Beretta BRX1
Linéaire, ambidextre, modulaire… et bien plus !
Cela faisait un long moment qu’elle se préparait chez Beretta et quelques mois qu’on la disait imminente. L’arrivée de la première carabine Beretta, une arme baptisée BRX1, va sans doute provoquer quelques vagues, voire une tempête, sur le marché des armes à verrouillage linéaire. Modulaire, précise, totalement ambidextre, compacte et relativement légère, cette nouvelle carabine est également bon marché : 1 549 euros !
Le secret était bien gardé. Sept ans de recherche et développement, plusieurs millions d’euros investis, des milliers de balles tirées et une dizaine de prototypes successifs pour arriver à la version finale. Et pendant tout ce temps, Beretta a su garder un voile parfaitement opaque sur un projet qui a mobilisé une grande partie de ses troupes.
On rebat les cartes !
Certes, ces derniers mois, le bruit courait que la plus ancienne manufacture d’armes du monde allait dévoiler une carabine linéaire. Mais il aura fallu attendre le dernier moment, trois mois avant sa sortie, et s’engager par écrit à ne rien dévoiler avant le 19 octobre sous peine de sanctions financières, pour découvrir enfin cette carabine et mesurer aussitôt à quel point elle va rebattre les cartes de son secteur. Beretta joue au chamboule-tout sur un marché dominé par Blaser et Merkel avec les R8 et RX-Helix. Browning et Verney-Carron sont là aussi, avec les Maral et Linergie, plus accessibles. Mais après tout, ce fabricant aussi possède un nom synonyme de sérieux et de qualité, même s’il n’avait jamais été jusque-là apposé à celui d’une carabine, et il entend faire au moins aussi bien que ses concurrents… mais pour un prix inférieur. Ce prix s’avère réellement stupéfiant lorsqu’on découvre l’arme à laquelle il est associé : tous les composants des carabines modernes sont là, rien ne manque. Sans compter que, grâce à une construction astucieuse, elle peut se trans
former en gaucher ou droitier intégral en quelques minutes. Beretta a frappé fort, très fort même. Cette arme n’en a pas fini d’agiter la sphère armurière et sera de toutes les conversations entre chasseurs ou professionnels cette année et sans doute les suivantes. Et ce même si d’autres carabines linéaires sont attendues, comme l’Impulse de Savage ou la NXT de Haenel. Voyons de quoi il retourne.
La BRX1 est une carabine à crosse composite ; à ce prix, un noyer cinq étoiles eut été utopique. La crosse est réalisée en techno- polymère injecté. Cela ne se voit pas, mais il s’agit d’une crosse bipartite : crosse et devant sont séparés par un boîtier, un châssis en alliage léger de la couleur de la crosse. Elle possède une poignée pistolet et un busc droit qui remonte vers l’arrière, comme sur les Sauer 101 et Mauser M12, qui furent les premières à initier ce type de busc. Elle n’a pas de joue, puisqu’elle est destinée à être utilisée indifféremment par un gaucher ou un droitier. Pour cette même raison, la poignée est symétrique – un renflement pour la paume d’un droitier l’aurait rendue inutilisable ou inconfortable pour un gaucher. Pour autant, comme nous le verrons lors des essais, la prise en main est bonne, très bonne même, preuve que les poignées asymétriques ne sont pas indispensables pour offrir une bonne ergonomie. Toutefois si cette poignée ne vous convenait pas, sachez qu’elle est amovible et donc interchangeable. Beretta a repris le choix technique de Tikka – une entreprise entrée dans son giron – sur la T3X, qui consiste à rendre amovible la partie frontale de la poignée pour pouvoir la remplacer, au moyen d’une seule vis, par une poignée de couleur ou de forme différente.
Le devant est assez long et rond à son extrémité. Il est affiné sous le canon pour une meilleure prise en main. Il est symétrique, toujours pour garantir à cette arme son statut ambidextre. Tout comme la crosse, il est dépourvu d’inserts aux zones de préhension. Pas de revêtement velours non plus, de type Duratouch ou Soft Touch, appliqué au pistolet à peinture. C’est une bonne chose, car plus les types de plastiques et de matériaux sont multipliés, plus est grand le risque de les voir vieillir différemment ou de se détériorer. Beretta a misé sur la longévité et la robustesse. L’absence d’inserts n’est pas gênante, car la surface a été grainée pour être plus accrocheuse, avec un grain plus gros aux zones de préhension ( poignée et dessous du devant). La prise en main sera bonne, même sous la pluie ou avec des doigts engourdis par le froid.
