Franck Mallet
Pierre Henry, le son, la nuit
Philharmonie de Paris / La rue musicale, 160 p., 13,90 euros Hanté par les sons, Pierre Henry pouvait ne penser qu’à un seul d’entre eux pendant des nuits entières, le faire bouger, le décliner à l’infini. Pas besoin d’instruments, son imagination suffisait. Inventeur de la musique concrète, avec Pierre Schaeffer, au début des années 1950, sacré « pape de l’électro » par les groupes de musique techno, il est de ceux qui ont rendu poreuses les frontières entre musique contemporaine, musique pop et variété. Ses collaborations avec les chorégraphes, les plasticiens ou les cinéastes témoignent de sa curiosité autant que d’une époque. À Arman, il a dédié Variation pour une porte et un soupir que lui enviait Paul McCartney ; François Dufrêne était pour lui l’incarnation « d’une sorte de lutherie vocale ». Uniquement constitué d’entretiens, ce petit ouvrage restitue la parole imagée d’un homme qui évoquait si bien les sons que l’écouter revient presque à les entendre. Franck Mallet sait mettre en évidence la liberté introduite par la musique concrète, insistant notamment sur la façon dont Pierre Henry a renouvelé les conditions de l’écoute, qu’il s’agisse de sa durée, des lieux de sa diffusion, de la position ou disposition du public. Si le compositeur a investi toutes les salles de concert jusqu’à l’Olympia, il a aussi créé des oeuvres dans des espaces incongrus, fermés ou à ciel ouvert, tels que la Piazza Beaubourg ou la Saline royale d’Arcet-Senans. Personnellement, je me souviens avec ravissement des concerts qu’il a donnés dans sa maison du douzième arrondissement de Paris, quand, penché sur sa console, le maître des lieux y orchestrait chaque soir pendant six semaines un voyage sonore que nous écoutions en déambulant de pièce en pièce, si près des sons qu’il nous semblait possible de les toucher.
Catherine Francblin