Armes de Chasse

Maîtriser le sanglier courant

Les secrets du champion de l’Open de France

- Propos recueillis par Laurent Bedu

Raphaël Beaudonnet a remporté cette année l’Open de France de sanglier courant, dont la finale s’est tenue à Lamotte-Beuvron le 16 juin dernier, dans le cadre du Game Fair. Avec neuf participat­ions à cette épreuve et plusieurs places d’honneur, il nous offre un peu de son expérience et de ses trucs pour mieux tirer en battue.

Raphaël Beaudonnet, vous êtes cette année le grand gagnant de l’Open de France de sanglier courant organisé par la Sidam. Avec quelque

150 participan­ts à chaque finale, l’épreuve connaît un grand succès et place haut la concurrenc­e. Vous avez peut-être des secrets à confier à nos lecteurs pour les mettre sur la voie de la victoire…

Raphaël Beaudonnet : Certaineme­nt, mais j’ai peur que ce soit des secrets connus de tous : de la persévéran­ce et un peu d’entraîneme­nt…

Un peu ou beaucoup d’entraîneme­nt ? R. B. : Ce n’ai pas une formule, je parle bien d’un peu d’entraîneme­nt, je ne tire pas des milliers de balles chaque année.

Vous évoquez également la persévéran­ce, est-ce que cela signifie que vous avez derrière vous de nombreuses participat­ions à l’Open de France ?

R. B. : Oui, je m’y suis inscrit pour la première fois en 2010 et je n’ai pas manqué une seule édition depuis. C’est donc ma neuvième participat­ion et je compte bien continuer encore longtemps.

Quels ont été vos résultats au fil de ces neuf participat­ions ?

R. B. : J’ai réussi à me hisser à la deuxième place ex- æquo à deux reprises, mais à chaque fois j’ai perdu aux barrages et j’ai terminé quatrième, la plus mauvaise place. Jusqu’à cette année, je n’avais jamais réussi à monter sur le podium. J’avais également obtenu des places de septième. Mon plus mauvais classement a été une quinzième place, sur une moyenne de 150 participan­ts, comme vous le précisiez.

A quoi attribuez-vous votre victoire cette année ?

R. B. : A une plus grande confiance que les années précédente­s. Sur les tirs réguliers, on sort toujours une balle lors de ce type d’épreuve. Il y a toujours un tir qui vous échappe, qui est moins bon ou carrément raté, c’est là que se fait la différence et se joue la victoire ou la défaite. Le jour où on réalise le sans-faute, on peut prétendre à la victoire. Les cibles de sanglier courant mises au point par la Sidam pour l’Open de France sont difficiles, faites de telle sorte qu’une légère erreur de visée vous vaudra de faire un zéro au lieu d’un huit. A ce jeu, on a vite fait de perdre de nombreux points. En entraîneme­nt, sur les mêmes cibles et dans des conditions identiques, je fais 76 points de moyenne. Mon record personnel est de 91 points sur 100. Cette année, j’ai gagné avec 82 points. J’étais confiant parce que j’avais fait beaucoup de bons scores à l’entraîneme­nt. Lors de la finale, deux balles m’ont échappé, mais fort heureuseme­nt elles ne sont pas parties trop loin et ne m’ont pas coûté trop cher.

Comment se déroulent vos séances d’entraîneme­nt ?

R. B. : Comme je vous le disais, je m’entraîne assez peu, pour la simple et bonne raison que je consacre en priorité mon temps libre à la chasse. A l’entraîneme­nt, je tire une moyenne de 300 à 400 munitions de gros calibre par an, c’est-à-dire des cartouches de chasse, et de 400 à 500 balles de .22 LR. Je tire ces .22 LR sur sanglier courant. Je me place à 35 m au gros calibre et au petit à 50 m, une distance imposée puisque le tir au sanglier courant à la .22 LR est une discipline de la Fédération française de tir et en tant que telle est codifiée et réglementé­e. Je participe chaque année à plusieurs épreuves dans ma région, dont les championna­ts d’Auvergne et de France. Aux

championna­ts d’Auvergne, je me suis classé huitième et neuvième en .22 LR. Mais je suis tout petit dans cette discipline où je dois faire face à des profession­nels.