Un châssis plein de ressources
Le châssis, qui sert de trait d’union entre crosse et devant, possède de nombreux avantages. Tout d’abord, il permet d’accueillir le chargeur amovible, large et d’une grande contenance ( cinq coups en standard comme en magnum). Ensuite, il apporte à la carabine une rigidité toujours bienvenue pour la précision des tirs. Il fournit aussi un bedding au canon et un solide point d’ancrage qui va préserver la crosse et le devant. Il offre également la possibilité de « tordre » la crosse pour l’adapter à votre morphologie grâce à un jeu de cales de pente et d’avantage, à placer entre le châssis et la crosse, qui permettront d’approcher les mesures idéales de chacun. Les gauchers n’auront qu’à retourner les cales d’avantage pour que la crosse
soit orientée à gauche ; la pente, elle, est ambidextre. Des intercalaires pour la plaque de couche permettent de faire varier la longueur de la crosse, 365 mm à la livraison et 353 ou 377 mm ensuite. Plus tard, la poignée interchangeable permettra encore de modifier la prise en main en choisissant une forme plus ou moins prononcée. Enfin, ce châssis donne à la culasse mobile un point d’appui pour coulisser d’avant en arrière. Cette dernière possède une tête en forme de cuvette qui abrite un éjecteur piston classique sous la forme d’un bonhomme sous tension de ressort et une petite griffe d’extracteur. En arrière de cette cuvette se trouvent huit tenons qui vont se verrouiller en pivotant dans le canon. Sur les calibres magnum, la tête de culasse est surdimensionnée mais surtout les tenons sont deux fois plus nombreux, seize répartis sur deux rangées. Ce verrouillage possède plusieurs avantages : il est sûr, il est rapide et il est fluide. La fluidité est d’ailleurs ce que l’on remarque en premier en manipulant l’arme, moelleuse et donc forcément rapide, d’autant que la course arrière de la culasse est d’une longueur contenue. Même si celle- ci recule vers vous, puisqu’elle n’est pas enfermée dans le boîtier, elle ne devrait pas vous obliger à reculer le visage entre deux tirs.
La sûreté est placée sur le col de crosse au niveau de l’appui du pouce. Comme un armeur, sauf que ça n’en est pas un, ou pas vraiment. Cette sûreté possède trois positions. Lorsqu’elle est reculée, la culasse est immobilisée et la queue de détente est désarmée – elle n’est pas bloquée, puisque vous pouvez la presser, mais ce sera sans effet. Lorsque vous la poussez légèrement, la sûreté dévoile un repère blanc. La culasse est alors libre mais la queue de détente reste souple et sans capacité à déclencher le tir. Enfin, lorsque la sûreté est totalement poussée, un carré rouge apparaît en plus du repère blanc, la carabine est prête à tirer. On ne peut donc pas parler réellement d’armeur, mais de sécurité active puisque le marteau est bloqué et la queue de détente désengagée. Cette dernière, à la différence de ce que l’on voit sur la plupart des armes de chasse, ne libère pas le percuteur placé sous tension de ressort. Cette percussion s’inspire en fait des armes militaires. La pression sur la queue de détente libère un marteau qui pivote alors vers l’avant sur un quart de tour pour aller frapper l’arrière du percuteur.
Aux normes militaires
Beretta a imposé à son arme les normes et exigences d’une arme militaire bien qu’elle soit conçue et développée pour la chasse. La BRX1 a été poussée dans ses retranchements et éprouvée au-delà de ce que vous pouvez imaginer et de ce que vous ne pourrez jamais lui faire subir. Il est inutile de vous assommer avec des données aussi nombreuses qu’absconses, sachez seulement que la carabine a été soumise à trois obstructions de canon. La première avec une balle (le projectile, pas la cartouche) enfoncée à 5 cm de la bouche du canon, la fois suivante avec la balle placée à 16 cm de la bouche et la troisième avec la balle bloquée en sortie de chambre, juste après la prise de rayure. La carabine a résisté à chaque fois. Le chargeur est large et épais, et réalisé intégralement en techno- polymère. Il offre un rangement en double pile imbriquée et peut contenir jusqu’à cinq cartouches en standard comme en magnum. Il résiste aux chocs et surtout il est orange vif, vous aurez du mal à le semer ! La dépose se fait au moyen de deux poussoirs, un de chaque côté, qu’il faut presser simultanément. Ce double verrouillage évitera de le perdre à l’approche, contrairement à ce qui se produit avec les chargeurs munis d’un seul bouton, que l’on a si vite fait de perdre lorsque la carabine frotte du mauvais côté, à l’emplacement du poussoir.
Ces deux poussoirs ne recouvrant pas totalement le chargeur, il laisse des parties visibles de chaque côté de la carabine, formant des rectangles orange immanquables. Ces touches de couleur apportent une note de gaieté bienvenue, et une sorte de signature visuelle plus efficace encore qu’un logo. Notez enfin qu’il est possible de recharger la carabine par le haut, sans déposer le chargeur, c’est toujours pratique s’il vous faut ajouter une ou deux balles dans l’urgence.
