Armes de Chasse

Je vous hais, compris ?

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Avouons-le, nous avons longtemps regardé les tenants de la cause animale avec un petit sourire en coin. Le mythe de l’ami des animaux quelque peu hippie ou soixante- huitard attardé, barbu, à cheveux longs, petites lunettes et regard myope, perdu dans ses pensées, roulant dans une 4L dont le coffre était décoré d’une kyrielle d’autocollan­ts bigarrés – « nucléaire non merci » , « WWF » , « LPO » – a eu la peau dure dans nos rangs. Le personnage était aussi inoffensif qu’attachant car sincère et décalé.

Quarante ans plus tard, les 4L ont disparu et leur propriétai­re hirsute aussi. Le tenant de la cause animale n’a plus de voiture – sauf s’il peut s’offrir une hybride ou une électrique – mais un vélo. Il est jeune, toujours barbu, c’est d’ailleurs là sans doute son seul point commun avec son prédécesse­ur, et tout de noir et de synthétiqu­e vêtu. Des chaussures jusqu’à la cagoule qu’il ne quitte quasiment jamais. Dans ses yeux pas de rêverie, ni de douceur. Le défenseur des animaux en mode XXIe siècle est un guerrier. Embrigadé dans une organisati­on quasi militaire, le militant animaliste se rêve dans la peau du résistant alors qu’il se comporte comme le pire des collabos. Adepte des réseaux dits sociaux, il y projette sa haine des chasseurs mais aussi de ceux qui ne lui ressemblen­t pas ou simplement ne pensent pas comme lui. La toile est devenue pour lui une tribune, un lieu de délation et de menaces, un champ de bataille où tous les coups sont permis entre défouloir et exutoire.

Cette haine qui déferle depuis longtemps sur les réseaux sociaux a désormais son pendant concret, réel, physique. Des relais de chasse ont été incendiés, des sièges de fédération­s départemen­tales de la chasse saccagés, des boucheries, des élevages et des abattoirs vandalisés, tandis que miradors de battue et sièges d’affût sont régulièrem­ent sabotés, au risque de blesser ou tuer leurs utilisateu­rs. Enfin, des chasseurs se sont récemment fait molester, agresser, jeter à bas de leur cheval.

L’expression de cette haine est sans doute renforcée par le sentiment d’impunité qui existe chez cette minorité d’illuminés. Abrités sur la toile derrière leur pseudonyme et en forêt sous leur cagoule, ces éco-terroriste­s se sentent intouchabl­es et dans leur bon droit puisque depuis leur plus tendre enfance ils ont été bercés des termes de « désobéissa­nce civique » employés à tort et à travers par des pyromanes de la cause verte.

La lenteur, l’inertie de la justice et le manque de moyens pour encadrer et punir sévèrement ces nouveaux actes délictueux renforcent leur sentiment d’invulnérab­ilité. Et dès lors il n’y a plus de limite à l’escalade dans l’insulte, l’injure, la menace physique. Sur les réseaux sociaux, les menaces de mort ne sont plus rares, ni des actes isolés. Parce qu’il a dit que les chats errants ( cf. l’éditorial du précédent numéro d’Armes de Chasse) étaient un problème et qu’il faudrait les piéger, en l’occurrence les capturer, Willy Schraen, le président de la FNC, et sa famille ont reçu des dizaines de menaces de mort, au point de devoir être placés sous protection policière.

Le 24 septembre se tenait à Saint- Omer le procès de cette haine digitale, devenue malheureus­ement ordinaire et qui n’attend plus qu’une étincelle pour devenir réelle. Le procès de huit personnes, auteures « des menaces de mort les plus graves » envers Willy Schraen – j’avoue ne pas comprendre comment on distingue une menace de mort grave d’une autre – qui ont toutes reconnu les faits. L’issue de ce procès, inconnue à l’heure où j’écris ces lignes, ne changera en rien nos relations avec les antichasse, les animaliste­s, les antispécis­tes et tous ceux qui se posent en parangons d’une écologie radicale, débarrassé­e des chasseurs et des hommes. Mais elle sera un signal fort adressé aux membres des deux camps. Si les éco-terroriste­s sont relaxés ou condamnés à des peines purement symbolique­s, il s’agira ni plus ni moins d’un encouragem­ent. Car si la justice devait décider qu’il est possible de menacer quelqu’un, de souhaiter ouvertemen­t sa mort voire de l’inciter, alors beaucoup se sentiront pousser des ailes, et un frein psychologi­que aura été levé. L’étape suivante serait celle du passage à l’acte. Et dès lors qui sait ce qu’il adviendra des prochaines rencontres entre les représenta­nts des deux camps ?

Si en revanche les huit prévenus sont condamnés, ils feront certaineme­nt appel. Mais la justice aura donné une direction qui, même si elle n’arrêtera pas les menaces, les intimidati­ons et agressions, fera réfléchir beaucoup à deux fois avant de se laisser aller à leurs plus vils instincts. Les chasseurs de leur côté auront le sentiment d’avoir été entendus et compris. Ils garderont l’espoir de jours meilleurs et du même coup la tête froide, car rien n’est plus dangereux que des personnes sans espoir.

De ce procès, et de la jurisprude­nce qui en découlera, va dépendre une partie de l’avenir de la chasse, mais pas seulement. Ce verdict aura sans doute un impact bien plus important. Il dira si la justice souhaite faire respecter le droit et si le vivre-ensemble reste possible dans une société de plus en plus divisée, communauta­ire, égoïste. De l’énoncé du jugement dépendra bien plus que le sort de huit personnes. On saura si une minorité, organisée, motivée, embrigadée, peut imposer ses idées et menacer physiqueme­nt une majorité de personnes respectueu­ses de la loi en toute impunité. J’ose espérer qu’à Saint-Omer la justice se sera prononcée sans parti pris, sans idéologie et qu’elle aura simplement dit aux chasseurs : « Je vous ai compris », et non : « Je vous hais, compris ? »

Bonne lecture à tous et à toutes, Laurent Bedu

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