait-robot la pénétratio­n et l’expansion.

Côté pénétratio­n, il faut (ou faudrait) a minima que la balle puisse traverser entièremen­t la zone vitale, même après avoir cassé une grosse côte, et vienne se poser contre la peau du côté opposé à l’entrée. Pour que cette condition soit remplie, l’expansion doit être contrôlée afin que celle-ci ne soit pas trop importante, ce qui limiterait la pénétratio­n. L’expansion joue un rôle primordial dans l’efficacité vulnérante en profondeur du projectile. La pointe de la balle doit permettre le passage à travers boue séchée, poils, peau et lard sans que la balle expanse trop avant de rencontrer les côtes et les tissus vitaux. Pour cela, le fabricant joue sur la dureté de l’alliage, l’épaisseur de la chemise (qui sur des balles simples ne sera pas cannelée), la taille de l’entrée de la cavité d’expansion ( pointe creuse), il emploie ou pas une coiffe balistique ou un repli de la chemise (Norma Vulkan).

Une fois les premiers obstacles franchis, la balle doit expanser pour créer une cavité permanente la plus importante possible dans les organes très vascularis­és et détruire si possible les « gros tuyaux ». Pour arriver à ce résultat, les concepteur­s et les utilisateu­rs ne sont pas souvent d’accord, ce qui explique le large éventail de structures de nos balles de chasse.

Toutes les façons d’expanser

L’expansion peut se faire à la façon classique des bonnes vieilles balles lourdes et lentes de calibre conséquent. La pointe se désagrège, permettant à la chemise et au noyau de s’écraser ; la balle prend une forme de champignon dont le diamètre varie avec la vitesse à l’impact, les tissus et os rencontrés. Dans tous les cas, la dimension sera de 1,5 à 2 fois le calibre (Core Lock, Alaska, T-Mantel). Pour garantir ce type d’expansion et une pénétratio­n profonde, il faut une vitesse initiale raisonnabl­e, si possible sous les 830850 m/s en fonction des calibres. Toujours au rayon des balles classiques, il existe un second mode d’expansion, plus violent, entraînant une désintégra­tion importante de la partie avant, voire au-delà. Il concerne des balles plutôt destinées au tir d’animaux arrêtés et moyennemen­t protégés, mais peut se révéler redoutable en battue sur un animal frappé au niveau coeur-poumons. Ce type d’expansion s’apparente à une « explosion », entraînant une mort rapide et spectacula­ire. C’est en tout cas ce qui se produit dans le scénario idéal, dans les autres, il peut entraîner une expansion prématurée et/ ou une pénétratio­n réduite.

Ces deux familles de balles déjà anciennes ont conduit à pas mal de déboires. Il fallut chercher des recettes plus efficaces. Les Allemands, avec Wilhelm Brenneke (cf. encadré p. 28) et les ingénieurs de la DWM, furent les précurseur­s dans ce domaine et ont réussi à mettre au point des balles qui n’ont rien perdu de leur efficacité et de leur modernité. Décriée par certains chantres d’une vérité unique, la H- Mantel joue sur l’expansion violente et la désintégra­tion d’environ 50 % de la balle. Les noyaux sont séparés par un repli de la chemise ( mantel, « manteau »). Côté américain, la Nosler Partition, conçue en 1948 par John Nosler, part à peu près du même principe. Ces balles qui n’ont pas été conçues pour la battue ne s’en sont pas moins révélées exceptionn­elles dans les chasses françaises avant l’arrivée du « cuivre » et du noyau soudé.

Du cuivre, des soudures, des anneaux…

Du côté des balles en alliage cuivreux, la Sologne GPA a été développée spécialeme­nt pour les tirs de battue. Elle associe une expansion violente à une désintégra­tion contrôlée, la pétalisati­on, qui crée quatre canaux lésionnels complément­aires en forme de cône autour du canal principal. Le résultat est redoutable. La séparation des pétales entraîne une forte

libération d’énergie engendrant une importante cavité temporaire. Le corps continue sa course généraleme­nt en droite ligne et ressort alors que les pétales restent dans l’animal (dans 95% des cas). La GPA subit aussi les foudres des mêmes donneurs de leçons qui s’alarment de la dangerosit­é de ses pétales. Cette accusation relève d’une quasi-ignorance de la balistique terminale et de la physique, en premier lieu les lois de conservati­on de l’énergie. La Tag de Brenneke est aussi une balle à désintégra­tion partielle. Pour être efficaces, l’une comme l’autre ( comme tout projectile en alliage cuivreux) nécessiten­t de la vitesse. Toujours pour combiner expansion et pénétratio­n, deux types de balles ont été développée­s entre 1964 et 1985 : celles à noyau soudé et celles en cuivre pur ou allié pour arriver à celles que nous connaisson­s aujourd’hui (TSX, GMX, Oryx, Evo, A-Frame, etc). Hornady avec ses Interlock a choisi une voie plus simple pour conserver une masse importante et une forte expansion : un anneau interne qui verrouille noyau et chemise. La même constructi­on se retrouve sur la Norma Tip Strike. Speer et aujourd’hui Federal recourent à la déposition moléculair­e du cuivre sur le noyau de plomb en faisant varier l’épaisseur de ce dépôt et la dureté du noyau. En 2003, Brenneke a sorti la Tog qui combine le noyau soudé à ceinture interne pour une expansion totalement contrôlée.

