Le mauvais exemple batave
Le 1er octobre dernier, la NOJG et le KNJV, deux des plus grandes fédérations de chasseurs et de tireurs en Hollande, ont informé leurs membres que le gouvernement néerlandais avait offi ciellement mis en oeuvre un processus de fi ltrage électronique ( « E- Screener » ) destiné aux détenteurs d’armes à feu pour la chasse et le tir. Un programme informatique pour déterminer si une un personne reste en capacité de détenir ses armes ou en acquérir de nouvelles.
Désormais, les détenteurs d’armes néerlandais, qu’ils soient chasseurs
ou tireurs sportifs, devront se soumettre à un examen annuel et payant (54 €), sous forme de questionnaire informatisé. Pour cela, ils devront se rendre à leurs frais dans un lieu spécifique, quelle qu’en soit la distance avec leur domicile. Même chose pour celui qui souhaite acquérir une arme pour la première fois ou devenir chasseur. Ce processus de filtrage électronique est entré en vigueur le 21 octobre dernier, dans un premier temps uniquement auprès des détenteurs d’armes âgés de moins de 25 ans et de plus de 60 ans. Toutes les régions ne l’ont pas encore mis en place,
mais là où le test a été réalisé, entre 25 et 30 % de « scores rouges » ont été dénombrés, comprenez un nombre de bonnes réponses insuffisant pour valider l’examen. Les chasseurs et tireurs à l’origine de ces scores écarlates ont immédiatement perdu leur licence et ont reçu, le jour même, la visite de la police locale venue réquisitionner sur-le-champ leurs armes et munitions, sans aucun dédommagement.
Parmi ces « recalés », qui voient leurs armes « confisquées » après parfois des décennies de chasse et de tir, il y a beaucoup d’anonymes bien sûr, mais aussi un garde du corps de la Maison royale néerlandaise et un très haut fonctionnaire du ministère de la Sécurité et de la Justice, le ministère qui a instauré le E-Screener ! Comment en sont-ils arrivés à cette exclusion ? C’est un mystère. Il n’existe en effet aucun moyen de juger de la teneur de l’examen, puisque la personne testée, te par ordinateur donc, n’est pas autorisée ris à avoir de téléphone portable ou tout autre au appareil électronique avec elle, pour éviter év les captures d’écran, les questions sont s lancées de façon aléatoire selon des algorithmes a et surtout aucun compte-rendu d n’est fourni pour justifier le résultat du questionnaire. q Des personnes ont tout de même m témoigné avoir dû répondre à des questions qu comme : « Avez-vous beaucoup d’amis ? » ou « Avez-vous déjà menti ? » Alors que la détention d’armes aux PaysBas était déjà l’une des plus strictes et des plus contrôlées de l’Union européenne, avec ce nouveau dispositif, elle entre maintenant en contradiction avec la législation néerlandaise et européenne – atteinte aux libertés fondamentales ou à la protection de la vie privée et absence de procédure d’appel ou d’objection.
Le 21 octobre à 17 h, une pétition en ligne
( www. petities. nl) intitulée E- screener NO WAY a été lancée réclamant l’arrêt immédiat de ce filtrage électronique, la destruction des résultats déjà enregistrés et l’indemnisation des citoyens néerlandais qui ont été pénalisés financièrement par la perte de leur licence ainsi que de leurs armes et munitions. Les nombreuses fédérations de chasseurs hollandaises, étonnamment plutôt favorables au E-Screener dans un premier temps, ont finalement changé leur positionnement, mais pas toutes au même rythme. L’Association royale de la chasse néerlandaise (KNJV) protestait contre le E- Screener dès le 22 octobre, tandis que, le 28 octobre, l’Association royale néerlandaise de tir sportif ( KNSA) – dans une lettre adressés au ministre de la Justice et de la Sécurité, Ferdinand Grapperhaus, qui a développé et lancé le dispositif, – se déclarait en faveur d’un contrôle accru des propriétaires d’armes à feu légitimes, avant de revenir sur cette prise de position. Finalement, devant l’ampleur de la contestation et le taux élevé de « scores rouges », M. Grapperhaus annonçait le 29 octobre, une semaine seulement après le lancement de son dispositif, que ce dernier serait suspendu pendant deux ans, mais pour les seuls titulaires de licences. Les chasseurs et tireurs débutants devront s’y soumettre, avec donc une « chance » sur trois ou quatre d’être recalés. Une perspective guère motivante dans un pays où l’obtention du permis de chasser ou d’une licence de tir sportif est déjà compliquée, coûteuse et longue, avec une procédure d’une année entière.
Si rien ne change entre-temps, le filtrage électronique des titulaires de licences – soit aujourd’hui 54 000 personnes – devrait reprendre dans deux ans, avec au mieux quelques aménagements pour éviter le nombre incroyablement élevé de « scores rouges ».