Que vous apporte cette discipline ?

R. B. : La stabilité au tir et la régularité. Lorsque l’on débute à la .22 LR, l’absence de recul permet de se concentrer sur la précision, l’acquisitio­n du bon geste, la répétition de la montée à l’épaule, du suivi du tir, de l’accompagne­ment. Cela revient à faire ses gammes. Le passage au gros calibre se fait ensuite facilement. C’est un entraîneme­nt particulie­r, mais je l’appréhende de la même façon que tout le reste.

Quel matériel utilisez-vous lors de vos entraîneme­nts et en compétitio­n ?

R. B. : Le même dans les deux cas. Je possède une carabine très lourde, une Browning X-Bolt à crosse GRS. Elle est chambrée pour le .243 Winchester mais je l’ai équipée d’un frein de bouche.

Le recul doit être inexistant…

R. B. : Oui, j’ai l’impression de tirer avec ma .22 LR. J’ai fait installer une lunette Leupold VXR, une 3-9 x 40. Cela étonne beaucoup de gens, parce qu’il s’agit d’une optique d’approche et non de battue, mais ce choix me convient. Qui plus est, lors de l’Open ou d’autres épreuves, je tire au plus fort grossissem­ent, au 9 x.

La plupart des chasseurs qui participen­t à l’Open de France de sanglier courant viennent avec leur lunette de battue et placent souvent le grossissem­ent sur 1, voire 2, rarement plus…

R. B. : C’est vrai, mais j’ai pris cette habitude lorsque j’ai commencé à participer aux compétitio­ns de sanglier courant à la .22 LR, pour lesquelles j’utilise une grosse lunette montée sur ma carabine et réglée au grossissem­ent 12 x. N’allez pas croire que je suis fou ou une bête curieuse, tous les concurrent­s font la même chose dans cette discipline. Je n’ai simplement rien changé en passant au sanglier courant avec ma .243 Winchester.

Qu’est-ce qui vous a poussé à vous inscrire à l’Open de France ?

R. B. : Je faisais déjà du .22 LR et le club où je m’entraînais, dans l’Allier, organisait les qualificat­ions locales de l’Open de France. J’avais un copain qui était un fervent tireur, c’est lui qui m’a entraîné dans l’aventure et m’a ensuite poussé à persévérer. Un autre ami, avec qui je m’entraînais aussi et qui lui aussi m’a accompagné, est Robert Auberger. Robert a déjà remporté l’Open et a même gagné cette année encore dans la catégorie Super Champion [ qui confronte ceux qui ont déjà remporté l’épreuve, NDLR].

Comme vous le disiez, plus qu’un tireur, vous êtes surtout et avant tout chasseur. Avez-vous toujours chassé le grand gibier en battue ou avez-vous commencé par le petit gibier ?

R. B. : J’ai commencé par le petit gibier au fusil, mais je suis venu rapidement au grand gibier. Ce qui ne m’a pas fait pour autant arrêter ma première pratique. Je pratique toutes les chasses, j’aime tous les gibiers et je chasse au fusil, à la carabine et même à l’arc.

Quel est votre équipement pour la battue de grand gibier ?

R. B. : J’utilise un express superposé Humbert, de fabricatio­n Sabatti, en 8 x 57 JRS, sur lequel est installé un point rouge Micro H1.

La pratique à haut niveau du sanglier courant a- t- elle modifié vos résultats à la chasse ? Plus prosaïquem­ent, est- ce qu’il vous arrive encore de rater ?

R. B. : Bien sûr que cela m’arrive encore ! Sinon ce ne serait pas drôle et je n’aurais plus de plaisir. A la chasse, l’émotion est là, et de temps en temps elle nous joue des tours. L’adrénaline peut nous faire perdre de vue la technique et la précision du geste. Quand cela arrive, ça se solde par un échec.

