Daniel Spoerri : les dadas des deux Daniel Autour du Nouveau Réalisme
Les Abattoirs / 2 février - 28 mai 2017
« Ne pas oublier que la France n’est pas seulement Paris », rappelait Jack Lang lors de la prise de fonction de Dominique Bozo à la tête du Musée national d’art moderne en 1981. Pour le quarantième anniversaire du Centre Pompidou, ses responsables se sont souvenus de ces paroles. Une quinzaine d’oeuvres du Nouveau Réalisme ont ainsi été prêtées aux Abattoirs où, depuis de nombreuses années, déjà, ont été transférés, à la faveur de dépôts successifs, pas moins de 500 oeuvres d’art (des années 1960 à 1980 environ) et quelque 700 objets (« exotiques ») offerts au Centre par Daniel Cordier. À partir de ces oeuvres et objets sont nées deux expositions originales : l’une autour des Nouveaux Réalistes et artistes apparentés ; l’autre conçue par Daniel Spoerri et regroupant d’innombrables objets de curiosité provenant tant de la collection Cordier que des siennes propres. Il faut le dire d’emblée : les prêts consentis spécialement par le Centre pour la première de ces manifestations ne reflètent pas la richesse des collections du musée, remarquablement doté en la matière. Si les Abattoirs tirent malgré tout leur épingle du jeu, c’est d’une part en raison de l’exceptionnel « dépôt Cordier », au sein duquel les oeuvres du mouvement sont rares mais spectaculaires, à l’instar de la grande compression rouge de César, Coque Vallelunga n°1 (dite Championne), de 1986 ; c’est d’autre part en raison de nombreux prêts complémentaires, privés ou publics, notamment au musée Tinguely de Bâle, lequel s’est départi d’une immense machine animée, pourvue de roues et de miroirs qui se meuvent lentement – hommage mélancolique du sculpteur à son ami Yves Klein. L’exposition parvient aussi à s’imposer par son usage abondant et judicieux d’extraits de films. À l’exception du Portrait-d’Arman, Beaubourg n’a envoyé aucune oeuvre majeure de Klein, mais au moins peut-on voir, grâce à l’image filmée, comment ce dernier réalisait ses Anthropométries et ses peintures de feu – et le spectacle vaut d’être vu ! Enfin, il convient de mentionner les oeuvres des Abattoirs eux-mêmes : une monumentale affiche de Villeglé en six panneaux, par exemple, ainsi que le film de Spoerri et Tony Morgan, Résurrection. Quant à la seconde exposition, elle regorge pareillement de surprises. Présentés sous la forme d’ensembles, les objets amassés par Spoerri témoignent de la capacité d’invention des hommes et racontent leur histoire. À côté des pierres de rêves et des coraux montés sur socle distingués par Cordier, les collections de cannes décorées, de masticateurs, de chaussures d’enfants ou de chausse-pieds de Spoerri illustrent et exaltent le propos qui a toujours été le sien : approcher la culture « par la porte de service ». En écho à ces expositions, le premier étage accueille plusieurs installations de jeunes artistes, parmi lesquelles on a retenu celles de Joël Andrianomearisoa et de Kevin Rouillard.
Catherine Francblin “Don’t forget that there’s more to France than Paris,” Jack Lang remarked when Dominique Bozo became head of the Musée National d’Art Moderne at the Pompidou Center in 1981. For the Center’s fortieth anniversary, its management remembered these words by lending fifteen pieces from its Nouveau Réalisme collection to the Abattoirs. This modern and contempo- rary art museum in Toulouse already had, on permanent loan, no less than five hundred artworks (mostly from the 1960s and 70s) and some seven hundred “exotic” objects donated to the Center by Daniel Cordier. This wealth was used to mount two highly original exhibitions, one of work by the Nouveaux Réalistes and artists associated with that school, and the other, curated by Daniel Spoerri, a curiosity cabinet featuring innumerable objects from the Cordier collection and his own. The problem is that these works on special loan from the Pompidou Center for the first of these two exhibitions do not reflect the richness of its holdings, a remarkable collection of Nouveau Réalisme work. If the Abattoirs succeeds after all, it is due, on the one hand, to the exceptional “Cordier deposit,” with its rare and spectacular pieces from that school, such as the large-scale César “compression” Coque Vallelunga n°1 (1986, a crushed racing car), and on the other, the many other private and public museum loans, especially from the Tinguely museum in Basel, which provided an immense machine with slowly moving wheels and mirrors, a melancholy tribute to Yves Klein. Another strength of this exhibition is its copious and judicious use of film excerpts. With the exception of Klein’s Portrait (of Arman), the Pompidou Center sent none of his best work. But thanks to a film, Toulouse visitors could still watch Klein making his Anthropométries and fire paintings, which is quite a sight. Lastly, the work from the Abattoirs’ own collection should be mentioned, such as an enormous Villeglé sixpanel poster, and Résurrection, a movie by Spoerri and Tony Morgan. The second of these two shows is also full of surprises. The objects amassed by Spoerri, presented in ensembles, are testament to humanity’s inventiveness and tell its history. Alongside Cordier’s dream stones and coral mounted on pedestals, Spoerri’s collections of decorative canes, dental appliances, children’s footwear and shoehorns illustrate and illuminate his longtime stated goal of approaching culture “through the service entrance.” Complementing these exhibitions, the museum’s second floor features several installations by young artists, most notably Joël Andrianomearisoa and Kevin Rouillard.
Translation, L-S Torgoff