Pas de poisson en avril
Après avoir lu l’article sur le « ReyDumarest modèle 1806 » dans votre numéro du premier trimestre (Armes de Chasse n° 76, p. 24), je guettais avec encore plus d’impatience que d’habitude le prochain numéro de mon magazine français préféré dans l’attente d’y voir révélé cet article comme un poisson d’avril avant l’heure. Ce qui ne fut pas le cas. Pourtant, la munition pour ce fusil, avec ces rosettes, comme les montrent les très belles photos, est identique à celle du brevet de Pauly (1812), améliorée par Roux (1814) et dessinée par ce dernier vers 1815. Par une miraculeuse coïncidence, j’ai trouvé, peu après avoir lu votre article, des très belles reproductions (avec les facs-similés des textes accompagnants) dans un petit livre
(en anglais) publié par Georg Priestel, Jean Samuel Pauly, Henri Roux and successors, présenté dans Arms Heritage magazine 20203 (et bientôt dans le magazine néerlandais Wapenfeiten)… Bien sûr, Rey-Dumarest a envoyé un fusil à l’Exposition de Paris de 1806, mais il ne fut évoqué par le jury* qu’en passant comme un des armuriers de Saint-Étienne qui « ont envoyé des fusils à deux coups » . Si le Rey-Dumarest avait été si révolutionnaire et de cette qualité, il aurait sans doute reçu une médaille ! D’ailleurs, la maison d’enchères a daté ce fusil « vers 1830-1835 » dans son catalogue d’avril 2013, ce qui me semble beaucoup plus probable.
Alors, poisson d’avril après tout ? enclin aux « poissons d’avril ». Les canons de ce fusil ont été fabriqués (et portent la signature) de Nicolas Bonnaur de SaintEtienne, réputé actif en 1790 et par la suite. Mais dans les années 1830-1835, il était décédé depuis des lustres !
Pourquoi le Rey-Dumarest n’a pas eu de prix à l’exposition ? Je n’en sais rien et ne m’en étonne pas outre mesure quand on sait à quoi tiennent parfois les honneurs. Quant aux bouchons de culasse, ils n’ont rien à voir avec ceux du Pauly, qui sont bombés et nantis d’un canal d’ignition traversant une vis solidaire de la « rosette » et se vissant dans la cartouche combustible. La culasse de Roux est à culot bombé avec mamelon alors que celle de Rey-Dumarest est un disque plat à cuvette centrale. Les modèles de Lefaucheux sont également tous différents.
J’étais à Drouot le 4 octobre 1995 quand Marcel Pitel a fait l’acquisition de ce fusil. Lors de l’exposition avant la vente, j’ai eu l’occasion de bavarder fort agréablement avec lui et j’ai su ainsi qu’il en connaissait l’historique. M. Pitel étant malheureusement décédé, sa collection a quitté la Normandie pour retourner à Drouot le 15 avril 2013 où elle a été dispersée.
Au fi nal, en toute humilité, je confesse ne pas tout savoir, ne pas tout connaître et de ce fait respecter ce que certains érudits ont bien voulu me confi er. (J.-C. M.)