René de Ceccatty
Gallimard, 440 p., 22 euros Écrivain fécond, René de Ceccatty a publié une quarantaine de récits, romans, biographies – dont celle de Violette Leduc, écrivain radical –, et du théâtre (notamment avec Alfredo Arias). Dans ce nouveau livre, pendant que sa mère dépérit lentement, il revisite les années de sa première enfance, en Tunisie, à Montpellier… Cela donne un récit sobre et tendu, fouillé, où il réalise qu’il n’a connu ni repères ni frontières. D’où sa fascination pour ses paysages intérieurs. René de Ceccatty se dit « piégé » par le gouffre du passé qui l’aspire. Le mot « piège » est très juste pour désigner le passé, ce temps d’ombres et de fantômes ou, au contraire, riche et éblouissant. René de Ceccatty évoque également un « sentiment d’impureté » de la mémoire. Nos souvenirs sont reconstruits, l’enfant vierge en nous a disparu. Quant au miracle de la mémoire, René de Ceccatty constate en souriant qu’il ne l’est que pour celui qui est concerné : les souvenirs des autres sont souvent ennuyeux alors que les nôtres ont une valeur unique, de « fétiches », qui nous identifient directement. René de Ceccatty n’est guère indulgent avec l’enfance – ce « continent noir », comme la nommait Stendhal –, où pullulent travers, défauts, manques. L’enfance fait souffrir, et la décrire n’apaise rien. Se pose également, à ce moment-là de la vie, la question de l’identité sexuelle et des premières pulsions érotiques qui isolent comme, plus tard, l’écriture le fera à sa manière. On lit aussi, dans ce livre authentique, sans fioritures, de beaux passages sur le Japon, où René de Ceccatty vécut, sur la littérature « qui ne peut être un remède à une grande souffrance, rupture ou deuil », ou encore sur la mer, ce mystère, qui accompagna toute l’enfance de René de Ceccatty en Tunisie.