PATTES D’ÉLÉPHANT ET CALIBRES US
La
rencontre de la loi Verdeille (1964), structurant les associations de chasse communales, et de la seconde modernisation de l’agriculture autour des remembrements, tombera opportunément au moment où la « politique grand gibier », poussée depuis 1950 par l’ANCGG présidée par François Sommer, commençait à porter ses fruits. En quarante ans, le sanglier va voir sa population totale passer de 50 000 unités à un million. Le cerf va progresser de 5 % par an (certes pas partout), le chevreuil de 3 %, cette fois sur tout le territoire ! Preuve que le grand gibier est là, le premier dispositif d’indemnisation des dégâts date de 1969 ! Pour dix ans, le nombre des chasseurs est à son apogée, près de 2,4 millions en 1975. C’est à cette date aussi qu’est créé l’examen préalable au permis de chasser.
Tous ces bouleversements sont conco mitants d’une profonde modification de l’offre armurière. L’armement évolue, on passe du juxtaposé de papa en calibre 16 au superposé de calibre 12 venu d’Italie. Les semi- automatiques dépassent désormais le créneau de niche « gibier d’eau » où excellait jusqu’ici, en solitaire, le Browning
Auto 5. La génération « Mai 68 » s’ouvre à de nouveaux horizons, il n’y a pas de raison que la chasse au grand gibier ne tourne pas les yeux vers l’ouest, là où s’étend le plus grand marché mondial d’armes rayées. La réglementation inepte de 1939 a coupé l’herbe sous le pied au 8 x 57 IS, au .30-06 Springfield et au récent .308 Winchester. Cela n’empêche pas les connaisseurs d’apprécier le .270 Winchester, dont le succès établi dans les années 1925, autour de la carabine modèle 54 de la même marque, était déjà mondial, qu’il s’agisse d’armes à verrou, à un coup, à levier de sousgarde, semi-autos et même express. Magnifié par les grands auteurs américains comme Jack O’Connor, avec pas moins de vingt fabricants, des centaines de chargements de 100 à 160 grains, il était, avec la balle de 130 grains pour laquelle il avait été conçu, le calibre « moyen » le plus à même de concurrencer le 7 x 64, déjà bien installé chez nous.
Dans le même registre, un importateur stéphanois dynamique, Rivolier, permit au .280 Remington datant de 1957, autre quasi- clone du 7 x 64, de se faufiler dans la partie avec un petit choix de carabines de la marque, à pompe ( modèle 7600) ou semiauto (modèle 7400), mais maniables (canons courts) et surtout de prix restreint, allant sur les brisées de la 300 Bar, reine de cette époque et méritant assurément qu’on s’y attarde.
Il était une fois le .300
Le calibre .300 Winchester Magnum était assez récent (1963). Développé par Winchester sur la base d’un étui de .375 Holland & Holland, il poussait la même balle que le .30-06, mais 12 % plus vite. La carabine B. A. R. ( Browning Automatic Rifle), née en 1966, allait trouver là son calibre fétiche pour plusieurs décennies. C’était une munition dotée d’une DRO certes assez importante (190 m) pour une arme de battue, mais dont la vitesse, pour une balle de 11,7 g, générait, disait-on, un choc hydrostatique spectaculaire, même de près. L’arme, du fait des caractéristiques de la munition (7,62 x 67), utilisait des boîtiers standards, usinables à coûts réduits. Elle fut immédiatement disponible et fiable, à des prix raisonnables en comparaison de la concurrence directe. Plus confidentiellement, la Bar chambra aussi, à partir de 1970 dans la Long Track, le .338 Winchester datant de 1958 (CIP en 1984), dont la balle de 14,58 g pouvait apparaître comme idéale sur les animaux les plus lourds sans avoir à « se cogner » les gros 9,3 évoqués plus haut.
Dans le foisonnement armurier de cette époque, l’idée de carabines légères et polyvalentes, bien présente de nos jours, commença à se profiler, avec plusieurs calibres qui connurent des fortunes diverses. Le premier à initier cet esprit fut le .284 Winchester (1963) destiné à concurrencer aux Etats- Unis les .270 Winchester et
.280 Remington pour la semi-auto modèle 100, la Savage 99 et la Ruger 77, toutes carabines encore confidentielles en Europe. Mais la balle de 130 grains apparut trop faible.
Il en fut tout autrement pour le 7 Remington Magnum, contemporain (1962) du .300 WM, prévu pour la Remington 700 et qui demeure de nos jours un des dix calibres les plus répandus au monde. Ce magnum court ( 83,57 mm), étudié pour les coups de longueur dans les plaines du Midwest, apparut très vite polyvalent – affût-approche, mais aussi battue – dès qu’on lui proposa des balles de qualité. Un peu plus tard, et à ne surtout pas confondre, le 7-08 Remington peaufina ce concept de l’arme légère, au tir tendu et recul doux. Il s’agissait d’un wildcat datant de 1950, normalisé CIP en 1980 autour d’un .308 Winchester à collet rétreint, au départ pour le tir aux silhouettes métalliques. En France, il fut « sauvé » pour la battue par les carabines de la marque, dont la Woodmaster à pompe, avec la légendaire et encore alerte septuagénaire balle Core-Lokt de 150 grains. De manière inattendue, la décennie 70- 80 vit également le retour, provisoire, d’un calibre germanique à la réputation sulfureuse, puisque paraît- il inspiré en 1938 par Hermann Göring, maître des chasses du Reich : le 8 x 68 S. Relancé par RWS avec les balles KS de 14,5 g et H-Mantel de 12,1 g, il fut, vingt ans plus tard, progressivement retiré de la circulation. Il lui était reproché de trop user la mécanique de l’arme, ou l’épaule des tireurs, ce que l’on avoue moins facilement.