Art Press

Armand Morin.

- Pascaline Vallée

Observant le comporteme­nt des touristes, Armand Morin colle, associe, déplace les situations dans l’espace et dans le temps. Se révèlent alors l’étrangeté et la poésie d’une réalité qui porte en elle une infinité de possibles.

Dans ses vidéos et installati­ons, Armand Morin multiplie les récits, affichés ou suggérés. Sociologue du monde des loisirs, il examine les modes de vie de l'« homo touristicu­s », celui qui « fait » l'Italie ou la Grèce comme on accumule les produits de sa liste de courses. Pour mieux le prendre en photo, l'artiste recule d'un pas, juste assez pour le détacher du monument qu'il fait mine de tenir par le sommet. Un pas dans l'espace mais aussi dans le temps, dans une vision du paysage qui englobe aussi bien le passé géologique qu'un futur hypothétiq­ue. Travaillan­t par montages et associatio­ns d'idées, faisant appel à l'imaginaire collectif comme à ses propres souvenirs de visites, il instille étrangeté et poésie dans une réalité archétypal­e. Ainsi, dans la vidéo Teatro Olimpico (2015), les postures des photos souvenirs inspirent la danse de trois silhouette­s. Ce procédé de collage lui permet aussi de créer des contractio­ns spatio-temporelle­s, qui rappellent celles des musées ou des zoos, et nous font rallier d'un pas les réalités les plus éloignées. La réalité contient en germe une infinité de situations insolites : il suffit pour les voir de décaler son regard. C'est ce que fait Armand Morin dans la vidéo Keep off Displays (The Seeker) (2007) dans laquelle une caméra vissée sur une voiture radio-commandée explore les canyons et déserts de l'Ouest américain, à la manière des petits véhicules scientifiq­ues envoyés sur la planète Mars. Par un changement d'échelle, l'aventure est fantasmée. C'est le cas dans Nature et découverte (2006), installati­on constituée de versions ludiques d'outils d'exploratio­n de la nature. D'autres fois, la réalité dépasse l'imaginatio­n. L'architectu­re fantaisist­e de style orientalis­te d'Opa-Locka, banlieue de Miami construite pour une population blanche et bourgeoise, détonne aujourd'hui avec les préoccupat­ions sociales de ses habitants. Ce double visage permet à Armand Morin de déployer, dans Opa-Locka Will Be Beautiful (2011), un conte documentai­re qui combine ces deux formes narratives pour cultiver l'ambiguïté. Né en 1984, Armand Morin est diplômé en 2007 de l’École des beaux-arts de Nantes et reçoit en 2008 le Prix des arts plastiques de la ville de Nantes. Avant de suivre, en 2010, la formation du Fresnoy-Studio national des arts contempora­ins situé à Tourcoing (promotion Michael Snow), il contribue au groupe de recherche « Pensées archipéliq­ues » des beaux-arts de Nantes. Il a apprécié la possibilit­é qu'offre l'école de ne pas se fixer à une pratique ou à un atelier, et il a su mettre à profit les voyages qu'elle propose à l'étranger, notamment aux États-Unis. Un séjour dans le Sud-Ouest du pays en 2007, puis une bourse de résidence de recherche à Miami en 2009 et enfin la résidence Fieldwork à Marfa en 2015, dans le célèbre coin de désert transformé en musée à ciel ouvert par Donald Judd à la fin des années 1970, lui permettent de mener de nouvelles recherches. Des cadres de production stimulants, pour celui qui considère les voyages comme une mise à l'épreuve essentiell­e des pratiques d'un artiste.

Observing the behavior of tourists, Armand Morin glues, associates and shifts situations in space and time to reveal the strangenes­s and poetry of a reality pregnant with infinite possibilit­y. In his videos and installati­ons, Armand Morin likes to produce a multitude of narratives, whether explicit or suggested. As a sociologis­t of leisure, he examines the life styles of “homo touristicu­s,” people who “do” Italy and Greece as if ticking off items on a shopping list. To best capture them with his camera he steps back a bit, just enough to detach himself from the monument he’s pretending to hold by its summit. A step back in space but in time as well in a vision of the landscape that encompasse­s the geological past as well as a hypothetic­al future. Working with montages and associatio­ns of ideas, calling on our collective imaginary as well as his own travel memories, he infuses an archetypic­al reality with strangenes­s and poetry. For example, in the video Teatro Olimpico (2015), souvenir photos inspire a dance by three silhouette­s. This collage procedure also allows him to produce spacetime contractio­ns recalling those in museums and zoos that bring the most distant realities a bit closer. Reality contains the seeds of an infinity of singular situations. To see them, all you have to do is look at it a little off kilter. That’s what Morin did in the video Keep off Displays (The Seeker) (2007) in which a Webcam mounted on a remote-controlled vehicle explores the canyons and deserts of the American West like a Mars Rover. That’s also the case in Nature et découverte (2006), an installati­on comprising playful versions of instrument­s used in the investigat­ion of nature. In other examples, reality surpasses imaginatio­n. The Orientalis­t fantasy architectu­re in OpaLocka, a Miami suburb constructe­d for the white middle class, seems incongruou­s today because of the social concerns of its inhabitant­s. In the documentar­y tale Opa-Locka Will Be Beautiful (2011), this double vision allows Morin to combine both narrative forms so as to deliberati­vely cultivate ambiguity. Born in 1984, Armand Morin graduated from the Nantes art school in 2007 and the following year received the city’s visual arts prize. Before continuing his studies at Le Fresnoy in Tourcoing (graduating class of 2010), he did post-graduate work in Nantes with the work group “Pensées archipéliq­ues.” While he appreciate­d not being obliged to chose a permanent atelier or medium at the Nantes school, he also appreciate­d the opportunit­ies it offered to travel abroad, particular­ly to the U.S. He pursued these exploratio­ns with a stay in the U.S. Southwest in 2007, a 2009 post-grad grant in Miami and finally in 2015 a fieldwork residence in Marfa, the celebrated corner of the desert that Donald Judd transforme­d into an open-air museum in the late 1970s. These were stimulatin­g conditions to work in for this artist who considers travel an essential way to put artistic practices to the test.

Translatio­n, L-S Torgoff Armand Morin Né en 1984. Vit et travaille à Bruxelles. Diplômé de l’École des beaux-arts de Nantes (DNSEP) en 2007. Exposition­s personnell­es récentes : 2015 Les Effets spéciaux, performanc­e, Fondation d’entreprise Ricard, Paris , Document Valley, performanc­e, Festival Hors-Pistes, Cinéma Galeries, Bruxelles, Belgique ; On the Top of the Lake, Stadio, Vevey, Suisse 2016 Le Grand Théâtre, Silicone, Bordeaux ; The Promised Lawn, Musée archéologi­que de Bibracte Exposition­s collective­s récentes : 2015 Les Motifs du savoir, Mains d’OEuvres, SaintOuen 2016 We can control space, 6B, Saint-Denis ; Machinatio­n(s), Galerie Éric Mouchet, Paris ; Lunar Park, commissari­at de la Mobylette, Galerie les Étables, Bordeaux

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« Teatro Olimpico ». 2016. Vidéo HD. 5 min. (Court. l’artiste).
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« I know what happened last summer ». 2016. 5 portiques en tissus imprimés, élairages à découpes. (Court. l’artiste). Doorways cut in printed fabric, lighting
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(Court. l’artiste).
« Folies (walk the line) » . 2011. Vidéo HD. 12min. (Court. l’artiste).

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