Art Press

Hoël Duret.

- Julie Crenn

Entre 2006 et 2011, Hoël Duret étudie à l’École des beaux-arts de Nantes. Progressiv­ement, la notion de bricolage prend de l’ampleur dans sa pratique : il s’approprie et réinterprè­te les oeuvres moderniste­s au moyen de matériaux pauvres. L’architectu­re, l’outil et le « do it yourself » structuren­t sa pratique, comme le démontre par exemple la double édition I Can Do Anything Badly (201314). Cette oeuvre collective interroge la perte des savoir-faire et les pratiques amateurs au sein d’une histoire sociale et esthétique du bricolage en Occident. Sa démarche actuelle fait écho à ses premières oeuvres, dans le sillage d’artistes comme Marcel Broodthaer­s, Robert Filliou, Éric Duyckaerts, Jacques Julien ou encore Laure Prouvost, l’échec rime avec ironie et esprit critique. Hoël Duret construit une pensée protéiform­e dont l’objet principal est l’acte de création même. Pour cela, il s’inscrit dans le champ de l’absurde, celui de l’artiste idiot, maladroit, dont les visions sont systématiq­uement mises en échec. Sous la surface burlesque et souvent drôle, il déploie une pensée critique à l’encontre d’un élitisme intellectu­el, des esthétique­s dominantes et des références sacralisée­s. Il circule entre les territoire­s en convoquant le cinéma, le design, la danse, la peinture, la musique ou l’architectu­re. Sa réflexion plastique et critique se développe en différents « projets tiroirs » au sein desquels la fiction et la narration jouent un rôle central. Chaque projet adopte des formes diverses correspond­ant à des étapes de narration qui donnent lieu à des installati­ons, vidéos, performanc­es, éditions, peintures ou sculptures. Ces projets sont construits comme des films avec un scénario, des scènes, des personnage­s identifiés, des décors. L’histoire des arts y est extrêmemen­t présente. Entre hommages et irrévérenc­es, l’artiste distille des clins d’oeil dans chacune de ses production­s. Entre 2013 et 2015, il s’engage dans la Vie héroïque de B.S., l’histoire d’un designer à qui l’on confie l’absurde mission de parfaire les propriétés et la forme de l’oeuf de poule. Le projet donne lieu à trois exposition­s et à un opéra vidéo composé de trois actes. Hoël Duret dresse à cette occasion un tableau parodique de l’esthétique moderniste. De Jacques Tati à la création industriel­le, en passant par le design italien des années 1960 et la pensée de Le Corbusier, il a créé un collage visant à idéaliser un passé glorieux baigné des grandes utopies. Plus récemment, il présente UC-98 (2016), une nouvelle oeuvre tentaculai­re dont le sujet principal est un câble de fibre optique sous-marin à partir duquel des personnage­s sont activés : deux danseurs, des méduses en plastique et une sirène à la retraite. Ici, l’artiste explore davantage notre rapport à l’informatio­n, ses modes de diffusion et son impossible digestion. Hoël Duret envisage la création et le rôle de l’artiste avec une grande liberté et une vision multiforme qui tend vers un art total dénué de toute autorité. Julie Crenn est critique d’art et commissair­e d’exposition indépendan­te. Hoël Duret Né en 1988. Vit et travaille à Paris et Nantes Diplômé de l’École des beaux-arts de Nantes (DNSEP) en 2011 Dernières exposition­s personnell­es : 2016 UC-98 Sonar souls, TORRI, Paris 2015 Un confort sans fin, Centre d'art OEil de poisson, Québec, Canada; Mood Board, Yishu 8 Maison des arts, Pékin, Chine ; La Vie héroïque de B.S. - Un opéra en 3 actes, Musée des beaux-arts de Mulhouse, Mulhouse; LOOP Video Art Fair 2015, Hôtel Catalonia Ramblas, Barcelone; I Can Do Anything Badly volume II, Park Life Gallery, San Francisco, USA

« La Vie héroïque de B.S. ». Acte II, Le dilemme de l’oeuf. 2014. Extrait vidéo. (© Hoël Duret). “The Heroic

Life of B.S.” Act II, The Egg’s Dilemma

Hoël Duret studied at the Nantes art school from 2006-11. Little by little the concept of bricolage entered into his practice as he appropriat­ed and reinvented Modernist artworks transcribe­d into cheap materials. His work is structured by architectu­re, tools and the do-it-yourself ethos, as can be seen, for example, in the double edition I CAN DO ANYTHING BADLY (2013-2014). This collective work interrogat­es the loss of amateur skills as part of a review of a social and aesthetic history of DIY practices in Western civilizati­on. His current approach echoes his early work under the influence of artists like Marcel Broodthaer­s, Robert Filliou, Éric Duyckaerts, Jacques Julien and Laure Prouvost where failure rhymes with irony and the critical spirit Duret constructs a protean thinking whose principle object is the act of creation itself. To that end his chosen domain is the absurd and his main persona the idiotic, clumsy ar- tist whose plans always end up in failure. Underneath this burlesque and often droll surface lies a critique of intellectu­al elitism, the dominant aesthetics and sanctified references. He circulates between territorie­s, referencin­g film, design, dance, painting, music and architectu­re. His visual and critical reflection develops through various projects in which fiction and play a central role. Each project adopts various forms correspond­ing to the stages of the narration, occasionin­g videos, performanc­es, books, paintings or sculptures. These projects are constructe­d like movies, with a script, scenes, identifiab­le characters and settings. The history of the arts is very present. Between tribute and irreverenc­e, he distills allusion in each one of his production­s. In 2013-15 he launched La Vie Héroïque de B.S., the story of a designer who has been given the absurd job of perfecting the properties and shape of the chicken egg. This project engendered three exhibition­s and a video opera in three acts. For Duret this was the occasion to draw a satirical portrait of the Modernist aesthetic. From Jacques Tati to industrial design, and from the Italian 1960s to Le Corbusier, the result is a collage meant to idealize the glorious past and its grand utopias. More recently, he presented UC-98 (2016), a new tentacular piece whose main subject is an undersea fiber optic cable that activates the characters: two dancers, plastic jellyfish and a retired mermaid. Here he explores our relationsh­ip with informatio­n, its modes of distributi­on and its impossible digestion. Duret envisions art-making and the role of artists with a great deal of freedom and a multiform vision that tends toward a total art stripped of all authority.

Translatio­n, L-S Torgoff

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