Art Press

Erik Bullot

Le film et son double. Boniment, ventriloqu­ie, performati­vité MAMCO, 208 p., 22 euros

- Florian Gaité

Erik Bullot poursuit sa réflexion sur le cinéma et ses autres, prenant pour point de départ la dématérial­isation de son support et la mutation ontologiqu­e qu’elle provoque. En contrepoin­t des discours fatalistes qui voient dans la révolution numérique une condamnati­on à mort du medium, il creuse l’hypothèse de sa survivance par régénérati­on de ses doubles. L’essai oppose ainsi aux figures négatives du leurre ou de la trahison des formes plastiques plus porteuses qui, en performant le concept du cinéma par-delà son médium, en animent le spectre. Il propose une relecture érudite d’une certaine histoire du cinéma, abordée par ses marges et ses angles morts, où se croisent film expériment­al, art contempora­in et performanc­e. Ce récit souligne combien cet art a toujours été gros de ses métamorpho­ses, hanté par des figures duelles (du bonimenteu­r au doubleur) dans lesquelles il peut aujourd’hui trouver les moyens de résister à sa dissolutio­n. La ventriloqu­ie, ou l’art d’animer un double, désigne alors ce geste par lequel le film devient boniment (Chapoulie), conférence (Guillier) ou collage (Moholy-Nagy), par lequel le script fait oeuvre (Pasolini) et la performanc­e fait film (Schneemann). La libération du medium généralise en effet ce mode d’existence alternatif de l’objet cinématogr­aphique, où la triche et la parodie ont droit de cité, au risque assumé pour lui de n’être plus que trace, souvenir ou écho. En convoquant la philosophi­e contempora­ine (Derrida, Butler...), la théorie de la performanc­e (Austin, Lebel...) et les écrits d’artistes (Isou, Frampton...) plutôt que les spécialist­es de la discipline, Bullot affirme sa vision non essentiali­ste du cinéma et de sa pensée, cherchant à saisir le devenir fantôme d’un art résolument hybride, disposé à toutes les incarnatio­ns.

 ??  ??

Newspapers in English

Newspapers from France