.308 Winchester et .30-06 : du lourd !
Deux recettes spécial battue
Vous êtes tenté par le .30-06 ou par le .308 Winchester mais les chargements du marché vous semblent trop légers ? Il est peut-être temps d’avoir recours au rechargement… Nous vous avons concocté des recettes spécifiques pour la battue avec des balles lourdes idéales.
Depuis septembre 2013, les armes chambrées dans des calibres dits
d’armes de guerre sont déclassées et soumises à une simple déclaration en catégorie C. Les armes de calibres .30-06 Springfield et .308 Winchester dont les chasseurs français ont été privés pendant plus de soixante- dix ans reviennent en force et sont proposées par un grand nombre d’armuriers. C’est donc fort logiquement que beaucoup d’entre vous se sont laissé tenter par ces calibres mythiques. Ces deux cartouches sont en général montées avec des balles de 150 à 180 grains, poids considéré comme relativement léger pour la battue. Le tir s’y pratique en effet à courte distance, une cinquantaine de mètres en général. Il ne nécessite pas une balle très aérodynamique qui soit dotée d’un coefficient balistique le plus élevé possible.
Face à la pénurie de cartouches à balles lourdes proposées dans ces deux calibres, j’ai donc décidé de recourir à deux balles ayant fait leurs preuves sur le terrain depuis des décennies : la Hornady de 220 grains Round Nose pour le .30- 06 et la Nosler Partition de 200 grains pour le .308 Winchester. La différence de poids des balles essayées dans ces deux cartouches a été dictée par le volume des chambres à poudre des étuis fort différents des deux cartouches. Cette différence est amplifiée dans le .308 Winchester par l’enfoncement important de la balle lourde dans l’étui, ce qui réduit encore le volume interne de celui-ci. En théorie du moins. Car au vu des photos qui accompagnent cet article, vous constatez que la Nosler Partition de 200 grains est plus longue que la Hornady de 220 grains RN. Pour respecter la longueur hors tout maximale de la cartouche, la Nosler Partition est autant enfoncée dans l’étui de .308 Winchester que la Hornady plus lourde.
N’étant ni sorcier ni devin, je me suis référé aux tables de rechargement publiées par Norma et Vihtavuori, ainsi que celles du Guide pratique
de rechargement d’Alain Gheerbrant pour les poudres Tubal de Nobelsport. La longueur d’étui et la longueur hors tout de la cartouche ont été adaptées aux armes ayant servi aux essais. Chaque arme ayant ses propres caractéristiques, vous devez vérifier que la balle ne se plante pas
dans les rayures afin d’éviter toute montée en pression intempestive. J’ai laissé un espace de 2 mm pour le .3006 et 1,5 mm pour le .308 Winchester avant tout contact entre l’ogive de la balle et la sortie de chambre.
Le .30-06 : retour aux sources
Cette cartouche de calibre .30 n’est pas réellement née en 1906 comme son appellation l’indique. Elle est l’avatar du .30-03, cartouche adoptée par l’armée des Etats- Unis en 1903. La balle utilisée était une Round Nose de 220 grains du type de celles employées à cette époque par la plupart des armées. Les progrès rapides dans le domaine de la balistique et de la chimie des poudres à la fin du XIXe siècle ont amené les états-majors à suivre l’exemple de la France (balle D de Desaleux de 1898) en modifiant le poids et la forme de la balle. Une plus grande vitesse initiale et la rasance du projectile étaient les maîtres mots dans tous les états-majors : la balle se fit plus légère et son profil à nez rond devint pointu. Les Américains travaillaient en parallèle des Allemands, qui, en 1905, remplaçaient leur balle à nez rond de 220 grains par une balle pointue plus légère (balle Spitzer). La balle adoptée en 1906 par l’armée américaine était de forme pointue et d’un poids de 152 grains sur un étui de .30-03 légèrement modifié. La carabine qui a servi à mes essais est une Winchester modèle 70 fabriquée quelques années avant la fermeture définitive de l’usine