Je vais à la chasse dans l’Allier, la Creuse et la Loire où, c’est la règle des battues, je n’ai pas la possibilit­é de tirer des dizaines de balles. Voilà pourquoi le passage au stand de tir est indispensa­ble. Mais c’est vrai qu’avec les années de compétitio­n et de pratique, lorsque je tire un animal, je sais non seulement si je l’ai touché, mais aussi où ma balle est allée se loger, dans quelle partie exacte du corps.

Quels sont vos conseils pour mieux tirer au sanglier courant ou, à la chasse, un animal en mouvement ?

R. B. : Plus on tire, meilleur on est. Il n’existe pas de dons, de qualités innées. Il faut tirer et tirer encore. C’est en brûlant de la cartouche que l’on s’améliore. Je n’ai jamais fait de ciné-tir, je ne peux donc parler que du sanglier courant. Mais pour cette discipline, je garantis que la pratique du .22 LR est un vrai « bon plan ». Elle permet de tirer beaucoup pour un coût réduit et sans se démonter l’épaule après des dizaines de tirs. Avec l’avantage que la montée à l’épaule et le suivi de la cible sont les mêmes avec le .22 LR qu’avec un calibre plus gros. Même si passer à ce dernier reste nécessaire pour travailler ses appréhensi­ons et la peur du recul.

Pensez-vous à des « petits trucs » qui pourraient aider nos lecteurs ?

R. B. : La position des pieds est fondamenta­le pour avoir un mouvement linéaire et fluide. Je veille à les placer bien à plat, écartés de l’équivalent de la largeur des épaules, les talons ancrés dans le sol. Si on considère que la cible est à 12 h, cela donne un positionne­ment des pieds à 11 h 25, le gauche à 11 h, le droit à 25. Surtout, à aucun moment, je ne me mets sur la pointe des pieds. Il faut d’ailleurs tirer avec des chaussures dotées de semelles plates et dures. J’ai opté pour un modèle de randonnée qui me tient bien la cheville et dont les semelles sont suffisamme­nt dures, raides même. Au sanglier courant, je vais jusqu’à porter des chaussures d’haltérophi­lie qui sont encore plus rigides. A la chasse, je reprends mes chaussures de randonnée, c’est très rare que je chausse des bottes en caoutchouc qui ne maintienne­nt pas suffisamme­nt le pied et la cheville.

Quelle est votre technique pour suivre la cible ? Le suivi accéléré, l’intercepti­on, le swing ou le queue-tête-pan comme au fusil ?

R. B. : Je suis la cible avec la carabine et la lunette, le réticule sur un point précis, et je maintiens mon point visé. Lorsque j’arrive dessus, je tire sans m’arrêter, aussitôt après l’obstacle du milieu. L’Open de France prévoit en effet un obstacle à mi-parcours sur la trajectoir­e du sanglier courant qui va passer derrière. C’est lui qui me sert de repère. Dès que je l’ai passé avec le réticule, je tire sans m’arrêter. C’est pour cette phase capitale, où il faut suivre sa cible quoi qu’il arrive et sans mouvement de bras, que le .22 LR m’a été d’une grande aide.

On dit souvent qu’il faut viser le bout du groin, mais aussi un peu plus haut, l’oeil ou l’oreille, pour compenser la baisse qui résulte du coup de doigt. Etes-vous d’accord avec ce principe ?

R. B. : Ah là, vous m’en demandez vraiment beaucoup, il faut laisser à chaque tireur son petit jardin secret ! Je me contentera­is de vous dire que je reste dans la zone de la tête. Avec mon .243 Winchester, je sais que je n’ai besoin que de 20 cm d’avance. Je ne peux pas vous dévoiler toutes mes techniques, mais si je parvenais à mettre une pastille colorée sur le repère qui me sert de cible je crois que je m’approchera­is très fort du centre. En .22 LR, on a un point fixe que l’on vise pour s’approcher du centre.

A l’inverse, quelles sont les erreurs à ne pas faire ?

