Vinciane Despret
Actes Sud/ École du Domaine du possible, 48 p., 6 euros Vinciane Despret incarne une figure rare : celle de la pensée poussant la générosité au plus loin – de la pensée ne cédant jamais sur un principe d’hospitalité qui est aussi, et sans reste, un principe d’étrangeté. Accueillir les autres formes de vie n’est rien, si ce n’est pas accueillir, chez soi, ce qui a toujours relevé de l’étranger, du non-domestique, de ce qui nous rappelle à chaque instant qu’il n’y a de chez-soi qu’en tant que hors-de-soi, qu’impropre. Dans une conférence adressée aux enfants qui assistaient à la fête d’anniversaire du parc botanique et zoologique de Branféré, à Le Guerno, dans le Morbihan, c’était cette leçon que Despret a essayé de raconter à partir de la description du « chez-soi » de quelques animaux. L’endroit, à vrai dire, était curieux : il s’agit d’un jardin qui n’a aucun rapport avec ce qu’on entend d’ordinaire par « botanique et zoologique » – un lieu qui, au contraire, tente de réinventer les relations que les visiteurs entretiennent avec ceux qu’ils viennent visiter « chez eux ». Mais il convenait tout à fait à la pensée de Despret, faite de narrations virevoltant d’une créature à l’autre et d’un paradoxe à l’autre, sans qu’à aucun moment une solution ne puisse être donnée au problème du « chez-soi », puisqu’il s’agit bien d’un problème. Un problème, cependant, n’est jamais un drame; il est une occasion – celle de faire en sorte que s’élabore une trajectoire permettant de le transformer en autre chose, de plus large, de plus englobant, de plus généreux. Les enfants auront compris la leçon, que les adultes, ou ceux qui se rêvent tels, feraient bien de méditer aussi – car, derrière le problème du « chez-soi » se cache, sans trop faire d’effort, un autre problème, qui en constitue l’horizon. Celui de la maison comme oikos – celui de l’écologie.