Des galeries d’art sous l’Occupation / 21 rue La Boétie
Galerie Frank Elbaz / 4 février - 11 mars 2017 et Musée Maillol / 2 mars - 23 juillet 2017
On saluera l’initiative de Frank Elbaz consistant à s’interroger sur un épisode surprenant de l’histoire de son métier : la poursuite des activités des galeries d’art à Paris, sous l’Occupation. Ce n’est certes pas le seul secteur économique concerné par cette période douloureuse, mais il a sans doute souffert plus qu’un autre de la spoliation des biens appartenant aux familles juives ; biens qui ont contribué à alimenter ce marché tant en France qu’en Europe. L’exemple le plus médiatique est celui de la galerie de Paul Rosenberg, qui fait actuellement l’objet d’une exposition particulièrement bien documentée, 21 rue La Boétie, du nom de l’adresse historique de la galerie. L’exposition Des galeries d’art sous l’Occupation – dont le commissariat a été confié à Emmanuelle Polack – ne répond pas psychologiquement à cette interrogation ; elle dresse cependant un panorama sélectif de la question, ce qui est pour le moins salutaire. Les réponses se dessinent en filigrane au travers des archives iconographiques et manuscrites présentées dans la section consacrée aux quelques galeries prises comme exemple : Zak, René Gimpel, Paul Rosenberg et Charpentier. Si chacune d’entre elles possède bien sûr son histoire particulière due aux parcours différents de ses fondateurs, ces histoires se terminent tragiquement par l’extermination des propriétaires des deux premières dans les camps de concentration nazis. Ces réponses sont cependant plus explicites dans la première section de l’exposition. Elle concerne les ordonnances allemandes relatives au statut des juifs – les mesures prises contre eux, leur recensement, l’interdiction de fréquenter des établissements publics, les mémentos à l’usage des administrateurs provisoires attachés aux questions juives. Ces ordonnances placardées dans Paris montrent que ces pratiques étaient de notoriété publique. Ce qui n’empêche pas certains de vivre comme avant, comme en témoignent quelques actualités filmées de l’époque : la galerie Charpentier honore Van Dongen en présence de la femme de l’ambassadeur d’Allemagne, alors que l’insolent succès des ventes à Drouot ne se dément pas. La seconde exposition, 21 rue La Boétie, consacrée à la galerie Rosenberg, permet de se rendre compte de ce qu’était la vie, le métier, le réseau, la stratégie, et surtout les relations entretenues entre un grand marchand et des artistes, tels que Picasso, Braque, Léger ou Matisse. Ces deux expositions aux conceptions différentes se révèlent ainsi complémentaires, la modestie apparente de la première permettant de se rendre compte au plus près de la dure réalité de la spoliation et du trafic d’oeuvres d’art qu’elle entraîna. En dehors de ces drames humains, l’Occupation engendra l’exil de bon nombre d’artistes vivant en France, prélude indirect à l’émergence future de l’art américain et de la scène new-yorkaise par rapport à celle de Paris.
Bernard Marcelis Frank Elbaz is to be acclaimed for looking at this rarely examined theme: the activity of Parisian art galleries under German occupation during World War 2. Obviously, this sector was hardly alone in its tribulations, but no doubt it was affected in a particularly acute way because of the despoliation of Jewish families, whose possessions fed into the market in France and beyond. The most famous case, no doubt, is that of Paul Rosenberg, currently the subject of a very thoroughly researched show, 21 rue La Boétie, named after the address of his gallery at the time. This exhibition, Des galeries d’art sous l’Occupation, curated by Emmanuelle Polack, does not take a psychological approach but, rather, draws up a panorama of the question, which is salutary. The picture emerges implicitly through the archive photos and manuscripts presented in the section looking at the cases of particular galleries: Zak, René Gimpel, Paul Rosenberg and Charpentier. Each of course, is distinctive, being bound up with the life of the gallery founder, but we may note that in the case of Zak and Gimpel the owners both ended their lives in the Nazi concentration camps. Things are more specific in the first section, which looks at the German rulings concerning the status of Jewish citizens, including the census, bans on frequenting public establishments, and memorandums to the administrators responsible for Jewish questions. These orders, which were posted around Paris, show that German policy was perfectly overt. Still, it didn’t prevent everyone from going on just as before, as we can gather from the newsreels showing the Charpentier gallery honoring Van Dongen in the presence of the German ambassador’s wife, and reporting on the high prices at the Drouot auction house. The second exhibition, 21 rue La Boétie, gives us an idea of the life, professional activity, contacts and relations developed by the dealer Paul Rosenberg with the likes of Picasso, Braque, Léger and Matisse. The differences between these exhibitions make them complementary, with the apparent modesty of the first focusing closely on despoliation and the resulting trafficking of artworks. Another aspect of the Occupation, of course, was that it sent many artists into exile, and notably to New York, helping lay the foundations of the post-war American art scene and its rise, to the detriment of Paris.
Translation, C. Penwarden