Si la plupart des balles monométall­iques en alliage cuivreux sont conçues pour s’ouvrir en forme de X ou de champignon, d’autres sont conçues pour une désintégra­tion partielle. C’est le cas de la GPA et de la Tag déjà évoquées, et d’autres encore qui connurent une carrière limitée, comme la Kalahari, les Bionics Black ou Yellow ou quelques américaine­s ou sud- africaines inconnues chez nous. Quant à la Fip Battue, avec sa ou ses flèches internes et son alliage spécifique, elle ne « pétalise » pas et s’ouvre de façon plus convention­nelle que les balles X. L’expansion est importante et moins tributaire de la vitesse d’impact (tout comme les Tag et GPA) que les balles américaine­s. Vous savez tous ce que signifient une pénétratio­n et une expansion conséquent­es, un canal lésionnel important, avec peu d’éclats, et une sortie quasi certaine. Il faut cependant retenir que toutes ces balles sont destinées à un usage polyvalent (à l’exception des GPA et Fip Battue), même si les balles européenne­s se révèlent proches de ce qui définit une bonne balle de battue.

Vous pouvez répéter la question ?

« Justement, il ne nous a toujours pas dit ce qu’était une bonne balle de bat

tue… » , pensez-vous à cette seconde. N’ayez crainte, je n’ai pas perdu mon sujet en route, on y vient !

Partant de notre constat que le tir de battue présente de nombreux aléas mettant à mal les projectile­s, ce qui nécessite une pénétratio­n et une expansion parfaites, je vais vous « dessiner » ma bonne balle de battue.

Le calibre sera au minimum de 6,5 mm sans limite supérieure autre que celle dictée par la raison et la résistance au recul. La balle sera de type flat base

(avec chanfrein arrière réduit). Jusqu’à 300 m le boat tail (arrière fuyant) n’a que de peu d’utilité. Le corps de la balle sera long pour un bon guidage dans le canon et une capacité à supporter différente­s vitesses et pas de rayures afin de délivrer une excellente précision utile. Cette chemise ira en s’épaississa­nt vers sa base. Une ceinture interne garantira le maintien du noyau, mais on pourra s’en passer si ce dernier est soudé. Dans certains calibres, comme les 7 mm, .30 et 8 mm, il serait intéressan­t, à poids égal, de disposer de deux balles d’épaisseur de chemise différente, adaptées aux munitions standards et magnum – vitesses d’impact. (Mais là je rêve !) Les flancs du corps de la balle seront le plus parallèles possible jusqu’à l’ogive, qui sera assez réduite et de préférence tangente. Il est prouvé depuis plus d’un siècle que les balles dotées de flancs parallèles dévient moins après l’impact. Au niveau de l’ogive, une forme tangente pose moins de problèmes dans les chambres standards qu’une sécante. Ceux qui tirent comprendro­nt facilement. Il est pratiqueme­nt certain que là réside l’orgine des problèmes de précision rencontrés par des balles Hornady à ogive sécante dans différente­s armes de chasse. La pointe pourra être creuse ou non. Si elle l’est, une coiffe en polycarbon­ate protégera la cavité afin d’éviter qu’elle se bouche à l’impact, ce qui peut soit

la faire se désintégre­r, soit se comporter comme une blindée. Si l’extrémité du noyau est apparente, elle ne devra pas dépasser de la chemise et cette dernière devra posséder un repli protégeant le plomb. Les balles seront ainsi moins déformées lors des chambrages répétés et sous l’effet du recul, la transmissi­on du choc sera améliorée. Même si ce choc en lui-même ne tue pas (sauf en de rares exceptions), il complète le travail mécanique de la balle. L’expansion devra être garantie sur une large plage de vitesses et atteindre 1,3 à 2 fois le calibre original en fonction du diamètre d’origine, cela aux distances usuelles de battue (jusqu’à 150/200 m).

Le petit plus

La balle pourra aussi posséder un renfort externe tranchant sur la chemise afin de couper les poils lors de l’impact pour une meilleure efficacité du tir. Ce rebord joue aussi le rôle d’emporte-pièce et évite que la plaie ne se referme, libérant du sang. L’artifice est très employé sur les balles allemandes, y compris les plus modernes, et fort apprécié des conducteur­s de chiens de rouge. Il est communémen­t ad mis qu’une bonne balle de battue doit ressortir le plus souvent possible quel que soit le gibier. Cela facilite la recherche, avec ou sans chien de sang, de l’animal blessé en cas de tir mal placé.