Le canon est rond, assez fin – son diamètre à la bouche est de 16 mm. Il est fileté au pas standard de M14 x 1, ce qui convient à tous les modérateurs du marché, d’autant que la carabine est dépourvue d’organes de visée ouverte, les silencieux manchonnés ou télescopiques pourront être employés comme ceux en bout de canon. Le tube a été réalisé par martelage à froid, chambre incluse, ce qui non seulement est rare mais constitue une prouesse technologique. Beretta explique que cette opération en une seule passe permet de garantir un alignement parfait entre la chambre et le canon et donc une concentricité totale, gage d’une plus grande précision.
Ce canon est interchangeable, ce qui vous permettra de changer de calibre et d’utiliser cette carabine à l’approche et en battue. Le démontage est simple. Comme pour une Blaser, il faut retourner l’arme et se munir d’une clé Allen. Deux puits abritent des vis Allen imperdables, qui ne tombent pas lorsqu’elles sont entièrement dévissées. La partie avant du châssis coiffe le fond du devant et sert de berceau au canon, comme un bedding métallique. C’est sur cette extension du châssis que viennent s’ancrer les deux vis de serrage. Entre ces deux vis se trouve aussi une entretoise métallique rectangulaire et perpendiculaire à la crosse. C’est la portée de recul. Un usinage sous la frette la coiffe et l’assoit un peu plus tout en limitant les efforts sur les vis de fixation. Le système est fiable et éprouvé.
Une fois les vis desserrées, vous ouvrez la culasse et le canon se retire par le haut, très simplement. Ce démontage facile permet de changer sans hésitation de canon et donc de calibre. Si vous restez dans une gamme de calibres identiques au vôtre, standard ou magnum, vous n’aurez pas à changer la tête de culasse, juste le chargeur.
Cette dernière ne nécessitera d’être changée que si vous voulez passer d’un calibre standard à un magnum et inversement, mais cela vous prendra moins de deux minutes (voir page suivante).
Régime exigeant
Pour le moment trois calibres seulement sont disponibles, trois .30 puisqu’il s’agit du .30- 06, du .308 Winchester et du .300 Winchester Magnum. D’autres arriveront bientôt, dont le 6,5 Creedmoor, mais pas le 9,3 x 62. Dommage, car c’est un calibre idéal pour la battue. Mais laissons à Beretta le temps d’y penser et gageons que la liste de nouvelles cartouches s’allonge rapidement.
La détente est directe et possède une course très réduite. Si vous regrettez l’absence de stecher, sachez que la BRX1 possède une botte secrète : un bloc détente doté de trois poids de départs prédéterminés, 950 g, 1,250 kg et 1,5 kg, entre lesquels vous pourrez choisir à tout moment. Pour ce faire, vous retirez la culasse mobile et, avec la pointe d’un couteau, levez un « crochet » situé à l’arrière et au-dessus du bloc détente. Ce dernier peut alors sortir par le bas. Sur son côté gauche, un plot circulaire se déplace le long d’une sorte de E découpé, dont la barre supérieure offre le départ le plus léger et celle du bas le plus lourd. C’est pratique, surtout si vous souhaitez emmener cette arme à l’affût ou à l’approche. Ce qui sera possible puisque non seulement son poids est modéré, moins de 3,3 kg, mais Beretta garantit une précision sous la minute d’angle, soit 3 cm à 100 m.
Lors de nos essais, nous avons pu tirer avec cinq BRX1 différentes dans les trois calibres proposés. De quoi nous faire une bonne idée de ses capacités. Premier enseignement, la BRX1 est précise, mais également exigeante. Elle demande à tirer des munitions dites Premium pour délivrer son maximum. Les balles bon marché ne feront pas son ordinaire ! En matière de montage optique en revanche, Beretta a opté pour une solution économique : le sommet de la frette du canon est prévu pour recevoir au choix trois interfaces, dont la très simple et bon marché Picatinny-Weaver de 16 cm. Les deux autres montages sont le Beretta Quick Release et le Sako-Tikka Optilock.
Gare aux éclaboussures !
Sur le terrain, le fonctionnement de la culasse est souple et agréable, sans point d’accrochage. Son débattement est raisonnable et ne vous obligera pas à reculer excessivement la tête. Le busc qui remonte vers l’arrière vous offre une bonne position de visée, le recul est correct. Le levier d’armement incliné à 45 degrés se saisit facilement. Les départs sont bons et le bloc chargeur, visible, facile à alimenter et à installer, est sans défaut. Le démontage du canon ou de la culasse mobile et de sa tête se fait de façon instinctive et rapide. La précision, pour peu, nous le disions, que l’on tire des balles de qualité, est bonne à très bonne.
Pour le moment, le choix de calibres est limité, tout comme celui des accessoires (notamment des poignées interchangeables), mais cela devrait évoluer vite vers une offre qui nous permette de personnaliser l’arme et de l’adapter à nos besoins. À seulement 1 549 € et avec sa modularité et son dispositif totalement ambidextre, cette nouvelle carabine linéaire se lance dans le grand bain avec fracas et risque bien d’éclabousser la concurrence !