R. B. : Trembler, être stressé, se préoccuper de ce qu’il y a autour de soi. Il faut faire abstractio­n de la compétitio­n, des gens qui vont et viennent, du public, des tirs qui claquent, du bruit en général… Et n’avoir qu’une priorité : rester concentré. C’est également valable à la chasse où il faut mettre en veille son émotion autant que faire se peut. Il n’y a pas d’autre solution si l’on veut bien tirer.

ADC : Avez-vous une astuce pour juger de l’avance à apporter ou de la vitesse du sanglier ?

R. B. : Je vais vous décevoir, mais non, je n’en ai aucune. A la chasse, bizarremen­t, je tire beaucoup au coup d’épaule. J’attends que l’animal entre dans mon angle de trente degrés et j’épaule seulement à ce moment. Je tire presque aussitôt, au coup d’épaule ou au feeling, appelez ça comme vous voulez. En revanche, dès que j’arrive au poste, je repère le périmètre autour de moi, j’essaie de définir mes zones de tir, les endroits où l’animal sera à découvert ou dans les meilleures conditions pour moi. Cela m’aide ensuite à tirer sans me poser de questions sur les avances à apporter ou les zones claires ou pas. Le cerveau analyse tout beaucoup plus vite à la chasse qu’à l’entraîneme­nt, sûrement parce qu’il y a un peu plus d’intensité émotionnel­le.

Avez-vous des habitudes d’entraîneme­nt spécifique­s pour vous préparer à l’Open de France ?

R. B. : J’arrive au stand, je vais au pas de tir et j’attaque mes dix balles – le nombre à notre dispositio­n à l’Open de France. Je suis déjà en match. Je ne fais pas de passage à vide, je tire tout de suite, que ce soit au .22 ou au .243. Pourtant, au .22, on a droit à des essais à vide, mais je préfère m’en passer, je me plonge ainsi directemen­t dans la compétitio­n.

Vous allez continuer à participer à l’Open?

R. B. : Oui, j’aimerais remporter le titre de Super Champion l’année prochaine ! Je vais m’entraîner pour cela, mais sans changer mes habitudes, seulement après la saison de chasse. Le moment venu, j’irai au sanglier courant à chaque fois que j’en aurai la possibilit­é. Je veux mettre toutes les chances de mon côté !

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Raphaël Beaudonnet vient de recevoir des mains d’Emmanuel Manson (PDG de la Sidam) la coupe et l’express attribués au vainqueur de l’édition 2019 de l’Open de France de sanglier courant.
 ??  ?? A l’issue des sélections organisées un peu partout dans le pays, ce sont près de 150 personnes qui se retrouvent à la seule finale de l’Open de France lors du week-end du Game Fair.
A l’issue des sélections organisées un peu partout dans le pays, ce sont près de 150 personnes qui se retrouvent à la seule finale de l’Open de France lors du week-end du Game Fair.
 ??  ?? Raphaël chasse avec un express en 8 x 57 JRS surmonté d’un point rouge Aimpoint H1.
Raphaël chasse avec un express en 8 x 57 JRS surmonté d’un point rouge Aimpoint H1.
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 ??  ?? Les participan­ts à l’Open de France de sanglier courant viennent avec leur armement, mais ils doivent tirer des balles distribuée­s par la Sidam, son organisate­ur.
Les participan­ts à l’Open de France de sanglier courant viennent avec leur armement, mais ils doivent tirer des balles distribuée­s par la Sidam, son organisate­ur.
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 ??  ?? Cent points sont attribués en cas de tirs parfaits. Raphaël a gagné cette année avec 82 points.
Cent points sont attribués en cas de tirs parfaits. Raphaël a gagné cette année avec 82 points.
 ??  ?? Un obstacle est dressé au milieu du parcours sur la trajectoir­e du sanglier courant.
Un obstacle est dressé au milieu du parcours sur la trajectoir­e du sanglier courant.
 ??  ?? La cible sanglier courant de l’Open de France ici reproduite a été créée avec l’aide de la rédaction de « Connaissan­ce de la Chasse ».
La cible sanglier courant de l’Open de France ici reproduite a été créée avec l’aide de la rédaction de « Connaissan­ce de la Chasse ».

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