Certains chasseurs préfèrent toutefois que 100 % de l’énergie et du travail produits soient dépensés dans l’animal (même si l’énergie résiduelle en sortie est infime). Pour eux, il existe notamment des balles chemisées à forte expansion et désintégra­tion partielle, comme les Extreme Point. La version en 11,7 g de calibre .30 apparue cette année devrait se montrer supérieure à la version légère de 9,7 g, avec à la clé une pénétratio­n plus profonde et plus de chances qu’elle traverse à courte distance. Pour avoir recommandé cette déclinaiso­n à Winchester lors de la sortie de l’Extreme Point en 2016, mon ego est plutôt flatté de la voir arriver.

Il faut enfin intégrer le paramètre du coût, puisque la meilleure des balles ne sert à rien si elle est inaccessib­le au commun des chasseurs. Or les balles techniques ou spécialisé­es sont onéreuses et le porte-monnaie reste souvent le décideur final.

La perfection (ou presque)

La conclusion de tout cela ? La balle de battue spécifique et optimale n’existe pas encore ! Si vous tirez du cuivre et que l’alimentati­on est parfaite dans votre arme, la GPA, la Fip Battue et la Tag s’en approchent, tout comme une Naturalis ou une ETX. Si vous préférez une chemisée, les balles de Brenneke

Tig, Tug (Uni/ID Classic chez RWS) sont toujours là. Suivant le calibre et la disponibil­ité, les Oryx, Partition, Tip Strike, A-Frame (liste non exhaustive) sont de vraies valeurs sûres. Les Brenneke Tog ou RWS Evo apportent le petit plus du rebord tranchant, avec une coiffe de protection de la pointe pour l’Evo. Si vos tirs sont souvent longs et que vous tenez absolument au rebord tranchant, au boat tail et à un coefficien­t balistique d’obus anti-char, la nouvelle Speed Tip Pro et son double noyau sont faits pour vous. Chacune de ces balles possède plusieurs des artifices qui en font des bonnes balles de battue. Sans être la perfection, elles s’en approchent et sont à mon avis supérieure­s à la majeure partie des balles américaine­s. Le choix vous appartient.

Vous le savez, la « balle parfaite » est celle que le tireur place parfaiteme­nt. Seule cette condition détermine l’issue de la chasse par une mort rapide et vous préserve d’une recherche plus ou moins longue et d’une fin moins « humaine » pour l’animal. Dès lors que le calibre et la balle sont en adéquation, il apparaît illusoire de s’en remettre à la technique et de chercher indéfinime­nt la balle « magique » . L’entraîneme­nt reste la clé de nos réussites ou de nos échecs.

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 ??  ?? La cartouche et sa balle que vous allez glisser dans votre chargeur sont-elles capables de vous assurer un résultat optimal en battue ?
La cartouche et sa balle que vous allez glisser dans votre chargeur sont-elles capables de vous assurer un résultat optimal en battue ?
 ??  ?? Les balles hyper profilées et rapides pour le tir sont devenues un archétype de la balle moderne, mais attention, elles ne conviennen­t pas vraiment à courte distance ou à la chasse.
Les balles hyper profilées et rapides pour le tir sont devenues un archétype de la balle moderne, mais attention, elles ne conviennen­t pas vraiment à courte distance ou à la chasse.
 ??  ?? Une pointe plastique qui joue le rôle d’initiateur d’expansion, des cannelures, une base presque plate on se rapproche de nos critères.
Une pointe plastique qui joue le rôle d’initiateur d’expansion, des cannelures, une base presque plate on se rapproche de nos critères.
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 ??  ?? Faut-il privilégie­r les balles capables d’atteintes aussi spectacula­ires ? Probableme­nt pas. Celles à noyau soudé font moins sensation, mais fonctionne­nt de manière constante en tout temps et en tout lieu en provoquant hémorragie et lésions profondes.
Faut-il privilégie­r les balles capables d’atteintes aussi spectacula­ires ? Probableme­nt pas. Celles à noyau soudé font moins sensation, mais fonctionne­nt de manière constante en tout temps et en tout lieu en provoquant hémorragie et lésions profondes.
 ??  ?? Avec cette illustrati­on, RWS montre l’évolution de ses balles de battue au fil du temps. On constate que la balle est de plus en plus fine… Est-ce un bien en battue où l’on recherche expansion et pénétratio­n ?
Avec cette illustrati­on, RWS montre l’évolution de ses balles de battue au fil du temps. On constate que la balle est de plus en plus fine… Est-ce un bien en battue où l’on recherche expansion et pénétratio­n ?
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 ??  ?? Sur la Norma Vulkan, un repli de la chemise protège la pointe creuse.
Sur la Norma Vulkan, un repli de la chemise protège la pointe creuse.
 ??  ?? La GMX de Hornady a été utilisée pour la création d’une gamme Full Boar (« complèteme­nt sanglier »), adaptée à nos besoins.
La GMX de Hornady a été utilisée pour la création d’une gamme Full Boar (« complèteme­nt sanglier »), adaptée à nos besoins.
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 ??  ?? La Fip de Sauvestre est l’une des meilleures balles en cuivre du marché. Elle est réellement adaptée à la battue, la preuve, elle s’appelle « Fip Battue ».
La Fip de Sauvestre est l’une des meilleures balles en cuivre du marché. Elle est réellement adaptée à la battue, la preuve, elle s’appelle « Fip Battue ».

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