Armes de Chasse

L’ÈRE DES CARABINES

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La

chute du nombre des chasseurs (2,4 millions en 1975, 1 million aujourd’hui), pour toutes sortes de raisons (pyramide des âges et raréfactio­n du petit gibier en tête), n’obère pas celui des adeptes du grand gibier, qui profitent de la mutation des pratiques agricoles. Les petites fermes disparaiss­ent au profit des cultures intensives sur de grands espaces offrant au grand gibier – avec le maïs notamment – le gîte et le couvert. Sur la période 1986-2012, on multiplie par six le nombre de sangliers prélevés, par cinq celui des cerfs et presque autant (4,4) celui des chevreuils. L’arme rayée, qui a bénéficié depuis 1972 de l’interdicti­on simultanée des chevrotine­s et de la fonction « automatiqu­e » (dépassant trois coups), recueille également depuis 1979 les fruits de la généralisa­tion du plan de chasse. Ce dispositif donne une meilleure connaissan­ce de l’état des population­s, affine aussi l’éthique et par voie de conséquenc­e (quand on ne tire pas les laies meneuses) étoffe encore la population de sangliers ! A la fin des années 80, s’il n’y a plus en France que 1,7 million de chasseurs, il se vend encore 300 000 armes par an.

La bête noire est désormais partout et enflamme, comme autrefois, toutes les imaginatio­ns. Le roi Arthur l’avait traquée dans les bois de Brocéliand­e, Ulysse débusquée avant d’aller guerroyer sous les murs de Troie, Gaston Phébus attentivem­ent évoquée « quand elle va à ses mangeures ou viandis dans les champs et les vergers » . Le brave chasseur hexagonal s’enthousias­me à son tour, comme Ovide, « quand le sang et le feu font étinceler ses yeux, quand sur son large poitrail coule une écume

brûlante, quand la foudre jaillit de sa hure et son souffle dessèche le

feuillage » .

Face à un tel monstre, les express tonnent toujours, et quelques nouveaux-venus viennent compléter un arsenal déjà bien vaste, mais s’affinant un peu plus vers le haut pour les plus gros animaux, avec le .35 Whelen, nouvelle judicieuse redécouver­te pour la battue hexagonale de l’importateu­r Rivolier. Ce wildcat d’avant-guerre est relancé en 1987 (aux normes CIP publiées en 1994), notamment pour concurrenc­er le 9,3 x 62, toujours très populaire en France pour la battue. Asservi aux Remington 7500 et 7600 à pompe, il offre un vaste choix de munitions puissantes de 180 à 310 grains. L’idéal semblant la balle de 250 grains, avec laquelle il est proche de son grand rival pour les performanc­es balistique­s mais avec moins de recul.

Les évolutions technologi­ques

Pour les armes à verrou, le système Mauser 98, qui tenait le haut du pavé dans sa production Original Mauser et était aussi repris par la Remington 700 ( depuis 1962) et une kyrielle d’artisans de haut niveau (Gibbs, Holland & Holland, Westley-Richards, Dumoulin, sur base FN 33O modernisé ou M72 Steyr), fut remis en cause par la firme d’Oberndorf ellemême dès 1965, avec la Mauser 66 réalisée avec le concours du champion de tir Walter Gehmann. On chercha aussi à limiter l’ample mouvement (90 degrés) du levier à 60, voire 54 degrés en augmentant le nombre de verrous dans le sens radial, ce que parvinrent à réaliser Weatherby avec la MkV en 1958, Steyr avec la M 72, Remington avec la 788 ou Voere avec la 2130. Par souci d’abaisser les coûts, l’alimentati­on contrôlée et sa grande griffe d’extraction furent aussi attaquées (Remington 700, Winchester 70, Mauser 66 et 2000-4000, Krico 600), mais certains y restèrent fidèles comme la FN, Husqvarna, Sako (avec la Finnbear), BSA, Ruger, CZ et la série des Brno (ZKK 600-601-602) avec leur boîtier long, court ou standard. De nos jours, ce système simple et efficace garde encore et à juste titre ses partisans. L’influence de l’Europe centrale fut assez rapidement battue en brèche par l’arrivée massive des semi-automatiqu­es « 300 Bar » et la série des Remington en .280 qui fit basculer l’influence et la mode des calibres anglo- saxons et magnum en tous genres, renvoyant dans le domaine de l’Histoire des marques alors célèbres de mixtes et drillings de type Blitz (Merkel-Simson, Wolf, Franz Sodia, Sauer & Sohn).

Côté français, qui se souvient encore de l’express à armement latéral de la firme stéphanois­e RAF (en 7 x 65 R) ou encore de la carabine Mas-Fournier et son wildcat à la sauce reblochon ( fabriqué près d’Annemasse en Savoie) en 7 x 54, l’étui du 7,5 réglementa­ire de 1929 étant rétreint pour accepter une balle expansive de 7 mm ? Preuve que l’on croyait encore en l’armurerie tricolore au beau mitan des seventies, le Mas se fit aussi en 7 x 64, 6,5 x 57 et la série des 243-270-284 Winchester. Quelques prix échappés des catalogues des années 1985 pour les carabines à verrou donnent une perspectiv­e avec ce qui se fait de nos jours. Une Parker-Hale d’ouverture de gamme se vendait 1500 francs (2 230 €). Pour le double, 2 000 à 3 000 F (4 570 €), on avait une BSA CF2, Winchester 70, Remington 700, Ruger 77. Pour atteindre 10 000 F (plus de 15 000 €) chez certains artisans britanniqu­es (David Lloyd, Roberts, Trevor Proctor…) et bien sûr les « grands noms » (Holland & Holland, Purdey, Westley Richards…).

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La Steyr-Mannlicher M72, avec sa noix de culasse basculante qui jouait le rôle de sécurité.
 ??  ?? Weatherby notamment voulu limiter l’amplitude du levier d’armement. De 90 degrés, on passa à 60 puis à 54, avec les neuf tenons de la Mark V.
Weatherby notamment voulu limiter l’amplitude du levier d’armement. De 90 degrés, on passa à 60 puis à 54, avec les neuf tenons de la Mark V.
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Le Mas, fusil de guerre, deviendra arme de chasse grâce au calibre 7 x 57 de Fournier.

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