historique de New Haven. Elle est munie du gros extracteur latéral type Mauser 98. Le mouvement de la culasse est onctueux, l’alimentation et l’éjection sont positives, les surfaces métalliques sont bien dressées, polies et finies. Le bois de crosse n’est certes pas un 5 étoiles, mais sa surface est fort correctement travaillée et sa relime bien pensée. La mise à bois est soignée pour une carabine industrielle. Un bedding a été réalisé à l’usine au tenon de recul situé sous le tonnerre du boîtier et à l’arrière sous la queue de boîtier. Le système de détente n’est plus le système classique de ce modèle créé en 1937. On peut cependant régler le poids de départ et la course de détente dans une certaine limite. J’ai descendu le poids de détente de 4,5 à 3 livres. Le boîtier de culasse est prépercé pour y installer un montage de lunette. Le canon a une longueur de 61 cm (24 pouces). La disgracieuse bande de battue servant à la visée a été remplacée par une hausse plus classique. Assurément, la carabine méritait son appellation de rifleman’s
rifle (« carabine de carabinier »). Aucun signe apparent de surpression n’est apparu. Les amorces percutées ne sont pas aplaties outre mesure et les étuis n’ont pas gonflé à leur base. Les vitesses obtenues avec la Norma 204 et la TU 7 000 sont inférieures de 20 m/s à celles indiquées dans les
tables de chargement tandis que la Vihtavuori N160 a propulsé la balle Hornady de 220 grains à une vitesse supérieure de 30 m/ s par rapport à celle indiquée. Les groupements obtenus sont très bons avec les trois poudres essayées, avec cependant un léger avantage pour la Norma 203 B. Ce sont les charges maxi ou proches du maximum qui dans tous les cas ont donné les groupements les plus serrés.
Le .308 Winchester : la bête à tout faire
Le .308 Winchester a été pensé pour répondre aux besoins des militaires qui désiraient remplacer le .30-06 par une cartouche plus courte qui aurait les mêmes performances. Elle a été commercialisée en 1952, suivie deux ans après de la version militaire plus connue sous l’appellation 7,62 x 51 Nato. Ces deux cartouches se différencient par le poids plus élevé de l’étui militaire dont les parois sont plus épaisses. Le volume de la chambre à poudre étant plus réduit, il est conseillé de commencer un escalier de charges de 5 à 10 % en dessous de la charge de départ du .308 Winchester.
La carabine ayant servi aux essais est une Mannlicher-Schoenauer modèle 1910 primitivement chambrée en 9,5 x 56 MS. Son canon d’origine a été remplacé en Autriche par un Boehler Spezial. Le mécanisme d’alimentation a été retouché pour qu’il puisse accepter sans rechigner cinq cartouches de .308 Winchester. L’alimentation est souple, même avec des balles à pointe effilée, ce qui est rarement le cas avec ce type d’arme en état d’origine. C’est un modèle
démontable à l’anglaise dont la mise à bois, qui avait bougé avec l’âge, a subi un léger bedding au tenon de recul sous le tonnerre du boîtier et sur la partie arrière du puits de magasin. Le poids de départ est à 3,5 livres, la détente est nette et ne gratte pas. Aucun signe extérieur de surpression n’est apparu. Comme pour le .30-06, les amorces ne sont pas aplaties plus qu’il ne faut, et les étuis sont extraits sans avoir subi de déformation. Le recul est plus marqué avec des charges dépassant les 730 m/s qu’avec le .3006 en charges hautes. L’explication réside certainement dans la large plaque de couche en caoutchouc de la Winchester 70 qui absorbe bien mieux le recul que la fine plaque métallique de la Mannlicher.
Les groupements sont bons avec les trois poudres utilisées, mais la Vihtavuori N 150 a donné des groupements un peu plus serrés que les deux autres. Un regret cependant : je n’ai pas testé la poudre sphérique SP 7 de Nobelsport avec la Nosler Partition de 200 grains car je voulais comparer uniquement des poudres de même type (tubulaire). La SP 7 m’a toujours donné d’excellents résultats en vitesse et en précision dans ce calibre, mais avec des balles plus légères ( 168 et 180 grains). Cette poudre a horreur du vide et nécessite un taux de remplissage de l’étui le plus élevé possible. Elle est aussi plus difficile à enflammer que la Tubal 5 000 tubulaire. Il faut donc, surtout par temps froid, l’utiliser conjointement à une amorce plus chaude sans être magnum. L’amorce large rifle
RWS 5341 est parfaite dans ce cas. Les vitesses rapportées dans nos tableaux sont valables pour les deux armes employées pour ces essais et pourront être différentes dans votre arme. Elles vous donnent cependant une base de départ pour réaliser vos propres rechargements, en commençant bien sûr par le bas de l’escalier des charges de poudres et en s’arrêtant dès qu’apparaissent les signes d’alerte : amorce écrasée, perforée ou éjectée de son logement, extraction difficile, déformation de l’étui. Si vous comparez les vitesses obtenues, vous noterez qu’elles sont généralement assez proches des données tabulaires publiées par les poudriers. Et les quelques différences ne sont
pas surprenantes, mais s’expliquent par les conditions d’essais, qui ne sont pas rigoureusement identiques. Les canons d’essais utilisés en laboratoire sont fabriqués selon des normes plus strictes que ceux montés sur nos armes. En outre, notre chronographe (Chrony) n’est certainement pas aussi précis que ceux utilisés en laboratoire, et il était placé à 3 m de la bouche des canons, quand ceux des laboratoires sont disposés à 2 ou 2,50 m. Cette petite différence de distance n’est pas anodine et produit plus d’effets qu’on pourrait le penser.
Des américains prêts pour chasser à la française
Nos deux calibres d’origine américaine peuvent très facilement être adaptés à la chasse en battue telle que nous la pratiquons. Il suffit pour cela de les recharger avec des balles lourdes par rapport à leurs calibres. Le .30-06 Springfield ne pose aucun problème du fait du volume de sa chambre à poudre. La balle Hornady possède un redan intérieur dans son enveloppe de blindage permettant une bonne rétention du noyau de plomb tout en provoquant une bonne expansion de la pointe de la balle. Les vitesses obtenues avec les poudres testées, comprises entre 730 et 750 m/s, sont suffisantes pour vous garantir le succès. La Nosler Partition de 200 grains est renommée à juste titre pour ses qualités de précision, d’expansion et de rétention de poids. Elle possède une cloison interne qui sépare le noyau de plomb en deux parties : la partie antérieure s’expanse à l’impact tandis que la partie postérieure n’est pas déformée. La sensation de recul sera peut-être plus forte dans une arme construite selon la tendance actuelle du light ou super-light. Mais dans tous les cas, on reste dans le raisonnable. Un grand nombre d’armes chambrées en .308 Winchester produites actuellement possèdent un canon dont le pas de rayure est d’un tour en 10 pouces. Cette généralisation ne relève peut- être pas, ou pas seulement en tout cas, d’une mesure de standardisation destinée à faciliter la gestion des stocks et à en diminuer le coût. J’y verrais plutôt le signe que l’ère de la plus grande vitesse initiale possible est en passe de se refermer. Le critère d’évaluation de l’efficacité d’une cartouche n’est plus seulement l’énergie cinétique d’un projectile léger pour le calibre lancé à grande vitesse, mais la quantité de mouvement obtenue à l’aide d’un projectile lourd lancé à une vitesse raisonnable. La structure du projectile a également une grande importance. La balle doit être dotée d’un diamètre suffisant et d’une capacité de pénétration et d’expansion adaptée au gibier tiré. L’adepte du rechargement peut donc augmenter sa capacité de réussite en battue grâce à une balle lourde bien choisie et une poudre appropriée en .30- 06 Springfield et en .308 Winchester. Le tir d’un escalier de rechargements est aussi une bonne occasion de se familiariser avec son arme. C’est tout bénéfice pour le chasseur qui veut progresser dans sa passion !